Tu te regardes dans le miroir de ta coiffeuse et tu mets du blush sur tes joues. Rien qu’un peu, bien sûr, il ne faut pas altérer la couleur blanche de ta peau. N'était-ce pas ta signature? Ta beauté éthérée, angélique, pure. Tout le contraire de ce que tu étais en réalité.
Reposant ton pinceau sur le verre de la commode, tu fixes encore un moment ton reflet. Tes rides au coin des yeux, de ta bouche, des joues, rajoutent à ton charme, prouvant par là même ton âge au monde. Toi seule, cependant connaît l'expérience que ces marques sur ta peau recèlent . Les années passées à la dure dans une famille monoparentale… enfin… pouvait on appeler ça monoparentale, quand le parent recevait de la compagnie galantes et moins galantes pour payer sa came? Peut être. Tu ne sais pas, ça faisait tellement longtemps, que tu avais oublié. Relégué ces souvenir dans un coin de ta tête, avec ceux que tu ne considérais plus tien. Des souvenirs d’années ou t’avais été le fournisseur de la came de ta mère, ainsi que de plein d’autres. Des années ou t’avais utilisé ton corps, et ta tête pour pouvoir garder le toit de la caravane dans laquelle tu ne voulais même pas habiter. Des années ou tu avais dansé avec l’illégalité une gigue endiablé
.
Tu regardes ton corps dans le miroir, drapé dans la soie noire de ton peignoir de chambre, contraste absolu avec la blancheur de ta peau, la blondeur de tes cheveux relevée en chignon lâche, exposant ta nuque ainsi qu’une cicatrice blanchâtre. Souvenir un peu plus vivace que les autres que t’avais essayé d’oublier. Un souvenir que t’avais beau essayer de taire, te revenais souvent, jouer dans tes rêves, ou plutôt tes cauchemars.
L’image d’une lame sur ta peau, du sang sur tes mains, des cris dans la tête. Les tiens, ceux d’une autre. Une nuit sans lune, 35 ans plus tôt. Le soir ou on t’avais dit que t’étais devenu une femme … “Une petite pute comme ta mère” … Le jour où tu t’es juré à toi même que tu n’allais plus jamais laisser quelqu’un avoir le pouvoir sur toi.
De belles paroles d’une gamine de 15 ans, que tu n’avais pas pu tenir les premières années de ta vie d’adulte.

D’un geste aérien, tu ramène l’étoffe lisse sous tes doigts, sur la trace de ton passé. Et tout aussi légèrement, tes doigts se referment sur la base de ta brosse à cheveux. La sensation de l’argent lisse et le poids de cet instrument te tirent un sourire léger. Symbole d’opulence que tu tenais dans ta main. Parfois, l’envie te prenait de sourire quand tu comparais ta vie d’avant à celle que tu t'étais bâtie. Un sourire mystérieux qui gardais tes secrets pour toi, et toi seule. Comme en ce moment.

Un geste à la périphérie de tes yeux attire ton regard, tandis que délicatement tu avais commencé à détacher ta crinière blonde et à la brosser.
100 coups de brosse chaque soir.
“Tu viens ?”
La voix t’avais demandé.
Te concentrant sur la forme dénudé entre les draps de ton lit, tu souriais, cette fois un peu moins mystérieuse, et beaucoup plus aguicheuse.
“Sous peu”
Réponds tu simplement.
Les abdominaux exposés à ta vue, dans le reflet de ta psyché étaient alléchants, séduisants, et ô tellement délicieux à regarder pour passer le temps.
Et dire que quelques années plus tôt un autre corps flasque partageait ta couche. Poilu, bedonnant, fripé et à l’odeur particulière. Il t’arrivait parfois de te rappeler ton défunt mari, quand tu voyais son portrait quelque part dans la grande maison qu’il t'avait laissé, ou quand tu utilisais son nom de famille pour te présenter… Mais hormis ces quelques réminiscences éparses, tu avais tout oublié des 10 années que vous aviez passées ensemble. Ses enfants t'avaient tout aussi naturellement supprimé de leur vie… comme si t’avais un jour eu envie de garder contact.
Chassant l’image d’Arthur Webster, à la moustache grise, et au double menton, tu revenais au brun qui tenait tes draps chauds ces derniers jours.
Il faisait partie de ton équipe de gros bras et semblait très avide de monter en grade. Il essayait même de te le prouver chaque nuit. Et étant miséricordieuse, t’avais accepté d’entendre ses arguments.
Il n’allait cependant pas faire long feu. Ce qu’il ne savait pas, c’était que te charmer revenait automatiquement à perdre sa place dans ton équipe. Tu ne mixais pas travail et plaisir. Ou du moins tu le faisais, jusqu’à ce que le plaisir devienne répétitif et là tu virais la distraction sans préavis.
L’idée te fis rire intérieurement. Un préavis pour un dealer de drogue? Intéressant concept.
Il ne faisait de toute façon pas partie des plus brillants, ni des plus déterminés. Ses beaux traits étaient ses seuls atouts et bientôt tu seras fatigué de son corps, de ses mots, de son nom, et tu chercheras un autre jeunot de 20 ans que tu séduiras.
L'embauchera tu pour ton lit et pour ton équipe? Lui fera tu aussi écouler ta drogue dans la cité? Peut être que celui la pourrait un étudiant à Harvard… L’université étant un terrain encore très peu exploité par le Gang du Brotherhood quand il s’agissait de vente de stupéfiants. Chose que tu comptais changer, maintenant que tu avais pris tes marques à Boston.

Ton téléphone vibra attirant ton attention à l’écran ou s’inscrivait le nom de Fox.
Nom de code de votre chef. Un homme que tu avais connu avant même que tu ne devienne madame Webster, quand tu n’étais que Nox dans la boîte de strip tease minable ou tu travaillais.
Tapotant sur la notification tu la lit et sourit. Un message vous annonçait que vous alliez avoir une réunion prochainement.
Hum… Intéressant. Ça promettait d’être drôle.