Bullets to the heart
— Locked- Welshly arms —

w/ @Joséphine Porter

Les remparts s’effritent. Insidieusement, doucement, un monde qui part en morceaux, épars autour de ma silhouette trop juvénile. Un abandon de plus et par mon pilier en personne. Je ne touche plus vraiment le sol, noyée par mes enfers. Une fois encore, je vais devoir reconstruire, maintenir une voûte sans doute trop lourde pour mes épaules. Mais après tout, le sang des plus viciés coule dans mes veines. Funeste héritage pour la Petite Bain. Orpheline des criminels, phalanges à peine écloses mais déjà trop noircies de mes vices. Il est désormais trop tard pour faire machine arrière. Des cicatrices qui demeurent sur la peau encore fraîche et un poids bien trop lourd au cœur de mes clairs iris. J’ai retrouvé Dutch quelques instants plus tôt, et happé par nos enfers, j’ai assouvi la vengeance. Elle ne fût qu’une maigre consolation, une trêve bien trop éphémère mais un poids s’est tout de même libéré lorsque la vie avait quitté les prunelles familières de Iakov. Traître sans nom. Traître empli de regrets soi-disant, voulant faire jouer la corde plus sensible dans ma carapace encore trop chétive. Après tout, il m’avait préservé. Abattu le loup, mis au trou là entre les barreaux, pour mieux s’attribuer le mérite, me compter à ses côtés, oubliant que mon absence d’âme ne me ferait pas oublier mon seul amour. Il ne me reste plus rien, si ce n’est ce semblant d’empire qu’on a construit ensemble. Les Soul stealers sont affaibli d’avoir pu perdre leur chef de meute, nous devrons trouver des alliances plus solides et faire perdurer ce qui a été construit déjà. Face exsangue et yeux cernés, je débarque dans mon établissement, nettoyant machinalement l’endroit pour faire passer le temps. Je n’ai plus nulle part où aller. Dans un coin, Gotham s’est allongé, et je pense qu’il a compris, que son maître ne reviendrait pas tout de suite. La porte s’ouvre sur une silhouette incendiaire, reconnaissable et familière. Finalement, la Rousse gagne du terrain dans nos enfers, sait apporter une aide appréciable, une verve perfide et experte. Mince sourire aux lèvres, je ne prête pas immédiatement attention à sa mine chiffonnée. Je vais devoir lui dire. Tout ce qu’il s’est passé. « Hey Jo, comment s’est déroulée la nuit ? » Simple question d’une patronne qui interroge son alliée.        

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Le silence se répand. Comme le vide qui me tenaille. Une vague nausée s’empare de ma gorge alors que le battant s’entête dans une course. Le décor est similaire mais tout est bousculé. Les pions redistribués. Et tu ne te doutes de rien. Incendiaire tapie dans le recoin de notre joyau, déployant deux shots comme pour me faire comprendre le chaos de mes nuits. Pantin malhabile et juvénile, je laisse mon séant reposer sur le tabouret de bar, gamine mal assise. Prête à basculer. D’un côté, de l’autre. Le fil est trop ténu désormais. « Au poste. » Les phalanges entourent la transparence du contenant. Je n’ai jamais aimé l’alcool. Je le trouve trop brutale, trop sévère avec mon sang. Ma carcasse trop allégée de nourriture ne supporte pas réellement ces substances. Pourtant, mes lippes empoignent le breuvage, s’y accroche dans une saccade amère et brutale, le verre repose, d’un geste sec et d’un bruit mat sur le comptoir. Ma langue parcourt furtivement le dessin de mes charnues, avant que mes billes délavées ne remontent aux tiennes. M’interrogeant de tes silences, je délivre la parole. « Stark est en prison. Iakov ne reviendra plus. » Et je ne sais pas si tu te doutes que dans mes folies vengeresses, ton amant était avec moi. Tu ne tarderas pas l’apprendre. L’orgueil me tapisse pour autant, bien que brisée, je ne veux pas l’admettre. « Je ne te retiens pas si tu n’as pas envie de rester. » Parce notre monde n’aime pas les proies affaiblies, les remparts de protection qui s’effondre. Et l’ange diabolique face à toi, n’a plus vraiment d’ailes.

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Autant te dire la vérité. Rien ne sert de ménager ses effets. T’es une femme forte, de poigne. Dévastée, puis reconstruite et puis brisée encore. Entière devant mes orbes, mais dessinée de lignes fendillées pour qui sait observer. On est pareilles sur ce point. Et c’est ce qui fait que je m’accroche à toi en quelque sorte. Je n’attends rien, mais je sais que je peux compter sur toi. A ta manière. Tu ne t’apitoies pas et bordel, je ne l’aurais pas supporté. Mon minois n’attire que trop la pitié, la tendresse. Une envie irrépressible de me couver. Mais en vrai, allez vous faire foutre avec vos culpabilités mièvres. Le monde ne m’a pas épargné. Personne n’est venu me border lorsque leurs gorges tranchées pleuraient leur sang sur le parquet. C’était si pathétique, presque drôle. Irréel. Personne pour me protéger lorsque la rue m’a aspiré, enlacé et oppressé de ses bras noircis et malsains, toujours plus lugubre. Repu par la misère des hommes. Alors j’ai appris à avancer. Sans vous. Sans personne. Et pas même Lui. Verre porté à mes lèvres, gorge avide de brûlure, de ne plus sentir le goût de sang versé, l’amertume de la poudre des canons qui explosent. Adrénaline en descente. La chaleur vient se répandre dans mes veines anémiées, trop avides de nourriture pour ne pas sombrer sous la puissance de l’alcool. Ça vacille un peu et c’est doux. Les phalanges prennent un cône agonisant dans ma poche, meilleure substance pour mes organes habitués alors que je t’observe te servir un second. Je ne viendrai pas dire quoi que ce soit pour être hantée de démons différents mais similaires. Le souffle inspire sa volute bleutée pour laisser naître un mince sourire, ravivant d’un singulier éclat mes orbes tristes et exténués. « Je préfère que tu saches à quoi t’en tenir. » Plus vraiment de sécurité ici, mais je ne compte pas abdiquer si facilement. Je suis chétive mais tenace. Je compte bien le prouver à leur monde machiste. La puissance des femmes. « Tant mieux parce que l’agonie n’est pas vraiment au programme. » Braise allumée de mes volontés perfides et la fumée vient se suspendre entre nous. « Je pense que je devrais te procurer une arme. » Pour les fois où je ne suis pas là. Et en attendant qu’on recrute une personne capable d’assurer la sécurité de notre écrin. « A moins que tu en possèdes déjà une. » Après tout, tu connais l'expert en la matière, mieux que personne, il me semble.

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w/ @Joséphine Porter

J’ai toujours été transparente envers toi. Sans doute parce que tu as cette poigne, cette indépendance de caractère qui ne se démonte pas. Tu as su te faire une place au fil des mois, devenir un repère pour mes filles et moi. Mes lèvres avides de cette herbe douce, je t’observe dans le même élan avec ton verre. Viciées jusqu’au sang. Luttes internes qui abdiquent bien vite. Nous sommes désormais exposées, plus vulnérables et les autres gangs ne tarderont pas à le savoir. C’est sans doute déjà fait puisque à l’initiative des italiens et des russes, une fois de plus. Je hoche doucement la tête. « Au moins de façon temporaire, le temps que je trouve de nouvelles personnes pour assurer une sécurité supplémentaire, je vais devoir m’absenter plus souvent. » et je n’ai plus cette ombre dans le dos crainte par le commun de Boston. Un mince sourire vient animer mes lippes juvéniles alors que j’aspire une nouvelle bouffée de poison. « Je n’en doute pas. » Et il est plutôt bien pourvu Dutch, un vrai magasin de jouets. « Dis-lui que c’est moi qui l’ordonne. » Des chances qu’il n’accepte pas autrement, par seul désir de te protéger. Mais notre réalité est ainsi et les brutes ne s’arrêteront sans doute pas parce que nous sommes des femmes, bien au contraire. « Parfait. On va devoir être plus regardantes sur les nouveaux clients. » Parce que le commerce doit continuer de tourner mais qu’on ne doit pas prendre de risques inutiles. Mes doigts pianotent sur le comptoir alors que tu as vidé un nouveau verre. « Tu penses pouvoir te libérer davantage pour être ici ? » Parce que tu es l’employée en qui j’ai présentement le plus confiance.

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w/ @Joséphine Porter

Aveu d’une faiblesse, d’un pouvoir que je remets entre des doigts. Tu as se te démarquer Joséphine, marquer l’endroit de ta présence singulière, féroce. Si j’avais écrit les rôles pour hanter mes lieux, tu aurais été l’aura parfaite, la figure préférée. Une partie de moi t’admire, mais surtout te respecte. Imaginant déjà Dutch pester de mes sombres desseins , mais ne pas s’y opposer car il sait que tu es un avantage redoutable pour le lieu. Respectant nos libertés, nos volontés féministes et farouches, obstinément libres. Rictus qui vient animer mes lippes entre deux volutes de fumée. « On ordonne pas à Dutch mais il sait se plier quand il faut soutenir une cause appréciée. » Et la tienne l’est plus que les autres, j’imagine. La Hiérarchie se doit d’être respectée mais avec lui, je n’en ai jamais abusé. J’ignore la jalousie qui t’anime, puisque je ne nourris aucune pensée équivoque à son égard. Cadre bien délimitée et limite à franchir qui n’est même pas envisagée. Il est un bien trop précieux, le mentor dédié à mes causes plus funestes. Nos vices nous abreuvent et cette envie plus latente de nous écarteler entre Eros et Thanatos, femmes qui aiment nourrir l’ambivalence et des réflexions singulières, qui ne viendront desservir que leur propre cause, leur intime soif de violence. Que le corps vibre encore, que la peau s’écorche, que le souffle se suspende sous la surprise des évènements enchaînés. Ce monde court de toute manière à sa perte, autant le faire avec panache. « Merci Joey. » Mes phalanges viennent se poser furtivement sur les tiennes, ton soutien compte bien plus que tu ne veux l’admettre. « Le tatouage te sera fait de gré si toutefois un jour tu le désirais. » Mes ivoires se dévoilent, d’une singulière complicité, ne comprenant que trop, que tu ne renonceras pas à ta précieuse liberté. Offrande acceptée sans franchir tes limites, signal ultime de mon respect.

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