Le palpitant s'emballe et rien ne semble pouvoir le maitriser, surtout pas en voyant l'heure fatidique approcher. Vingt heures. Non pas l'heure du décès, mais pas loin. Le pouce fait glisser la conversation à plusieurs reprises pour lire encore et encore ce qui semble être surréaliste. Je pouvais le dire, je ne l'avais pas vu venir celle-là. Plutôt risible quand j'imagine que l’alignement des planètes devrait être parfait pour que ce genre de situation - tout droit sortie de mon imagination - puisse véritablement arriver et BIM figurez-vous que les planètes, Jupiter et Saturne, s’alignaient réellement ces jours-ci. Sourire béat aux lèvres, je ne réalisais pas tellement ce qui était en train d'arriver et une pointe de stress faisait vibrer mes mains sans que je ne puisse le contrôler. Tu joues avec mes émotions Hohenstaufen, et aussi celle de la créatrice divine qui plane au dessus de ma tête. Mais j'essayais de me contenir, parce qu'on allait parler ce soir. Et tout pouvait arriver, n'est-ce pas ? Rien n'était gagné, surtout pas avec nous. Alors pour éviter les déceptions, je me répétais inlassablement que tu étais assez imprévisible pour me claquer un " ce n'est peut-être pas une bonne idée ". Ce à quoi, en sortant des rames, j'arriverais à trouver un truc. AAAAAAH. Calme-toi Marla. Ce n'était pas juste comme ça. Le voyage en Norvège et le moment de tendresse partagé ensemble, ce n'était pas juste comme ça. Et je m'y accrochais fort à cette confession.

Excitée comme une puce, j'attendais non loin de la porte. Une pointe de stress, un cœur qui bat comme s'il allait décoller. J'ouvre la porte en entendant aboyer dans les escaliers. Je ris quand Charlie déboule comme un sauvage. " MON AMOUR " que j'lâche en me marrant. On saura pas si c'est pour toi ou pour la boule de poils. Me voilà en train de régresser avec une petite voix mignonne à l'encontre du chien qui est encore plus remonté que moi. " Tu lui as filé quoi ? " Lui aussi, tu lui as dit des trucs rêvés ? Tu lui as parlé de la montagne de friandises qu'il pourrait potentiellement avoir ? J'me redresse, sourire béat aux lèvres, les mains qui réajustent le pull et les joues qui se colorent sous ton regard. " Tu veux un verre finalement ? " que je demande en riant, plaquant mes mains fraiches sur mes joues pour calmer l'incendie. Dis un truc, fais quelque chose. J'ai juste l'air stupide tellement je suis nerveuse et excitée.

@Miles Hohenstaufen

Oui, on peut. Trois mots accueillis par une statue de pierre grandeur nature, quelques minutes auparavant. Miles. Souffle coupé, corps bouillonnant, pensées troublées. Ce n’était pas une bonne idée, fut la première réponse lui traversant l’esprit puis un ‘mais’, des ‘mais’. Une voix, des voix, ces mêmes voix qui l’avaient poussé à se retirer suite à la Norvège tout autant qu’elles l’avaient tiré par la main pour réapparaître. Instabilité quand tu nous tiens, Miles vivait dans une tornade d’indécisions et de doutes constants depuis la tragédie et ô combien les apparences pouvaient prétendre le contraire, il ne s’améliorait pas. Ce n’était franchement pas une bonne idée, Marla. Malgré les ‘mais’, les bons moments, malgré le ‘ce n’était pas juste comme ça’ - parce qu’il avait abandonné cet aspect de sa vie, de passer d’un corps à un autre sans considération - c’était une idée plus que terrible. Chose qu’il souhaitait clarifier de but en blanc ce soir avec elle, aux côtés d’un Charlie rechargé à pleine batterie et face à une Marla tout aussi.. euphorique. L’accueil réservé aux deux le fit d’ailleurs sursauter et accélérer le pouls. Mon amour. Douceur adressé au chien que Miles méprisait encore plus, sans savoir pourquoi. C’est d’un regard exaspéré, les yeux levés au ciel, qu’il les observa jouer leurs retrouvailles et quand elle lui porta enfin de l’attention, il haussa les épaules en réponse à sa première question puis fronça les sourcils pour la deuxième. « Marla, ce n’est pas une bonne idée, tu le sais. » Et il ne parlait pas du verre, Marla. Oui, tu le sais, il le sait, l’univers entier le sait. Deux détraqués, inlassablement perdus et marqués par les péripéties de la vie n’avaient rien à faire ensemble. Aucun poids pour contrebalancer, aucune force; pour lui, pour toi, de ce qu’il avait pu extraire de ton être, t’es l’incarnation de la fragilité. Et il était un volcan en pleine montée de magma, à l’apparence paisible mais intérieurement instable, bouillonnant, au bord de l’éruption à tout instant. L’égoïste qui sommeillait en lui pouvait décemment balayer cette observation d’un revers de la main, conscient du bien que tu lui apportais mais cette voix, cette petite intelligible voix lui susurrait un ‘ne fais pas de mal à marla, s’il te plaît, papa..’ Ce n’était pas du tout une bonne idée. La pire idée du monde, même. Et c’est ce qu’il s’apprêtait à répéter, à justifier, à prouver, à se convaincre - lorsqu’il nota le sourire béat effacé de son visage. Et le sentiment de culpabilité qui le prit instantanément aux tripes le fit jurer et prendre conscience de deux choses : une, son visage teinté de rose par l’euphorie était une vision revigorante qu’il souhaitait constamment observer sur elle et deux, ce faciès là, allait le mener à sa perte. Pour la deuxième fois consécutive, Miles abandonna alors son amure de glace, alla à l’encontre de ses paroles et fit un pas vers elle. En moins de temps qu’il ne le faut pour qu’elle puisse répliquer, ses deux mains encadrèrent ses joues, ses lèvres prirent possession des siennes. La pire idée du monde qu’il se répétait, mais après tout, est-ce que sa vie pouvait empirer plus qu’elle ne l’était ?

L'excitation est à son comble, si bien que c'est difficile de croire que je puisse être morte de trouille sous l'apparence lumineuse que je renvoyais à l'instant. Sourire béat, joue rouge, et zéro gramme d'alcool dans le sang. C'est Charlie qui récolte toute l'attention en premier lieu. La boule de poils est autant - si ce n'est plus - excité que moi. Des retrouvailles après un mois sans m'entendre parler comme une maman gaga de son enfant. Il savait très bien que Marla rimait avec toute l'attention du monde, sans offense, je crois que je remportais la palme de la personne la plus chaleureuse entre nous deux. Il allait recevoir de l'amour et surtout, me le rendre à sa manière. Tout allait au mieux sur mon petit nuage, même ton visage de marbre ne pouvait rien contre le sourire immense qui étirait mes lippes. Mais c'était sans compter tes efforts pour réussir à briser la stabilité qu'on était en train de construire sous nos pieds et tout autour de nous. « Marla, ce n’est pas une bonne idée, tu le sais. » Ton froid et sec, tu étais la caricature de toi-même, celle de l'allemand sans émotion. Et j'avais beau te connaitre depuis quelques années maintenant, ça fonctionnait toujours aussi bien. Oubliez le nuage, les arc-en-ciels et les petits anges qui flottaient partout autour de nous. Plus une once de gaieté n'habitait mon corps. Même le sang avait quitté mon visage. Teint livide, le cœur en chute libre dans l'estomac. T'es beaucoup trop bête Marla. Même après tout ce que tu as vécu, tu n'apprends toujours pas de tes erreurs. Aveuglée par l'amour en lui même. Aveuglée par ce regard froid et dur. Aveuglée par sa prestance, vos souvenirs. Aveuglée par le Diable en personne. Et sachez que ce dernier est très attirant, désirable à souhait. Trop pour moi, certainement. Si proche du but et pourtant, en une phrase, tout s'effondrait. Le sourire a disparu, les lèvres sont entrouvertes, mais c'est à peine si la respiration en sort. Corps inanimé qui voudrait disparaitre. Avec toi. En Enfer. Parce qu'il faudrait être fou pour imaginer que tu allais t'écha-.

Oubliez tout, on rembobine. Your lips, my lips, apocalypse. Les mains en étau. Les lèvres - tes lèvres qui se pressent contre les miennes. Ascenseur émotif que tu me paieras à l'avenir. Le corps s'anime à nouveau, en douceur. Les mains glissent sous le manteau, parcours le tissu pour se faufiler dans ton dos, caresser l'échine. S'arrête un instant pour reprendre le souffle et susurrer contre tes lèvres : together ? Dans les bons plans comme dans les mauvais. Dans la joie et dans la tristesse. Tu me l'as promis il y a quelques mois, qu'on serait ensemble pour traverser les épreuves. Quand bien même tu essayais de t'imaginer le pire, tu n'en savais rien. On en savait rien. Et rien que pour ça, ça méritait que l'on essaye.