S’il était un aussi grand monstre qui se pensait être, il avait la victime parfaite entre ses mains. Celle qui était prête à se convaincre qu’il pouvait y avoir du bien chez quelqu’un, peu importe le nombre d’erreurs qu’il pouvait commettre. Si elle avait voulu le fuir, elle l’aurait fait il y a longtemps. À ce stade, elle savait bien qu’il y avait peu de chance qu’elle ne fasse demi-tour pour le quitter. Attachement un peu trop fort, désir de rester près de lui, malgré les avertissements qu’il lui donnait. “On verra bien quand ce jour viendra.” Le pardon venait difficilement lorsque cela concernait les amitiés simples qu’elle entretenait. Avec Sung, ce n’était pas aussi facile que ça. Le choix entre garder une rancoeur pour une connerie qu’il fera versus garder sa présence dans sa vie, elle savait bien le choix qu’elle fera sur le coup. Choix similaire qu’elle a fait dans le passé, dernière fois qu’elle s’est autant rapprochée de quelqu’un. C’était sûrement le moment de voir les signaux d’alarme, de partir loin de Sung et faire une croix sur lui pendant qu’elle en avait encore le temps, sauf qu’au lieu, elle choisissait de rester. Peut-être que c’était le mauvais choix, une autre erreur qu’elle regrettera avec le temps. “C’est normal de faire des conneries, tu sais? Tu es tout à fait normal.” Parce qu’être normale, elle ne connaissait pas énormément cela non plus de toute manière. Elle y avait goûté lorsqu’elle était plus jeune, mais ce n’était qu’un souvenir lointain, une autre version de Suki qu’elle ne connaissait plus, une inconnue à ses yeux. C’était quoi être normal, de toute manière? Elle a beau s’être entourée de personnes aussi douces les une que les autres, mais si elle y pensait fort, personne n’était normal, personne n’était parfait non plus. La définition de la normalité devait être différente pour chaque être humain, et pour elle, Sung était sa version de normal. Un passé difficile, phobie de solitude, perdu dans ses démons mais désirant tout de même chercher la lumière. Une copie de Suki, identique et donc, normal pour elle. Sa main se referme sur la sienne, un geste qui la choque. Son coeur se remet à battre aussi qu’à son réveil, panique au contact soudain qui lui rappel les gestes qu’un homme lui avait posé il y a des années. Paroles murmurées qui apaisent finalement Suki, la ramenant à la réalité. Ce n’était pas lui. Il n’était pas lui. Elle se contente de le fixer un moment, avec de détacher sa main de la sienne, simplement pour la prendre plus convenablement entre ses petits doigts délicats. “Et si je refuse?” Pas vraiment son intention de défier sa demande, mais plutôt une question par curiosité. “Je ne te ferai pas de promesse, je n’aime pas faire des promesses que je ne suis pas certaine de pouvoir tenir.” Son talent était de fuir les gens, fuir les attachements et les relations qui pouvaient devenir dangereuse pour son coeur. Elle a toujours fuit les charmeurs remplis de confiance qui lui susurrait des mots doux et des compliments. Voilà comment il est entré si facilement dans sa vie, Sung. Par des bêtises, loin d’être un séducteur, et surtout, en ayant besoin d’elle. Sa main serre la sienne un peu plus alors qu’elle s’allonge à nouveau près de lui, son pouce caresse doucement sa main. Elle ferme à son tour ses yeux, profitant du moment de silence pour trouver le courage de dire ce qu’elle pensait depuis un moment. “Je suis bien quand je suis avec toi, un peu trop même. J’ai bien peur que ce soit toi qui devra me forcer à te quitter un jour, je n’ai pas envie d’arrêter d’abuser de ton temps et ton attention.” Parce qu'à ses yeux, c'était elle qui était lourde. Pas habituée d'être autant attachée, et elle prenait goût à ça. Le temps n'allait qu'empirer son égoïsme de vouloir Sung rien qu'à elle, forcément elle allait tomber un jour du haut de son petit nuage confortable.

Elle savait mieux que de continuer à persister pour qu’il accepte son point de vue de lui. Il n’avait pas tord de toute manière, ils ne se connaissaient que depuis peu et elle ne le voyait que majoritairement la nuit, quand le calme est tombé et qu’ils ne cherchaient qu’à se reposer ensemble. Elle n’a pas tout vu de lui, il a raison, mais que cachait-il qui pouvait être aussi noir qu’il pensait si peu de soi? Elle ne cherche pas à lui faire cracher le morceau, s’il croyait vraiment qu’un jour il ruinera tout, elle verra bien en temps et lieux de quoi il était capable, quel genre de geste il pouvait poser de si monstrueux. Dur à imaginer qu’une personne comme lui pouvait lui faire du mal alors qu’il était si doux avec elle. Qu’est-ce qui pouvait bien être à la source de sa prochaine tombée? Elle aimerait savoir, le protéger de ses éléments déclencheurs, balayer son chemin pour qu’il ait une route plus paisible dans le futur. Suki se débarrassait elle-même des facteurs à risque qui pouvaient lui faire du mal, et pourtant elle était bel et bien là dans un lit avec un homme qui prenait une grande importance dans sa vie. Aveugle comme toujours, les plus grands dangers étaient toujours si bien cachés. “Tu me demandes une tâche presque impossible.” Elle préférerait nettoyer le plancher de la salle de bain à quatre pattes avec une brosse à dent plutôt que de partir. La conversation ne lui plaisait plus vraiment. Pourquoi parler de départ alors qu’ils venaient à peine de commencer. Premier contact physique qu’elle apprécie, ce n’était pas le moment de reculer après tout cet effort. “Tu ne devrais pas te casser la tête à penser au futur trop longtemps.” Parce qu’elle aimerait bien profiter du moment présent, ou peut-être penser aux prochaines semaines de travail qui l’attendaient avant de pouvoir partir avec lui, s’échapper pour quelques jours. Elle doutait qu’un problème ne survient entre eux d’ici là, c’était presque impossible avec les heures de travail qu’elle faisait, ils n’avaient pas le temps de se prendre la tête, non? “Il y aura toujours des tempêtes, la vie est faite ainsi. Alors oui, profitons quand il fait beau, et quand les journées seront grises et pluvieuses, je vais tenir ton parapluie pour toi.” Parapluie qui ne tiendra peut-être pas lors des ouragans, mais elle était prête à faire son possible pour l’abriter et le tenir en sécurité. Elle détend sa prise sur sa main, grande inspiration pour enlever la lourdeur de la conversation hors de son corps. Elle expire longuement, les yeux toujours clos. “Ne t’en fais pas trop Sung.” La fatigue reprend le dessus tandis qu’elle murmure ses mots doucement. “Je suis là pour toi.” Dernières paroles soufflées alors qu'elle se bat contre le sommeil qui essai de venir la chercher, détendue par la proximité et sa main dans la sienne, elle tient quand même à rester réveillée avec lui, mais cela semblait être peine perdue.