Equanime. Tout commence par un nom. Son nom. Equanime. Ce nom inspiré de l'équanimité, un détachement à l'égard de toute sensation. Un cheminement, amenant à un apaisement de l'esprit devant toute peur ou désir. C'est sa mère qui avait décidé de l'appeler comme ça. Équanimité. Tout ce dont Equa rêverait en ce jour. Lui qui est si anxieux, timide ou encore stressé. Lui qui n'aspire qu'à trouver sa voie. Les plaines et les montagnes de la réserve de la Wind River lui manquent. L'absence de grandes villes, de pollution et de surpopulation aussi. Difficile d'être embêté par le monde quand tu vis dans un État abritant plus d'animaux que d'êtres humains.  Et pourtant, il n'a vécu que 5 ans dans le Wyoming. Il a passé la majeure partie de son enfance, son adolescence et le début de sa vie adulte à Boston. Mais il ne se sent pas chez lui ici.

Son père ne se remettra jamais de la mort de sa femme, et fera d'Equanime un enfant gâté mais délaissé, abandonné sous les cadeaux et les billets de banque. C'est cette distance entre lui et son père qui fait qu'Equanime aime la solitude. Pourtant, il aimerait bien avoir des amis, au moins un. Quelqu'un sur qui il puisse compter. Mais il est timide et personne ne s'intéresse à lui. N'ayant aucune confiance en lui car son père est avare de compliments autant que de présence, Equa passe son enfance majoritairement seul.

Au collège, Equanime est déjà grand pour son âge. C'est un bon élève, toujours concentré. Il découvre à cette période le football américain, sport qui lui plaît beaucoup mais dont l'aspect "sport d'équipe" le met mal à l'aise. Il choisit de jouer en défense, là où il sait pouvoir compter sur lui-même plus que sur les autres. Il apprend vite à plaquer, et devient très bon dans ce domaine. Il comprend vite qu'il n'a besoin de personne pour aller plaquer l'adversaire. Il choisit de jouer au poste de Outside Linebacker, un poste agressif où la vitesse et la force font la paire. Il est toujours le premier à aller plaquer. Il sait où va aller le ballon avant même le départ du ballon. Il lit l'attaque. Il la détruit.

Durant ses années de lycée, Equanime est un très bon élève, sérieux et attentif, bien que trop discret d'après les professeurs. Étonnant quand son physique ne laisse peu de place à la discrétion. 1m88 dès 15ans,  et déjà 75 kilos de muscles qu'il entraîne tous les jours.  Il dort parfois en cours à cause de la fatigue, et chaque soir il doit rattraper les cours pour ne pas être en retard sur le programme. Quand il ne révise pas ses cours, c'est son playbook qu'il apprend. Il n'en dort presque plus la nuit.

En sport, Equa est un monstre, mais encore une fois, il ne cherche pas à attirer l'attention. Au contraire, il la rejette. Ou du moins, il essaye. Au football américain, sa force écrasante ne laisse aucune chance aux joueurs d'en face. Il est la star du lycée, et cela le gêne dans un premier temps. Mais il se fait un ami grâce à ça. Christian Wilkins, joueur de Framingham High School, qu'il rencontre pendant un match important pour accéder aux playoffs, où son équipe perd à la dernière seconde. Wilkins sera le seul joueur à venir réconforter Equa, en pleurs après cette dure défaite. Ils deviendront bons amis suite à cela. Wilkins entrera en Ligue Nationale (NFL) quand Equa sera en 3ème année à Harvard.

C'est en 2013, où son succès sportif prend le pas sur sa discrète routine habituelle qu'il décide de commencer à étudier les arts. La peinture et la photo principalement. Pour se détacher. Et se libérer. Bien qu'il ne sache pas peindre et malgré les propositions de son père de lui payer des cours particuliers, Equa s'entête à apprendre seul, dans son coin. Loin de tout ce bruit que le sport attire sur lui. Il commence par de la peinture figurative, mais préfère finalement l'art abstrait et la puissance que les couleurs et les coups de pinceau donnent à une toile. C'est par ce type de peinture qu'il crie sa souffrance, son angoisse et sa colère.
A l'inverse, il utilise la photo pour capturer des instants de bonheur, souvent près de la rivière Charles, qui passe à 200mètres de chez lui. Il rencontre en juillet 2013 une fille de son âge, étrangère, sous un pont où il aime prendre des photos. Subjugué, il la prend en photo, alors qu'elle est absorbée par les reflets du soleil et les jeux d'ombres formés par le pont. Entendant le bruit de l'appareil photo, elle se retourne et s'approche de lui. Très vite, elle gagne sa confiance. Ils se voient alors tous les jours, passent beaucoup de temps à discuter de photographie et d'arts. Elle le fascine, mais il ne sait pas comment lui dire.
C'est après deux semaines inoubliables en sa compagnie qu'elle lui annonce qu'elle va rentrer chez elle, en Islande, le lendemain.
Le départ de cette amie lui déchire le cœur, et il s'enferme alors dans une bulle où seuls les cours, le sport et l'art ont leur place.

Il finit le lycée et s'échappe alors. Pendant 3 ans. Il retourne dans la réserve de son enfance, dans le Wyoming. Il y retrouve la nature qu'il chérit tant et des animaux qu'il apprend à connaître. Il travaille avec un soigneur qui s'occupe des Bighorn Sheeps, un race de moutons majestueuse, bien connue dans la région. Toujours curieux, Equa en profite pour découvrir ce métier de soigneur, qui lui plait beaucoup. Il apprend leur fonctionnement, leur vie sociale, leur hiérarchie. Il se voit devenir éleveur, ou soigneur et faire sa vie là-bas. Il peint beaucoup durant cette période. Principalement pour offrir aux gens vivant dans la réserve. Il abandonne l'art abstrait car il se sent bien et n'a pas besoin de crier sa souffrance dans ces plaines calmes et silencieuses. Il peint les paysages de la réserve, de la plus basse vallée à la plus grande montagne. Il maintient sa forme physique par le travail de soigneur, mais aussi par l'escalade et la randonnée, deux activités qu'il affectionne beaucoup. Les falaises de Castle Garden, appelées Castle Gardens Petroglyphs sont un endroit propice.

Cependant il doit rentrer, rappelé par son père furieux, menaçant, et retourner à la vie citadine, loin de la nature sauvage qu'il aime, loin de la douce voix du vent qui porte au cœur des montagnes de la réserve. C'est très dur pour lui de quitter cet endroit une deuxième fois.

L'année de ses 21ans, il entre à Harvard, 3 ans après avoir fini le lycée. Son entrée à l'université se fait sans réel plaisir, mais aussi sans difficulté. Il était très bon élève, bon sportif, sans problème d'argent. Quoi de mieux pour entrer à Harvard.
Mais l'entretien ne se passe pas sans imprévus. Il explique honnêtement ne pas aimer la ville et se sentir emprisonné à Harvard, ce qui décrédibilise son inscription. Mais il explique par la suite qu'il apprécie aussi cette opportunité d'apprendre et de découvrir de nouvelles choses. Equanime aime la tournure de l'entretien. Car il peut enfin parler franchement à quelqu'un de son point de vue sur sa vie rêvée, sa vision de la ville et son amertume. Equa ne sait pas si cet entretien peu conventionnel l'a aidé à entrer ou non, mais le fait est qu'il est accepté.

Ses journées, d'abord monotones, rythmés par les cours, le sport, les arts, finissent par plaire à Equa. Finalement, un lieu de connaissances pareil n'étant pas donné à tout le monde, il se doit en profiter. Equa s'investit beaucoup dans des œuvres engagées qu'il affiche illégalement la nuit dans les rues de Boston. Il y dénonce les injustices sociales, le sexisme, le racisme, la déforestation. Il commence par ailleurs à devenir un membre important de l'équipe de football américain.

En 2020, il entre en 4ème année, prêt à finir son cursus et obtenir son bachelor. Il espère avoir la chance de devenir joueur professionnel à la fin de l'année, mais il est tiraillé à l'idée de devoir abandonner les arts qu'il aime tant, pour se consacrer pleinement au sport. Il a aussi pour la première fois envie de rencontrer des gens, ne plus se sentir seul.