Mes yeux sur mon ordinateur, je soupire doucement. Aujourd'hui est mon premier jour de cours à Harvard et j'aurais tellement aimé que Dimitri soit là. Cependant, mon petit frère a décidé de s'envoler vers l'Europe et l'Italie pour retrouver celui qui fait battre son coeur. C'est tout à son honneur et je n'ai pas voulu jouer l'égoïste avec lui en le forçant à rester à Boston et à m'offrir le petit-déjeuner des champions que je mérite aujourd'hui. La rentrée. Mais de l'autre côté du bureau. C'est de la folie. Il est 6h52, je mords dans mon croissant, relisant ma présentation de Travaux Dirigés et finis mon thé avant de partir vers la salle de bain. Un tailleur aux couleurs de l'université m'attend, apporté par une employée peu après mon petit déjeuner. Je l'enfile, réajuste  ma chemise à la perfection, cheveux lâchés et louboutins aux pieds, j'attrape ma sacoche avec mon ordinateur et sors de ma chambre. Je veux arriver en avance pour arriver avant tout le monde et pouvoir m'installer en attendant de voir les têtes qui seront mes cobayes cette année. Karl m'attend et me conduit jusqu'à l'université. On a déjà pris ce chemin des centaines de fois, il connaît tous les raccourcis et pourtant, nous voilà dans un bouchon. Je soupire fortement et commence à stresser quand je vois l'horloge avancer. D'en avance, je serai à peine à l'heure. Voire même en retard parce que lorsque j'arrive dans le bâtiment, je suis incapable de trouver ma classe. D'un pas déterminé, je passe d'un étage à l'autre, remerciant bien Otis pour m'avoir fait sortir régulièrement ces derniers jours. Je regarde une fois encore le nom de ma salle - Arendt - et peste contre mon cellulaire " Hannah, où es-tu ? " Je tourne dans un couloir et entre en collision avec un grand jeune homme au physique plus qu'agréable. Mais pourtant, je ne m'arrête pas sur ce détail, bien énervée d'être entrée en collision avec lui. " Vous travaillez ici ou vous êtes en retard en cours ? " Il n'y a plus grand monde dans le bâtiment et qui sait, il pourra peut-être m'aiguiller.

@Thaddeus Molnar

Ces derniers jours m'ont mise dans des états pas possible. Le départ de Dimitri pour la semaine, le retour de la mère biologique d'Eden, les demandes de Will de revenir au Manoir pour l'aider et mon acceptation. Parce que je suis incapable de dire non et que je sens déjà d'ici que je n'aurais bientôt plus la chance de passer le temps que je veux avec l'amour de ma vie. Tout cela me tracasse, me travaille plus que ça ne devrait et s'il y a bien une chose que je déteste, c'est arriver en retard. Alors là, forcément, la tête prise par milles et unes missions, je me perds plus que je n'essaye de réfléchir. Je n'ai jamais mis les pieds dans un amphithéâtre ici, toujours assez chanceuse pour être en salle de classe, petit groupe oblige. Perdue dans mes pensées, le visage qui tourne dans tous les sens, je ne vois pas le grand blond face à moi et la collision est immanquable. Je me redresse, retire ma main de la sienne et lisse ma tenue. " Bonjour " Que je souffle en l'écoutant me dire que je n'ai pas de raison de lui passer un savon parce qu'il n'est pas étudiant. Bien. Une chose de moins à faire sur ma liste et il va pouvoir m'aider à trouver ma salle, aucun doute là dessus. " Madame Marriott-Wildingham. J'enseigne ici et je suis sensée être en cours mais impossible de trouver l'amphithéâtre Hannah Arendt " Que je dis rapidement, d'un ton pressé. Je n'ai pas de temps à perdre et je vais devoir faire plus que bonne impression avec mes élèves pour imposer le respect directement. J'étais à leur place il y a quelques mois de cela. " Pouvez-vous m'y emmener ? " Que je demande hâtivement avant de glisser mes yeux sur le jeune homme. " Et vous êtes ? " Que je demande. Pour le remercier comme il se doit lorsque j'aurais trouvé ma salle de classe. Pour le moment, j'ai besoin de réponses à mes douze questions et plus vite que ça.

@Thaddeus Molnar

Pressée, surexcitée et clairement stressée, voilà comment je me sens aujourd'hui. Devenir chargée de TD est une idée née d'une conversation avec Gresham avant l'été et depuis, je ne pensais plus qu'à cela. Alors forcément, dès qu'il y a eu une petite ouverture, j'ai sauté dessus. Je ne sais pas comment je vais réussir à gérer ma vie, l'université, ma soutenance d'ici quelques semaines et mon travail à Marriott International mais je n'ai pas le choix. De toute façon, je n'accepterais pas échouer dans un quelconque pan de ma vie alors il va falloir que je mette les bouchées doubles. Et cela veut dire travailler encore plus, avoir encore plus d'acharnements et essayer de ne pas arriver en retard à mes différents rendez-vous, meetings ou cours. Être à l'heure, c'est déjà être en retard, dans ma philosophie. Et on est seulement en retard pour les rendez-vous dont on ne souhaite pas le respect de la personne en face. Enfin, c'est comme ça que je vois les choses et s'il y a bien une chose que je veux, c'est le respect de mes étudiants. Et quand il me demande de le suivre, je le fais, sans hésiter. De toute façon, c'est ce que je souhaitais et s'il m'emmène à ma classe au plus vite, je ne pourrais qu'être reconnaissante. Le bruit de mes talons sur le sol de l'université, quand j'entends son prénom, je me stop quelques secondes. Merde. Putain de merde. Je déglutis difficilement et le rattrape avec autant de grâce que possible. Perchée sur mes talons hauts, j'évite de glisser sur le sol fraîchement lustré par l'équipe d'entretien de l'université. Sa main tendue, je la prends et souris. " Enchantée, Thaddeus Molnar " J'aurais bien été du type à répéter tous les noms du jeune homme en temps  normal mais là, ce n'est pas le temps normal. Shit. " Comment était l'Asie ? " Que je demande rapidement, un sourire sur les lèvres, le pas callé sur le sien. Et puis, comme pour qu'on soit sûre d'être sur la même longueur d'onde, je dis " Je suis Ella, l'ex petite amie de Wesley " Histoire qu'on ait les mêmes informations. Je me doute bien que Wesley ait parlé de moi à son meilleur ami mais lui a-t-il seulement donné mon nom ? Bonne question.

@Thaddeus Molnar

C'est bien la rencontre que je ne pensais pas faire aujourd'hui ni même demain pour être honnête. Putain. Tout aurait du être différent, absolument tout. Mais Wesley en a décidé ainsi. J'ai rompu avec lui mais à cause de ses décisions, de ses choix que je regrette autant que je regrette le verre de trop de dimanche soir. Je n'arrive toujours pas à me faire à l'idée que c'est fini, que ce qu'on avait n'existe plus et n'est clairement pas prêt d'exister à nouveau. Mon coeur le voudrait, que ça aille vite, mais mon cerveau en a décidé autrement. Foncer tête baissée, une nouvelle fois, c'est vouer cette relation à l'échec. Alors, il vaut mieux s'en tenir loin. Un léger sourire à sa réponse et je me sens presque mal à l'aise. Que dire de plus ? Lui demander de me faire un compte rendu de ses nuits dans un des hôtels de la chaîne ne sera probablement pas accueilli de la meilleure des façons. Je ne sais même s'il sait qui je suis, au final. Je ne suis peut-être qu'une inconnue qui délire pour lui. Alors je précise celle que je suis pour son meilleur ami. Si je sais qui il est, il sait qui je suis, n'est-ce pas ? Et sa réponse me laisse perplexe. La déesse grecque du sort malheureux ? Pour le coup, Wesley n'a que ce qu'il mérite. Il a voulu aller voir plus loin si l'herbe était plus verte et ce n'était pas le cas. Triste réalité pour lui, elle ne l'était pas. " Ça me flatterait presque d'être comparé à une déesse grecque " Que je lance avec un léger sourire. Oui, ça me flatterait presque parce que se faire comparer à Nemesis, ce n'est jamais franchement positif. Elle est vue de manière négative depuis des milliers d'années et le groupe qui était contre les confréries à l'époque avait ce nom. Autant dire qu'à Harvard, ça ne rappelle jamais de bons souvenirs. " Pour ce que ça vaut, j'aurais préféré que tout soit différent " Et ce n'est pas parce que j'ai l'air de ne pas être atteinte par tout cela que je ne le suis pas. Mais les apparences et les faux semblants sont maitres dans nos vies, je supporte que Thaddeus est au courant. Je sais que j'ai été extrême mais je ne pouvais plus. Après les dizaines de disputes à ce sujet - à son sujet - et aucun changement, je ne suis pas une de ces carpets que l'on écrase sans cesse et qui ne réplique jamais. Accepter pour avancer, oui. Stagner et réitérer les mêmes erreurs, non merci. " Mon dieu mais ce département est un vrai labyrinthe ! " Que je souffle avec un sourire. Ça ne sert à rien de ruminer, de parler de cela avec Thaddeus. C'est une rencontre que j'attendais avec impatience et cette dernière est en demi teinte, un peu perdue, perplexe et sur la défensive je crois.

Désir et punition. Est-ce vraiment une punition quand on récolte ce que l'on mérite ? Je ne sais pas. Putain. Il me manque. Terriblement. Passionnément. Tous les jours un peu plus. Mais c'est comme ça. Il n'a jamais été mien et ne le sera probablement jamais, que je le veuille ou non. Ce triangle amoureux, très peu pour moi. Je n'ai plus l'âge pour ces conneries. Avec moi, c'est tout ou rien et visiblement, c'est rien. Alors, il ne me reste plus qu'à sortir ces pensées de mon esprit avant d'arriver à ma salle. Parce qu'au moment où ma main se posera sur la poignée de porte, je ne serai plus Ella Marriott-Wildingham ex petite amie du meilleur parti - à mes yeux - de Boston mais Professeur Marriot-Wildingham, là pour enseigner sa matière et donner de son savoir à ses élèves. Deux personnes bien différentes. " Oh si, il est trop tard " Que je souffle doucement, un peu peinée de la chose. Il a fait son choix, il est parti à Paris et ça, c'était bien la trahison ultime. La rejoindre a été plus important que de venir réparer les choses avec moi. Et j'en souffre encore beaucoup trop. Dès qu'il prononce son prénom ou que je sais qu'ils sont ensemble, j'ai envie de brûler la ville entière, de sortir l'arme que j'ai récupéré chez ma mère et de faire ma propre vendetta. Sanguine ? Peut-être. Rancunière, à 1000%. Enfin, il va falloir que je calme mon rythme cardiaque qui ne cesse de s'emballer quand je pense à tout cela. Alors parler des salles de classe, aussi banale que ça puisse être va me permettre de me mettre dans la bonne posture et le bon état d'esprit. " Dieu merci… " Que je souffle en riant légèrement, déjà bien plus détendue. Si les salles étaient comme dans Harry Potter, je serais toujours perdue. Enfin, ce ne sont pas les salles qui changent de place mais les escaliers qui changent sans cesse. Et bien que légèrement distraite au début, je suis totalement concentrée sur le chemin à prendre. J'ai une heure de vide entre mes deux classes et je vais définitivement rester dans l'amphithéâtre pour éviter tout problème. " Je ne suis là que demain à nouveau. Après, il sera l'heure de redevenir une adulte et d'aller travailler depuis mon bureau " Que je dis avec un sourire. Non pas que ce job est un travail dénigrant ou que je n'apprécie pas - je ne pourrais pas dire, la rentrée est aujourd'hui - mais mon bureau est plus facile à trouver. " Non non, ça n'a rien de malaisant. Tant que ça ne l'est pas pour toi, ça ne l'est pas pour moi " Que je souffle avant de dire " Pour toi, pour vous. On peut peut-être se tutoyer ? " Que je demande doucement. Juste une idée comme ça. Parce que ça va me faire bizarre de le vouvoyer. Mais s'il préfère puisqu'on ne se connait pas, son choix sera mien.