Alejandro ne dormait plus ou si peu. La tentative d'enlèvement l'avait ébranlé. Lui qui avait fait le tour du monde, avait ouvert les yeux sur des réalités différentes de la sienne, avait testé son ouverture d'esprit, lui qui avait frôlé la mort en mort et qui en était ressorti que plus enthousiaste encore vis à vis de la vie, voilà qu'il vivait avec cette impression d'avoir été trahi. Tandis qu'il roule sur sa moto au cœur de la nuit, il se raisonne. L'Humanité n'est pas tous ces hommes qui lui ont voulu tant de mal, qui ont passé à un cheveu de tuer la femme qui le protégeait. Pourtant, c'est ce qu'elle est en parti. Il n'avait encore jamais goûté à ce côté de l'Humanité. L'autre ne l'avait encore jamais vraiment mis en danger, pas vraiment. Il avait découvert la haine, la violence, trop tard dans sa vie pour que cela n'en soit pas un choc. Il avait donc quitté Bali la paradisiaque, était rentré à Boston. L'atmosphère vacancière du Summer Camp lui était désormais devenu indigeste.

La vitesse, l'adrénaline de la moto ne lui procurait pas le repos, mais lui donnait au moins une sensation de rébellion, le faisait se sentir plus vivant, en contrôle. Il pouvait décider des limites, frôler la fin sans y arriver. Une part de lui réclamait plus que cette vitesse, elle réclamait violence, vengeance. Combien de temps pourra-t-il encore résister à cette envie? Il s'est inscrit à des cours d'arts martiaux, convaincu de pouvoir y assouvir cette nouvelle soif. On verra. La peur est insatiable.

Lorsque le lendemain matin, l'Espagnol se regarda dans le miroir, il remarquait bien sûr ses traits tirés, ses yeux cernés, mais il lui suffit d'un sourire et son aura donnait l'impression d'effacer toutes traces de ses excès. C'était une belle journée à Boston et Alejandro décidait de prendre sa voiture et de faire une petite balade en ville, prendre un café sur une terrasse, se donner un peu de normalité, tout en solitude. T-shirt noir, jeans, la tenue est simple, sobre. Lunettes de soleil au visage, il se voit toujours pris d'une hésitation avant de goûter ce qu'on lui sert. Avec amertume, il se dit que c'est bien ce qu'il a rapporté de la Thaïlande. Quelle merde. Soupirant, il observait les passants, heureux dans sa solitude, contenté de les regarder. Puis, elle passa. Au début, il crut à un rêve, un mirage. La fatigue après tout peut jouer ce genre de tour, mais plus il fixait, plus il avait l'impression de la reconnaître. Harper?

Alejandro vida d'une traite son café, laissa de la monnaie sur la table, plus qu'il n'en fallait et se leva en vitesse pour aller sur le trottoir et rattraper la passante mystère. Le beau brun n'eut pas trop de mal à la rejoindre. Il avait beau être derrière elle, il reconnaissait la démarche d'Harper. Du reste, quand il clignait des yeux, elle ne disparaissait pas. Bon signe. Son ex', sa dernière petite amie était bien là. À la suivre ainsi, il en avait perdu la notion du temps, limite d'espace. Les voici aux abords du manoir Kennedy. Tout ce chemin et il ne l'aurait pas saluer, n'aurait pas fait savoir sa présence. Il est plus étonnant probablement pour lui d'être ici que elle. Après tout, Boston est son royaume. Alejandro, toujours amateur de risque, décide de tendre la main après avoir accéléré le pas, pour faire signe à la belle blonde. La réaction fut... immédiate.

La jeune femme, surprise, en blanchit presque. Ils ont cet instant où ils se regardent et sans doute que mille et un souvenirs leurs reviennent en tête: de leur rencontre lumineuse, aventurière à la fin tragique. Un flash, une lumière dans leur conscience, comme ils ont été une comète un pour l'autre. Seulement voici, une comète a tendance a repasser. Le jeune homme, qui a tendance à se braquer aux bruits secs, voir tout son corps se tendre tandis qu'Harper faisait ce qu'on dira être "crier gentiment".

-Je fais si peur que cela? Allons. N'empêche, désolé. Je t'ai vu passer et...

Et elle connait la suite. Avec son sourire charmant, désarmant, le beau brun dit:

-Moi aussi je suis content de te revoir.

Elle a l'air... bien.