Je ne sais pas si accepter ce rendez-vous avec Taylor est l'idée du siècle. Je peux comprendre, à travers ses quelques messages, qu'elle connaît Wesley et qu'il n'a pas laissé un souvenir agréable et doux dans sa vie. Bienvenue au club. Je lui en veux tellement de ce qu'il me fait, de ce qu'il nous fait et je ne pense pas qu'en apprendre plus sur son cas m'aidera à accepter ses actions. Pourtant, j'accepte et je me rends rapidement au Luna Café. Vêtue d'une robe longue toute simple et d'une paire de talons, je pénètre dans le café, lunettes sur les yeux. Je cherche à cacher mes cernes mais aussi à protéger ma rétine du soleil. Étonnement, ça pique quand on ne dort pas des masses. Les questions de Karl pendant le voyage sont toutes restées sans réponses et quand j'ai eu la force d'ouvrir la bouche, c'était pour lui dire de revenir quand je l'appellerais. J'ai toujours bien discuté avec Karl mais là, sur le sujet Wesley, je ne veux l'avis de personne si je ne le demande pas. Mes yeux glissent sur la salle presque vide et je reconnais la chevelure de Taylor au loin. Je m'approche d'elle d'un pas presque déterminé. J'ai perdu de ma force et de ma constance dans cette rupture mais je vais tout récupérer sous peu, aucun doute là dessus. Il faut juste que je me laisse le temps. Je m'assois en face d'elle et dis " Hey… Ça va ? " Simple question à laquelle je répondrais d'un hochement de tête si elle me la pose. Mes yeux passent de son visage à la table et je souris en voyant une petite boule de poil sur ses jambes. C'est un signe putain. Il parait que ces petits trucs sont des éponges sentimentales, qu'ils font un grand bien et je dois avouer que Vidu m'a beaucoup fait de bien la dernière fois. " Il s'appelle comment ?  " Que je demande avec un léger sourire, ôtant mes lunettes et les posant sur la table à côté de moi. Je lève la main pour interpeller la serveuse qui passe entre les tables. " Un thé glacé pomme ibiscus, si'l vous plait. Ainsi qu'un muffin framboise chocolat blanc " Une commande simple et efficace. Pas de caféine sinon je vais être malade toute la nuit et j'ai déjà le coeur en vrac, pas là peine d'y ajouter l'estomac. Je regarde la brune en face de moi et lui souris légèrement. " Je suis contente de t'avoir retrouvée. Ça m'a enlevé un putain de poids... " Que je souffle, en pleine confidence. Au moins elle m'a confirmé que j'avais eu peur pour rien. Et c'est un soupire de soulagement qui a quitté mes lèvres il y a quelques heures quand elle m'a dit tout cela.

Je n'arrive pas à croire que ces semaines d'angoisses et de craintes sont enfin finies. Vraiment. Je suis stupéfaite et dans le bon sens du terme. Je vais enfin pouvoir tirer une croix sur cette épreuve de ma vie, sur cet évènement plus que traumatisant. Les résultats sont revenus négatifs pour les agressions sexuelles mais il y a bien de la drogue qui a été retrouvée dans mon sang. Et puisque je n'ai pas forcément bu avec la demoiselle, cela veut dire que tout a été fait avant que je quitte le BADGIRLZ. Je n'ai pas porté plainte et ne porterais pas plainte mais je compte bien m'intéresser d'un peu plus près à ce bar que ma soeur a monté avec une amie. Ce qui m'est arrivé pourrait arriver à n'importe qui d'autre et des personnes moins chanceuses que moi. Porter plainte serait une solution, je le sais, Dimitri et Wesley me l'ont proposé à l'époque mais ça tirerait notre nom dans la boue et ça, plutôt mourir. Alors j'essayerais de me faire justice à ma façon. Face à Veena, je souris et lui pose la question la plus banale de la terre. Vous en connaissez beaucoup des gens qui répondent "non" à la question "ça va?". Moi pas. Et je ne ferai pas partie de ces gens. Alors, en guise de réponse, j'hausse les épaules. Ça ira probablement mieux quand mon coeur arrêtera de me tirailler comme ça. Un jour peut-être. J'étais sur que ça fonctionnerait. Je secoue la tête, commandant mes collations pour ne pas penser à tout cela. J'y pense assez toute la journée et ça suffit. L'estomac tordu, j'en ai bien assez. Je veux pouvoir reprendre ma vie, retrouver ma force et ma consistance face à toutes les épreuves de la vie. Je savais bien que l'amour, c'était pas fait pour moi. " Oui. J'ai fais les tests, comme je t'ai dis, donc je savais déjà mais je t'avoue que savoir que quelqu'un peut éclairer tous mes doutes… Ça fait plaisir " Que je dis avec un léger sourire. Et j'acquiesce quand elle parle de tirer un trait sur tout ça. J'aimerais tourner la page aussi. Sur bien trop de choses dans ma vie. Mais je préfère réécrire ce chapitre de ma vie pour ne pas passer au suivant trop vite. " Plus facile à dire qu'à faire certaines fois " Que je lance. Nos commandes arrivent rapidement et je bois une gorgée de ma boisson avant de la regarder. " Et sur Wesley alors ? " Je ne devrais pas vouloir savoir mais je veux. J'en ai besoin. Je ne sais pas pourquoi. J'ai accepté sa violence face à Dan l'autre jour, quoi qu'il ait fait  - si ce n'est de la violence physique - je sais que rien ne m'étonnera réellement. Mais j'ai besoin de savoir. C'est ainsi.

Je la regarde et déglutis difficilement. Tout le monde a voulu que je porte plainte contre le bar, contre ce serveur qui est forcément coupable, celui qui m'a fait me triturer l'esprit pendant des jours, des semaines même. Ce salop qui m'a volé de longues heures de ma vie, qui m'a fait penser au pire et, même si je refuse de me l'avouer, m'a fait tellement de mal. " Non. Mon frère voulait que je porte plainte mais je n'en ai jamais eu la force… Je préfère oublier tout cela " Et je sais que c'est égoïste, que c'est mal de réagir de la sorte. Qu'il a pu faire le même coup à d'autres femmes et qu'en laissant tomber, je les laisse toutes tomber. Mais je ne suis pas sûre que je suis capable d'encaisser tout cela, de me lancer dans cette procédure. Je sais que ça ne peut venir que de là mais j'ai tellement de doute sur tout. Sur ce que j'ai fais, sur ce qu'il a fait. " Ma petite soeur a ouvert ce bar avec une amie… C'est délicat " Que je rajoute rapidement. Ouvrir ma bouche pourrait faire du tord à notre famille aussi et en tant que chargée des relations presses du groupe Marriott, cela risque de retomber sur nous sévèrement. J'ai tellement de choses à prendre en considération. Et je me triture assez l'esprit pour cela. Mais c'est comme ça. Cette expérience m'a vraiment rendu vulnérable et je ne veux pas retourner dans cet état d'esprit. J'ai déjà du mal à passer par dessus, à tout oublier. Je ne suis que trop difficile avec moi même. Et ça ne va pas s'arranger, je le sens. J'ai besoin de comprendre ce qu'elle a voulu me dire par message au sujet de Wesley. J'ai peur. Vraiment. Ça me tord l'estomac mais je ne peux pas tourner autour du pot pendant cent sept ans. Je dois savoir. Est-ce que mon avis sur l'homme que j'aime va changer ? J'ai un doute là dessus. Pourtant, je me le dois. Tout savoir. Pour savoir si, là aussi, le problème vient de moi ou non. Mon cerveau sait que je n'y suis pour rien mais mon coeur, lui, a un avis bien différent sur la question. Je l'écoute, les mains autour de mon muffin. J'ôte le 'dessus' que je pose sur le mouchoir et m'attaque à la base. C'est là où se trouve toutes les framboises et le chocolat blanc fondu. Je l'écoute et quand elle m'apprend qu'elle était le sujet d'un pari, je déglutis difficilement. " Tu me dis qu'il… s'est mis en couple avec toi pour un pari ? " C'est une blague, n'est-ce pas ? Une sombre blague ? On est dans ce livre à la noix écrit par Anna Todd là, non ? Il n'aurait pas osé faire ça ? Et en même temps, ça ne m'étonne pas. " Putain je rêve… " Est-ce que j'ai aussi été un pari, un essayage à usage limité ? Je ne sais plus quoi dire et plus quoi penser. Et je ne suis même pas capable de l'excuser parce que je sais qu'il en est capable. Après sa réaction face à Dan, plus rien ne m'étonne pour être honnête. Et puis, ce n'est pas à moi de m'excuser pour ses comportements douteux. Mais putain que ça me fait chier. " Des fois, il n'y a pas besoin d'être violent physiquement pour faire du mal… " Et ça, j'en connais un rayon sur la question. " C'était y a longtemps ? " Parce que si c'est récent, je crois que je vais le trouver au Manoir et lui fais la tête au carré. Enfin, après avoir mangé ce pauvre muffin que je triture depuis de longues secondes. En tout cas, je confirme, c'est un con. Et détruire ceux qui tiennent à lui pour une lubie, c'est bien son style. Je le reconnais bien, mon Wesley.

L'épreuve du badgirlz n'a pas été des plus faciles et je crois que ça ne sera jamais facile. Je ne saurais jamais ce qu'il s'est réellement passé et je ne suis pas sûre de vouloir le savoir. Je connais désormais les grandes lignes et c'est tout ce dont j'ai besoin. Oui, j'ai été droguée, non je n'ai pas été sexuellement abusée. J'étais en sécurité tout du long et j'ai dis de nombreuses bêtises. Je préfère ça à tout ce que j'avais en tête. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis réveillée en sursaut pendant la nuit, en sueur, paniquée parce que je me rappelais de certains moments. Je n'ai jamais pris le temps d'en parler à personne, ne souhaitant pas montrer que cette épreuve m'a touché bien plus que de raison. Je ne veux plus jamais me ressentir comme ça. Et si je vais bien dans les mois à venir, tant mieux. Si ça ne va toujours pas mieux et que mes séances du jeudi ne me suffisent plus, peut-être que j'entamerais des procédures. Je ne sais pas. Pour le moment, je veux essayer de régler un autre point noir de ma vie : Wesley. Et bien que j'aimerais le voir comme avant : avec des coeurs dans les yeux, c'est beaucoup plus difficile depuis notre rupture et tout ce qui a suivi. Parce que la rupture a sonné le glas de notre relation mais il continue de malmener mes sentiments, il ne faut pas se mentir. Il a cette emprise sur moi, c'est dérangeant et pourtant, je m'y complets, dans cette situation. Je baisse les yeux quand elle me parle de mon muffin et hoche de la tête. " Oui oui. Ça colle toujours au fond " Que je souffle, comme si ça allait y changer quelque chose. Et quand elle donne quelques indications sur sa relation avec Wesley, je commence à manger le dessus du muffin. Je la regarde et prends mon temps pour encaisser chaque information. Je l'écoute en continuant de manger le premier aliment de ma journée. Et quand elle me dit que je vais perdre, je ris légèrement. " J'ai déjà perdu " Que je lance à voix basse, à peine audible pour mon interlocutrice. Bien entendu que j'ai déjà perdu, il n'y a qu'à me voir. " Je suis désolée de ce qui t'est arrivé " Et je pourrais dire qu'il n'est pas comme ça, que ce n'est pas son style, qu'il ne peut pas être aussi con et ignoble mais une partie de mon coeur sait que c'est vrai. Il a toujours été assez fort niveau relation malsaine, il n'y a qu'à voir la sienne avec Hope et la notre, au final. Parce que ce n'était pas sain et ça ne l'est définitivement plus. " Je savais dans quoi je me lançais " Et peut-être que je pensais être suffisante. La bonne blague. Je bois une gorgée de ma boisson et lui souris. " Ça ne fait que quatre jours, ça ira mieux d'ici quelques jours " Que je souffle, comme convaincue de mes mots alors que je n'ai jamais été aussi peu sur de quoi que ce soit dans ma vie, c'est pour dire. Mais tant qu'il sera à Paris, de toute façon, mon coeur continue de se déchirer sans possibilité de se recoller. Pas qu'il en ait envie ceci dit. " Si j'entends encore une personne me dire que l'homme parfait existe et qu'on sait quand c'est le bon, je te jure que je fais un carnage " Je ris et hausse les épaules. Il faut que j'avance. Je n'ai pas vraiment le choix. Je ne peux pas rester comme ça indéfiniment. Je suis née pour briller, pas pour rester l'ombre de moi même. Clairement pas.

Je n'ai jamais vu Wesley comme un ange, ni même comme un petit garçon parfait. Mais ce n'est pas ce que je recherche. Je ne cherche pas un homme avec un passé immaculé. Loin de là. Enfin, pour être honnête, je ne recherche rien du tout. Mais ça ne m'étonne pas. tellement pas. Ça me fait juste de la peine si la demoiselle en face de moi y a cru. Il joue bien, quand il veut, il n'y a qu'à voir la façon dont notre relation s'est passé. De quoi me faire penser que j'étais la Reine alors que j'avais plutôt la place du Fou, ou de la Folle qui ne voit rien. Ah. Salop. Voilà tout ce que je peux dire, en retenir. Mais il va falloir que j'avance parce que ce n'est pas moi de déprimer de la sorte. Je peux le pleurer en silence, quand il n'y a ni yeux ni lumière sur mon visage. Mais à la lumière du jour, je refuse de perdre de mon éclat. Je suis née pour briller et non pas pour autre chose. Et s'il faut que je me le rentre dans la tête à coup de marteau, je le ferai. Je n'ai pas peur. Ça va prendre du temps, ça va me faire mal, me hanter, me torturer. Il va me manquer mais je vais y arriver. Si ma mère a réussit à survivre au décès de mon père, je survivrai à ma rupture avec Wesley. Aucun doute là dessus. " N'attends pas, ça n'arrivera jamais sauf si son ex femme lui demande de le faire " C'est bien ce qu'il s'est passé avec Maria il y a quelques semaines de cela. Et si ça m'a énervé à l'époque, là ça m'irrite si fort que je pourrais m'arracher la peau. Je mange un morceau de mon muffin et réfléchis quelques secondes. " Qu'ils se rendent compte que je suis la femme de sa vie ? Qu'il ne sera jamais heureux avec une femme comme elle, bien qu'il tente de se convaincre l'inverse. En fait, je n'attends rien, tu vois. J'espère qu'il se rendra compte de tout ce qu'il a perdu pour rien " Et je dis ça sans haine aucune, ce qui m'impressionne carrément. Parce que dire que je suis en colère est un putain d'euphémisme. " Oh parce que je l'ai quitté parce qu'il a des sentiments pour une autre femme en plus de moi " J'en ris légèrement tellement c'est risible. Ah, ces hommes, ceux qui pensent toujours que l'herbe est plus verte ailleurs que là, pour le coup, c'est le gazon cramé et irrattrapable. Elle a tout du chantier, c'est peut-être ça qui lui plait. Je n'en sais rien. Et je préfère ne pas y penser parce que ma tension monte bien trop rapidement. Je ne vais pas m'énerver. Alors je pince à nouveau la paille entre mes lèvres et bois une grosse gorgée de mon thé hibiscus pour me calmer et me détendre. " J'aurais aimé que tout soit différent mais tu sais, quand tu largues ton petit ami le 18 et que le 20, il est à l'autre bout du globe pour aller lui déclarer sa putain de flamme, y a rien à attendre ou à espérer " Que Taylor ne s'inquiète pas, elle n'est pas la seule à avoir été prise pour une conne. Oh, que j'ai le coeur en vrac. Pour moins de deux mois de relation officielle. C'est d'une tristesse. Je suis d'un ridicule. Et là, je n'ai rien contre lui mais tout contre moi. Dégoûtée, désespérée et dépite face à une telle réaction de ma part. Où est la femme forte que j'ai toujours été ? Sur le chemin, aucun doute. Mais qu'elle se dépêche.