Ce serait mentir que de dire que les quelques jours en compagnie de Caprice ne m'ont pas fait de bien. Avoir une boule d'énergie pour me secouer quand je commence à m'éteindre, c'est le meilleur des remèdes. Miles l'a toujours compris ça, le pouvoir de sa fille sur ma personne. C'était exactement ce qui s'était passé après ma tentative de suicide. J'en étais pas là cette fois, loin de là même. Mais avoir mon rayon de soleil m'avait fait du bien, encore une fois. Le seul problème, c'est qu'une fois la lumière éteinte et l'enfant partie retrouver les bras de son père, j'étais à nouveau dans l'obscurité. Les pensées qui s'enchainent, se percutent. Les souvenirs qui font un tour de force, arrivent à la charge pour tout défoncer sur leur passage. Puis, au milieu, il y a toi, ton prénom, sur lequel j'essaie tant bien que mal de m'accrocher. J'ai pas demandé à ce que ça s'passe comme ça. J'aurais préféré une mer calme et paisible, sans aucune vague indésirable. Mais Miles, c'est l'équivalent d'un tsunami dans ma vie. Et tu vois, je pensais qu'il n'y aurait pas de réplique au raz-de-marée. Là, j'me sentais partagée en deux et je ne savais plus très bien quelle partie était plus à l'agonie que l'autre. Peut-être que j'en faisais trop. Un poil drama queen, qui overthink, qui se laisse déborder pour se sentir vivante. Puis, il y a le palpitant qui accélère quand j'entends tes pas enjamber les escaliers jusqu'à ma porte. Ouvre toutes les fenêtres de l'appartement à la hâte. De l'air pour ne pas étouffer, pour avoir la sensation qu'il est possible de s'échapper. La nervosité me ronge quand j't'ouvre enfin. Paralysée, j'te laisse t'engouffrer dans les lieux sans même oser te regarder. J'sais même pas quoi te dire, ni même comment agir. Perdue au milieu du brouillard.

@Maverick Tenenbaum

Tout est devenu étrange entre nous et c’est la distance qui s’impose là où autrefois tout était si facile. Forcément, toi et moi, ça ne pouvait pas se passer sans tempêtes, nous sommes si différents et la maladresse semble se dresser entre nous. Je ne veux pas rester sur ce silence, sur ce malaise néanmoins. Délaissant les lignes noircies, je m’impose de nouveau, optant rapidement pour te retrouver chez toi. Chez moi c’est loin d’être calme ces derniers temps avec toutes ces âmes qui débarquent à l’improviste. J’enfourche ma bécane pour faire rapidement le chemin jusqu’à chez toi, incapable de savoir ce qu’il va se passer cette fois. Tu m’as confié être chamboulée par le retour de ton ex et je ne sais pas ce que cela signifie pour moi. C’est peut-être le sort qui agit contre moi. Des femmes, j’en ai malmené des tas par mes hésitations, mes inconstances et jusqu’ici tout était si limpide avec toi. Un peu trop facile pour Maverick Tenenbaum finalement. J’ai rien qui me passe en tête réellement pendant le trajet. Peut-être le palpitant qui s’agite un peu trop lorsque la route me rapproche à nouveau de toi. Je pose le casque, met le cran de sécurité et je franchis rapidement les quelques marches qui me conduiront à ton antre. Index déterminé sur la sonnette, et la porte qui vient s’entrouvrir bientôt sur ta silhouette, sans doute toute aussi chamboulée que moi. Mon regard se baisse pour se poser au tien, j’entre rapidement, ne sachant pas réellement quoi faire. « Hey. » que je murmure en regardant furtivement autour de moi avant de me concentrer sur toi. « Comment tu vas ? » Façon maladroite de demander où tu en es au milieu de tout ça. Dans cette mer d’huile devenue plus chaotique, est-ce que tes traits s’illuminent encore un brin lorsqu’ils songent à moi ?

La nervosité prend le pas sur le reste. Le corps s'agite entre les quatre murs, impossible de rester en place quand je sais que tu te trouves sur la route, jusqu'à moi. Ton arrivée m'angoisse particulièrement. Il y a tout mon corps qui est en alerte et qui réagit de manière démesurée. Les fenêtres s'ouvrent les unes après les autres dans l'espoir que mes poumons s'emplissent d'un tranquillisant imaginaire se trouvant dans l'air pollué de la ville. Avec un peu de naïveté, on pourrait y croire. Puis, tu fais crier la sonnette plus que de raison. Une entrée remarquée, comme toujours. J'ose à peine te regarder quand tu déboules. Ton odeur qui se mêle à celle qui m'entoure. On oublie cette histoire de tranquillisant, tu as renversé la tendance à toi seul. Les doigts moitent se triturent, les joues s'empourprent. J'ai l'air d'un chien battu, parce que je le sais, toutes ces merdes de ces derniers jours viennent de moi. « Hey. » Le visage s'éveille à peine, trop tendu pour bouger. Même si la bouche s’entrouvre, il n'y a aucun son qui sort. J'vais probablement faire un arrêt cardiaque sous tes mains Mave. Consciente de ma connerie, j'vais faire semblant de mourir pour faire fuir l'adverse. Parce que même si tu es mon petit ami, ces jours ci, j'ai surtout la sensation qu'on est l'un contre l'autre. « Comment tu vas ? » Les épaules se dressent rapidement. " Mal. Et toi ? " J'ai les pensées qui partent dans tous les sens. J'ai envie de me libérer l'esprit et c'est rarement une bonne nouvelle. Mais, j'm'arrête. Respire un coup. Passe les mains sur mon visage dans l'espoir de réussir à retrouver la face. Tu es la fautive Marla, alors reprends toi. Maintenant. Assume. Un soupir s'échappe et la lèvre inférieure souffre sous les dents. " Je t'aime. " Sincèrement. Sans une once d'hésitation. " et ". Parce que le souci dans cette histoire ce n'est pas un mais mais un et. " J'ai toujours des sentiments pour lui. " C'est la première fois que j'le dis à voix haute et bizarrement, il y a quelque chose de libérateur. J'avais tout enfoui et j'ai pas fait attention, j'pensais pas que ça ressortirait. J'aurais dû régler cette histoire un peu mieux avant de m'éprendre de toi. J'aurais dû mieux gérer ces histoires avant de te laisser tomber amoureux.

Je sais pas à quoi je pense lorsque je prends ma bécane pour me rendre dans cet endroit familier. Je pense pas tout court je crois. Presque en mode automatique lorsque mes pas me conduisent jusqu’à ton appart. C’est comme si mon être se réveille à ton contact, que je ressens de nouveau le malaise. Tu vas mal.  « Je vais très bien. »  Mensonge éhonté, mais on ne servira pas le couplet du clown trop triste pour se montrer coloré. Je suis un impulsif, je ne vis que pour la flamme claire ou obscure, ténèbres paradisiaques et la tiédeur s’est un peu trop invitée dans nos débats dernièrement. Une amère indifférence aux lèvres et le feu qui vient brûler mes charnues de nouveau lorsque tu prononces les trois mots. Mais c’était sans compter sur le reste. Mes billes se posent sur tes joues rougies, sur ton air gauche.  « Tu es ridicule. » Faut pas croire, je suis capable de faire mal. Et je ne suis jamais aussi terrible que dans mes violences, à trop gratter les failles, c’est prendre le risque que j’explose.  « Je croyais qu’on parlait pas de sentiments ? Tu te fous vraiment de ma gueule. » Je l’avais dit dès le départ mais non Madame a fait celle que je ne peux pas comprendre. Mes yeux se lèvent au ciel. « Tu sais quoi. Je vais te laisser y voir plus clair. Tu prends ton temps, tu peux même former une famille parfaite avec ton ex et sa gosse si ça te chante, tant que t’es heureuse hin, je vais pas t’empêcher de ça ? Même si rappelle moi, tu voulais pas de gosses ? Pas d’engagement ? » Je me marre, elle me prend vraiment pour un con et là c’est juste trop. « Si le cœur t’en dit, tu pourras revenir mais je suis pas certain d’en avoir encore quelques miettes pour ta personne. » Je me retourne prend le chemin inverse, sourd aux alarmes, sourd aux béances qui me dévorent.

L'éponge a tout retenu, elle a tout englouti et maintenant, elle ne ressent plus rien. Le corps affirme le contraire pourtant. Les joues s'empourprent et la maladresse règne. Je suis redevenue la petite chose quand tu entres dans la pièce. La Marla qui se rend malade à trop penser. Mais, cette Marla, elle a changé au fil des années. Difficile à croire, mais elle s'est affirmée. « Je vais très bien. » Mon regard attrape le tien, sans une seule émotion sur le visage puisqu'il se vide de bon sentiment au fur et à mesure que les secondes s'écoulent. Je t'aime pourtant. Malgré tous les problèmes que je suis en train de nous créer. Je t'aime Mave. Je n'ai aucun doute là dessus, c'est même la chose la plus limpide que j'ai à l'esprit. Seulement, il y a un passé trop lourd qui trouble l'eau. La vérité, c'est que je n'y peux rien. J'ai pas calculé tout ça, j'ai même pas tombé à ce que ça s'passe ainsi. « Tu es ridicule. » Les sourcils qui s'dressent. Tu as capté mon attention en un claquement de doigts. Tu es ridicule Marla. Oui, je le sais. Cette Marla est ridicule. Elle m'exaspère. Je la déteste depuis si longtemps. J'ai beau luter, elle revient toujours dans certain moment. Mais si tu te frotte trop près à la personne, il y la flamme qui s'allume. Dans ces moments, la Marla stupide s'éloigne pour laisser place à celle dont le piquant peut-être redoutable. C'est comme un instant de survie, t'vois ? Ridicule, mais pas totalement. Faible, mais pas totalement. Fautive, mais pas totalement. J'excelle dans la demi-mesure, souviens-toi. « Je croyais qu’on parlait pas de sentiments ? Tu te fous vraiment de ma gueule. » Non, même pas. À aucun moment j'ai menti. C'est juste qu'à vouloir être transparente et à te raconter chaque stade de ma prise de tête, t'a pas suivi. Ou peut-être que tu n'as pas voulu suivre. C'est vrai que tu t'en fous toi. « Tu sais quoi. Je vais te laisser y voir plus clair. Tu prends ton temps, tu peux même former une famille parfaite avec ton ex et sa gosse si ça te chante, tant que t’es heureuse hin, je vais pas t’empêcher de ça ? Même si rappelle moi, tu voulais pas de gosses ? Pas d’engagement ? » T'as tellement pas suivi que t'as rien compris. Alors tu vois, j'ai apporté les problèmes, mais là, j'me rends compte que tu leurs es ouvert la porte pour qu'ils s'installent. Tu te marres, et si j'reste ferme sous tes yeux, il y a un sourire narquois qui s'invite. La Marla ridicule me gonfle. C'est pas elle qui fera avancer les choses. Alors si tu tiens à foutre un coup de pied dans notre relation, définitivement, crois pas que je vais m'écraser Mave. « Si le cœur t’en dit, tu pourras revenir mais je suis pas certain d’en avoir encore quelques miettes pour ta personne. » Le cœur se brise, je ne suis plus certaine d'avoir envie de siffler un "Je t'aime" après ce que tu viens de cracher. C'pas la première fois que tu me fais l'coup pourtant. J'aurais dû m'y attendre. Tes talons se tournent vers la porte et je m'anime enfin. " Tu pars déjà ? " Le sourcil se dresse et les pas te rattrape pour pousser la porte, me positionner entre elle et toi. " Tu me craches à la gueule et tu t'barres ? " Que tu sois en colère est légitime. Que tu n'aies pas eu envie de m'écouter ou même de me comprendre depuis le début l'est un peu moins. Tu as déjà tracé ta route en bon loup solitaire. " Bravo Maverick, tu viens de m'offrir une leçon de vie : Ô combien tu aimes quelqu'un, ne t'avise jamais d'être transparente avec cette personne. Garde pour toi les secrets et la vérité parce que la personne que t'aimes, elle t'aime pas assez pour comprendre ou se battre. " J'me mets à rire de la façon la plus improbable qui soit. C'est nerveux très certainement. J'réalise juste que je comprends toutes ces personnes qui m'entourent, les élitistes, quand ils m'ont dit à plusieurs reprises qu'avoir un masque était essentiel. J'y travaille depuis un certain temps déjà, mais là, allez savoir, j'ai eu la révélation. " Ah non Mave. On ne parlait pas de sentiments. J'ai parlé à mon petit ami dans l'espoir qu'il fasse taire tout ça. J'pensais naïvement que tu allais m'aider. Que tu serais là. Tu... Tu m'as renvoyé vers lui ! " J'ris comme une conne. " J'veux pas te faire porter le chapeau hein, mais crois pas que t'as pas ta part de responsabilité dans le naufrage. " T'as brillé par ton absence, par ton j'm'en foutisme légendaire. " Je n'ai jamais dit que je voulais retourner avec lui. Je n'ai jamais dit que je voulais fonder une famille avec lui ou... m'engager. " La grimace s'installe rien que d'y penser. " Il y a une putain de différence entre s'attacher à une gamine de sept ans et prendre la décision de tomber enceinte et d'élever un enfant. " Ça n'avait rien à voir. C'était deux actes totalement différents. " J'aurais peut-être dû comprendre un peu mieux les signaux, après tout, on a six ans d'écart et apparemment, absolument pas les mêmes envies. Parce que ça à l'air d'être un sacré problème pour toi, pour que tu me remettes ça sur le tapis. ... J'y crois pas quand même. T'as tiré tes conclusions alors que... Miles est même pas au courant. " J'veux dire, j'ai même pas dit que j'avais encore des sentiments pour lui. Il n'a même pas été question de la possibilité qu'il se passe à nouveau quelque chose entre nous un jour. Et non bordel ! Je n'avais pas envie de tomber enceinte, d'avoir mes propres enfants et de me marier à un homme. Non. Mes convictions en tant que femme volaient bien plus haut. Pour ce qui était de Caprice, c'était une relation qui s'était instaurée avec le temps, quelque chose que ni Miles et ni moi n'avions pu prévoir. Et ça me confortait dans l'idée que je n'avais pas besoin d'avoir un jour mes propres enfants pour me sentir bien. La main sur la poignée de la porte s'actionne pour ouvrir cette dernière. " Tu as déjà une idée très claire de la suite Maverick. Tu viens de le dire. Alors, je préfère largement tracer ma route par moi-même. Trouve toi une nana qui acceptera d'aller à Vegas se marier pour le fun, pour faire chier ton père et qui sera ravie d'aller à Narnia pour la lune de miel. Tu l'as dit il y a des mois déjà, on fait pas partie du même monde. " Et si le regard est froid et que je donne la sensation de ne plus rien ressentir, je sens le poids de mes mots creuser un trou béant au cœur de ma poitrine. J'attends qu'une chose maintenant, c'est que tu partes pour m’effondrer.

Je ne connais pas le gris, aucunement les nuances. J’adopte le noir et puis le blanc. D’autres me diront arc-en-ciel mais dans mes émotions, je  demeure assez binaire finalement. Pour le moment je vois rouge. Et rouge seulement. Passion délavée, colère qui jaillit, là où des mots plus doux venaient nous étreindre auparavant. C’est comme un film qu’on viendrait passer en accéléré. Marche arrière toute. Retour sur notre premier terrain d’entente, la haine et l’incompréhension. Je ne peux pas concevoir que ton cœur se partage alors que j’ai mis tant de temps à t’ouvrir le mien. C’est comme deux handicapés qui s’étaient apprivoisés malgré leurs failles, peau qui s’entrouvre et toi qui vient y remuer tes phalanges malhabiles. C’est trop. « Je vois rien de plus à dire. Si tu veux qu’on t’écoute sur tes hésitations sentimentales, paie toi un psy ou va voir tes copines. » Je suis clairement pas la bonne cible, encore moins la bonne ancre pour ce genre d’épanchements, tu devrais le savoir pourtant. « Je t’ai dit que j’avais besoin de temps, que je te laissais faire le point. Le deal c’est que tu décides, tu me gardes ou tu me largues. Mais non, tu me ressers la même mélodie. » Je n’hésite pas sur le fil, j’y reste ou je plonge, pas le temps de brasser l’air. Alors mes pas me conduisent de nouveau vers l’extérieur, mais c’est mal te connaître, bien sûr que tu me suis. Tu peux être particulièrement mauvaise lorsqu’on vient érafler tes propres béances. « Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire Marla. » Et heureusement que tout le monde ne connaît pas la noirceur qui m’habite. Tu te mets à rire et je te glisse un regard de côté. C’est pathétique. J’enfourche la bécane, attrape le casque.  « Manquerait plus que ça que je sois responsable de tes conneries en plus. J’ai suffisamment des miennes. » T’as quand même un sacré culot alors que j’ai tenté de te laisser l’espace qui te faut. Tu comprends pas. Que ça m’angoisse, que je suis pas bon pour les mots de ce type. Tu comprends rien et tu t’obstines, à appuyer là où ça fait mal. « Ah ouais donc je vais te regarder hésiter pendant dix ans en te caressant les cheveux et en te contant fleurette ? Putain mais réveille-toi Witherspoon ! » C’est aussi me respecter quelque part, accepter mes limites. Mais non, Demoiselle s’entête et veut me faire endosser un rôle dont je ne suis pas capable. Je pense que les choses sont claires. Bien trop. « Il y a une putain de différence entre manquer d’honnêteté et changer d’humeur au gré de tes histoires. » Parce que le couplet que tu m’as servi quelques mois plus tôt, il avait rien à voir, et il parlait aucunement de cette gosse qui prend désormais toute la place. Je t’entends déballer le reste, à côté de la plaque encore. « Ouais fais-toi ton feuilleton, t’es douée pour ça, je vais chercher une femme et devenir pasteur. » Je mets mon casque, active le moteur et c’est sans doute le bon moment pour le coup final. « Va te faire foutre Marla par Miles ou un autre ça m’est égal. » Et aussitôt, la puissance de la bécane m’emmène en avant, je prends sans doute pas conscience de ma mâchoire qu’est aussi serrée que le casque de la bécane, encore moins de la vitesse de ma moto, bien au-delà des limitations, je vois plus rien, je vois plus noir que blanc, mais le tout encore hanté de flammes, reprenant le cours de ma vie à plus de 100 à l’heure, histoire de ne pas trop réfléchir davantage.