Il y a quelque chose qui m'intrigue chez Snow. Et si je pensais que l'alcool me donnait des ailes et la confiance en moi qu'il me manque, je me rends compte que tout ce que je fais, que ces mots qui sortent de ma bouche sont plus que consentis et réels. J'aime vraiment ce moment, cette confiance qu'il me donne, cette envie de plaire qui naît au creux de mon ventre, envie qui n'avait pas vu le jour depuis des mois, pour ne pas dire des années. L'envie de plaire voire même le désir de plaire, de faire passer tout ce qui se passe dans mon corps à travers mes yeux, à travers mes mots. Les lèvres pincées, je le regarde et je crois que si j'avais quinze ans, je tomberais amoureuse. Manque de bol, j'en ai trente deux et la seule chose dont j'ai envie, c'est de profiter de ce moment. Je le regarde se balader sur le bateau et souris quand il m'explique la tradition. C'est bien un truc de riche ça, gaspiller de l'alcool pour porter chance. Moi, je me contente de boire ma bouteille de vin à 5 dollars de chez Seven Eleven et ma tradition, c'est de ne pas être malade le lendemain. Ce qui est bien avec les biens consommables, c'est que ça se rachète. Que je souffle doucement, mon lawyer-brain bien lancé mais que je vais éteindre rapidement. Parce que ce soir, je ne suis pas Maitre Adams-Baker mais Mila et ça fait du bien d'être un être humain à part entière. Je sursaute au bruit sourd du bouchon de liège qui 'pop' de la bouteille. J'attends qu'il me tende la coupe et l'invite à se mettre assis à mes côtés. C'est plus facile pour discuter. La stabilité du bateau est agréable et le bruit de l'océan encore plus agréable à mes oreilles. Le petit clapotis contre le bateau est agréable, apaisant même. Au baptême retardé de ton bateau alors. Nos verres tintent et je bois une gorgée de ce champagne qui est franchement délicieux. Wow. Pas le bas de gamme que j'ai l'habitude de consommer. Alors, dis moi en plus Snow, que fais-tu dans la vie ? Parce que je ne suis pas le genre de fille qui couche à le première soir. Je glisse mes yeux sur l'horloge au dessus de ce frigo dans lequel tu as été pécher cette bouteille et je souris. Il est minuit passée. Ce n'est donc pas le premier soir mais le premier matin, comme c'est arrangeant. Enfin, seul le futur nous le dira, si c'est arrangeant ou non.

Ça ne me ressemble pas d'être si relâchée avec un homme que je viens de rencontrer. En temps normal, je serais déjà chez moi, à ronchonner dans mon lit et à lire jusqu'à m'en endormir. Seulement, c'est différent ce soir. Je me sens pousser des ailes et j'ai envie d'en apprendre plus sur le jeune homme. Je crois que mon expérience avec Andrew m'a fait comprendre une chose : ça ne sert à rien de trop réfléchir, d'attendre le moment parfait parce que, putain, ce moment n'existe pas. Il n'y aura jamais le moment parfait pour rencontrer la personne parfaite. Je n'y crois plus et il était temps que je redescende de ma tour de Princesse. Avec ce que j'ai vécu dans mon enfance et adolescence, j'ai toujours pensé que je devais chercher l'exceptionnel et en faire mon quotidien. Mais en cherchant l'exceptionnel, on ne trouve qu'une exception. Et je ne veux plus de cela. De la folie, de la passion, de l'envie, de la vie tout simplement. Voilà ce que je veux. Vivre. Et quand il me dit qu'il est agent secret, je ne peux m'empêcher d'éclater de rire. Je pose ma main devant ma bouche pour stopper ce son qui sort de ma bouche. La première règle de l'agent secret n'est-il pas de ne pas dire qu'il est agent secret ? Mon regard dans le sien, ma main autour de la coupe, je reprends contenance quand je le vois s'approcher de moi. Je ne bouge pas et je ne contrôle plus rien. Absolument plus rien et je le sais au moment où ses lèvres effleurent ma peau et que mon corps tout entier répond à ce geste. Putain. Ses murmures. Et je suis perdue. Ma main libre se referme autour du fauteuil sur lequel je suis assise comme pour éviter que je dérape complètement. J'ai bien envie de lui dire que non, je ne le sais pas mais ce n'est pas l'heure de jouer à la demoiselle qui n'a pas confiance en elle. Snow n'est clairement pas le genre d'hommes qui doit prendre le temps avec des nanas qui pleurnichent sur leur sort. Et puis, merde, je ne pleurniche pas sur mon sort. À chaque coup bas, je me relève. Parce que je me le dois, que je le dois pour ma famille aussi. Mais pourtant. Sous ses mains, je me sens dénudée alors qu'habillée. Comme s'il pouvait voir et savoir ce dont j'ai envie et besoin d'entendre. Et tu surveilles quel type d'oeuvres ? Le Moyen-Âge, la préhistoire ? Des sculptures ? J'ai envie d'en savoir plus. Toujours un peu plus. L'histoire. Fascinant. Je suis sûre qu'il connait des tas d'anecdotes plus folles les unes que les autres. Je suis avocate en droit de la famille. Que je souffle rapidement. J'aime mon métier et ce qu'il représente. Je m'occupe essentiellement de dossiers qui concerne des enfants. À défaut d'être juge pour enfants et de condamner les méchants, je me contente de protéger ces gamins sans défense, souvent tiraillés entre deux parents mécontents. Puis il y a aussi des divorce, des problèmes de garde mais je me concentre essentiellement sur ces petits bouts - des fois grands - dont les intérêts sont souvent oubliés.

Il se fiche des règles ? Et bien. Je ne suis pas sûre que ce soit l'idée du siècle d'en parler à une avocate mais il ne sait pas que j'ai juré, main sur un code civil, de ne jamais enfreindre la loi et de suivre les règles. On sait tous qu'il y a des tas d'avocats qui profitent de leur statut pour enfreindre les lois qu'on apprend par coeur en faculté de droit. Mais je ne suis pas de ces personnes, loin de là même. Je me ferais probablement plus d'argent si j'étais de l'autre côté de la moralité mais je ne pourrais pas vivre avec mon reflet dans le miroir. Et puis, il me dévoile rapidement sa réelle occupation. Ça m'intéresse vraiment. J'ai envie d'en savoir un peu plus sur le jeune homme, sur ce qui l'anime et le fait se lever tous les jours. Il parle avec passion et ça fait plaisir à voir. Je ne supporte pas les hommes qui se laissent porter et n'ont pas cette petite lueur dans les yeux. Je souris quand il me dit ses spécialités. Je vais pouvoir dire à Lucas que j'ai rencontré Indiana Jones et ça va bien le faire rire, aucun doute là dessus. Et tu dors quand ? Que je demande avec un sourire. Le jour professeur, le soir gardien du musée. Je te vois tellement comme Ben Stiller dans la Nuit au musée maintenant. Sourire sur les lèvres, c'est facile, drôle de discuter et ça me fait bien. Une gorgée de mon verre et je lui explique un peu ma vie, mon métier, ce qui me passionne moi. Et je lui parle aussi de ce regret jamais avoué que j'ai de ne pas être juge. Je le regarde et ferme les yeux quelques secondes quand il me demande pourquoi pas juge. Sa deuxième question me fait rouvrir les yeux. Est-ce le moment de déballer l'état de ma vie familiale ? Que je dois travailler pour nourrir tout le monde et ne peux pas me permettre de retourner sur les bancs de la faculté. J'ouvre la bouche et mon téléphone sonne. Je reconnais la sonnerie. Chacun de mes frères et soeurs a une sonnerie différente du commun des mortels. À cause de ça. Que je souffle en plongeant ma main dans mon sac à main. Désolée. Je décroche et monte pour prendre l'appel de Liam. Lucas me réclame, un cauchemar. Et j'entends la voix tremblante du plus jeune de la famille et souffle que je rentre. Snow, je suis désolée, il faut que j'y aille… Je me retourne et descends rapidement pour le retrouver. Il m'a entendu. J'attrape mon sac, y bourre mes talons et le regarde. Je me rattraperais. Que je dis, comme si je lui devais quelque chose. Je le regarde et j'écoute ce qu'il se passe dans mes tripes. Je m'approche de lui, l'embrasse et file en direction de la maison, où on m'attend. C'est tellement complexe putain. Ça m'énerve. Mais c'est ma famille avant le reste et ça sera toujours comme ça.