Appartement de Théa Hobbs, Bronx
03h34 am, décembre 2004.

Le goutte à goutte du robinet de la salle de bain attenante à sa chambre l'avait empêché de dormir durant de longues heures. Elle avait finalement réussi à trouver le sommeil jusqu'au moment où elle s'était réveillée en sursaut, sa couverture en laine enroulée autour de son corps. Au loin retentit une sirène, probablement celle d'une voiture de police. Des bruits de pas précipités se firent entendre dans le couloir de l'immeuble, des portes claquèrent puis, ce fut le silence. Silence seulement rompu par le bruit du goutte à goutte qui n'avait pas cessé depuis tout ce temps. Paloma se retourna sur le dos et fixa le plafond fissuré. L'appartement qu'elle partageait avec sa grand mère, Paloma le connaissait depuis toute petite. En fait, elle y avait toujours vécu et c'était ici que sa grand-mère Théa l'avait élevé. Sans sa grand-mère, Paloma aurait probablement été dans un foyer ou alors, elle aurait été abandonné dans la rue alors qu'elle n'était qu'un bébé. En fait, sa mère était partie. Elle avait eu Paloma jeune et vous connaissez l'histoire. Le père ne souhaitait pas s'impliquer, la mère de Paloma n'avait même pas de diplôme et personne ne pouvait l'aider financièrement. Alors, quand elle mit au monde Paloma, elle la confia à sa grand-mère (ou plutôt, l'abandonna chez elle) et s'en alla, comme si de rien n'était. Ainsi, Paloma n'a jamais connu sa mère. Bien sûr, elle a vu des photos d'elle et elle lui a déjà parlé au téléphone puisque, oui, la mère de Paloma souhaite garder contact avec sa fille. Donc, elle l'appelle environ une fois par mois, pour prendre des nouvelles. Mais les visites en face à face, il n'en est absolument pas question. Au début, Paloma souffrait de cette situation mais finalement, elle s'y est habituée. Et puis, ce n'était pas comme si elle avait le choix. Paloma se redressa dans son lit, posa ses pieds sur le parquet glacé et se leva. Il était encore très tôt mais de toute façon, elle n'arriverait pas à se rendormir. En se dirigeant vers la cuisine, elle passa dans le salon où sa grand-mère dormait sur le canapé, sous plusieurs couvertures. Paloma sourit. Elle avait souvent insisté pour que sa grand-mère dorme dans l'unique chambre de l'appartement mais il n'y avait rien à faire. Sans bruit, Paloma commença à préparer le petit déjeuner.


Pelham Bay Park, Bronx
04h48 pm, juillet 2006.

Assise sur un banc, Paloma profitait du soleil et de la chaleur du mois de juillet. Le Pelham Bay Park était l'un des endroits où elle se sentait le mieux. Certes, il était situé dans le Bronx, non loin de son appartement, et il n'était pas aussi beau que les parcs situés dans les autres quartiers de New York mais au moins, Paloma pouvait y trouver un peu de calme. La jeune fille avait du mal à réaliser que le lycée était bel et bien terminé et qu'elle ne remettrait plus jamais les pieds là-bas. Le lycée n'avait pas été la meilleure période de sa vie mais c'était également loin d'être la pire. Paloma se remémora pendant quelques instants les différentes années qu'elle avait vécu dans son établissement et soupira. Elle était malgré tout soulagée de pouvoir changer d'air, après avoir passé toute son enfance et son adolescence au même endroit. De son sac, Paloma sortit une feuille de papier légèrement froissée d'avoir été dépliée et dépliée à maintes reprises. En haut de la lettre était imprimés le Blason d'Harvard et la devise si célèbre de l'université : Veritas. Paloma relue une nouvelle fois la lettre, les mains légèrement tremblantes. Elle connaissait chaque mot par cœur et pourtant, à chaque fois que ses yeux se posaient sur les lignes dactylographiées, elle ressentait ce singulier mélange de surprise, de joie, d'excitation, de peur et de culpabilité. Elle était prise à Harvard. Elle était prise à Harvard. Paloma ne cessait de se répéter cela depuis un mois, afin de vraiment intégrer l'idée qu'à la rentrée, elle ne serait plus ici mais bel et bien dans la très célèbre université. Cette admission avait été une énorme chance pour elle. Certes, elle avait mérité cela et avait été, depuis toujours, une élève très bonne élève. Mais d'un côté, les chances qu'elle soit prise avaient été très mince. Elle venait d'un lycée n'ayant pas très bonne réputation, elle avait été élevé par sa grand-mère et donc, n'avait jamais croulé sous l'argent. Cependant, elle avait été choisi, parmi des tas d'étudiants. Et, bien que l'idée de quitter sa grand-mère lui faisait mal au cœur, elle savait que l'heure était venue de faire ses preuves. Et aller à Harvard était déjà un très bon début.


Harvard, Cambridge.
09h26 am, septembre 2012

Paloma arpentait le campus de Harvard d'un pas rapide. Elle n'avait pas de temps à perdre, la nouvelle années scolaire commençait fort. La jeune femme entrait à présent en cinquième année et était plus que décidée à percer dans l'humanitaire. Elle s'en savait capable alors, rien ne pouvait l'arrêter. Parfois, elle repensait au moment où elle était arrivée ici pour la première fois. C'était dingue le chemin qu'elle avait accompli depuis tout ce temps ! Et même si parfois, son passé la rattrapait et que les retours à New-York était souvent difficile, Paloma était fière d'avoir toujours été la personne qu'elle avait toujours rêvé d'être. Certes, la cohabitation avec les autres étudiants n'était pas toujours aisé. Certains pensaient avoir acquis la moitié du campus, uniquement parce que leurs parents possédaient des richesses considérables. D'autres étaient complètement insupportables et se pavanaient n'importe où, tels des futurs stars. Mais, rien de tout cela n'arrivait à gâcher le plaisir que Paloma ressentait. Le plaisir d'être ici et d'avoir fait quelque chose de sa vie.