la main tendue vers des rêves qu'il caresse depuis un semblant d'éternité, c'est la première fois qu'il frôle les possibilités, pour la première fois du bout des doigts, avec l'espoir d'enfin les réaliser. à la manière des étoiles filantes, les opportunités doivent être saisies lorsqu'elles passent, et prendre le risque de les laisser traverser le ciel sans les capturer, c'est prendre le risque de ne pas voir réaliser ses voeux les plus chers. et son souhait le plus précieux? retourner à la case départ, être entouré des gens qu'il aimait, faire partie d'un groupe, être étudiant dans l'ailleurs, loin des moqueries, loin des jugements, loin de cette hantise et des démons.

soo ? avait-il demandé, les doigts accrochés fermement au comptoir du bar, pour prévenir la chute, pour contenir l'excitation qui gagnait en proportions, seconde après seconde, dans l'attente d'une réponse, pour confirmer ses espérances. et un hochement de tête met fin à la torture, à cette attente interminable; il ne tenait plus en place.. à la manière d'un petit chiot surexcité de retrouver son maître après une longue journée, c'est plutôt la joie immense, incommensurable de retrouver l'être qui lui était le plus cher au monde : sa meilleure amie. ça faisait longtemps, hein. au diable les apparences, au diable les regards curieux autour, de ces américains et de ces coréens, au diable les bonnes manières. d'un pas, il brise la distance qui les sépare. sans crier gare, ses mains passent sous les aisselles de soojin, la soulevant du sol pour la faire virevolter dans les airs, l'entraînant dans un tour, où se font entendre rires d'une sincérité, marqué par l'exclamation et les violentes émotions d'un bonheur et d'une joie difficilement contenus. il s'arrête, la laisse retrouver la terre ferme min soojin, je te déteste. NON, c'est pas vrai, ne m'écoute pas. je suis si content de te voir, je.. il n'en croit pas ses yeux. pince-moi fort, pince-moi que je vois si c'est bien réel, si tu te tiens bel et bien là, devant moi. et le rire enfantin qui brise l'air, étouffe la musique techno, le rire enfantin communicateur et contagieux.

@Soojin Min

le myocarde qui s'affole, va crescendo dans le coeur de l'intrépide. elle a ce sourire indécollable, soojin, cette expression solaire qu'elle arbore chaque fois qu'elle le voit ; yujin, yujin et ses airs de chiot qui ne comprend pas ce qu'on lui dit, qui commence à traiter l'information, à comprendre le sous entendu dans les sourires. des années qu'ils n'avaient pas eu le temps de se voir, la faute au temps, à la distance, aux études de l'une, au service militaire de l'autre. les semaines qui se transforment en mois, et les mois en années bien trop longues. mais elle est là maintenant soo. sur le sol natal, à lui faire front. et c'est avec une spontanéité déconcertante pour ceux autour (( et même surprenante pour la poupée qui en a presque perdu l'habitude )) que yujin se redresse, englobe la taille frêle de soo pour la soulever de terre. envoie valser les principes, la politesse, exclamations surprises de certains coréens autour, et rires d'autres, quand la poupée, elle, éclate d'un rire cristallin en prenant appui sur les épaules. gamine à sa place. quand elle retombe, voilà qu'elle est toute étourdie, soojin, cligne plusieurs fois des yeux avant de tendre la main vers son bras, pour mieux s'y tenir. « t'es sûr que tu me détestes ? » elle tire la langue, espiègle, hausse les sourcils d'un air amusé quand presque aussitôt, il se reprend, se corrige, laisse éclater une joie qui réchauffe le cœur attendri de la gamine. tend les doigts pour englober le visage masculin, pincer ses deux joues dans un éclat de rire. « et maintenant, tu y crois ? » tire les joues jusqu'à ce que les fossettes si caractéristiques de yujin disparaisses, pour mieux le libérer et le prendre dans ses bras. « je voulais te faire la surprise. » et a priori, il semblerait qu'elle ait réussi. elle recule pour mieux l'observer, inspecter, voir le regard pétillant de son meilleur ami. il va bien. il va bien et soojin, ce soir, ça lui suffit. « comment tu vas ? » juste pour être certaine. toujours soucieuse lorsqu'il s'agit de ses meilleurs amis.

les bonnes manières, le contrôle de soi, l'allure, les impressions. vingt-quatre années d'existence, et yujin peinait toujours autant à demeurer entre les lignes, à dessiner sa vie sans tracer hors du cadre, sans dériver de la ligne directrice. petit garçon trop extravagant pour les normes imposées, gamin incompris ou mal élevé, les avis divergeaient, l'affectant parfois, l'indifféraient d'autres fois. mais, lorsque brillait le soleil et que les étoiles dansaient bien haut dans le ciel, guidant sa trajectoire sinueuse vers le beau, le doux (( la paix )), le regard des autres ne l'affectait plus, ne l'empêchaient plus d'avancer. yujin, il est l'a i l l e u r s, il est la différence insaisissable, l'être un peu bizarre auquel on s'accroche ou que l'on évite. yujin, il virevolte avec l'intrépide dans les bras. le soleil brille de mille feux à nouveau; la lueur des étoiles éclaire ces yeux doux, taquins, dont les iris font vibrer le myocarde, font renaître l'étincelle de l'âme enfantine. les mains sur la peau enflammée par le contact, bien réel, de cette amie lointaine, mais jamais oubliée. les souvenirs se bousculent pour devenir réalité. la nostalgie fait place au tangible. elle est là. l'étreinte qu'il cherche à prolonger, le nez qui se cale contre la peau douce, pour mieux se rappeler les parfums tendres, les effluves distinctifs d'une enfance pénible, pourtant embellie par le rire cristallin qui chatouille les oreilles à l'instant. je voulais te faire la surprise. et si le moment est propice à un chaleureux cocktail de rires et de sourires, il l'est aussi à celui des émotions, qui remuent l'estomac, retournent le coeur d'une vague violente. la vue s'embrouille, les larmes roulent sans prévenir sur les pommettes doucement martelées par les doigts de la poupée. il éclate d'un rire distinct, bien propre à lui, alors qu'il essuie du revers les gouttelettes d'une émotion trop grande, trop forte, trop belle. j'me suis jamais senti aussi bien. et la musique semble soudainement bien trop forte, bien trop agressante pour l'intimité qu'il souhaite partager avec sa meilleure amie. il capture la main féminine, l'entoure de ses doigts tremblants d'un bonheur pur et l'entraîne vers la sortie du bar, où se mêlent désormais parfaitement les étudiants américains et coréens. l'air frais fouette leurs visages aussitôt dehors, il l'entraîne loin de la musique et du chaos sonore, des corps qui se meuvent et des verres qui se heurtent à travers les éclats de rire. c'est le plus beau cadeau que tu pouvais me faire. j'arrive pas à y croire. tu m'as tellement manquée, soo. dans le meilleur des mondes, il aurait pu la suivre aux états-unis des années auparavant, mais la vie en avait décidé autrement. et si, maintenant, tout de suite, c'était sa chance d'enfin devenir quelqu'un? et si soojin n'était-elle pas l'étoile qui lui permettrait d'enfin repérer le faisceau de lumière de sa propre vie?

@Soojin Min

tout est si beau, si doux, si coloré tout à coup. poupée bien insouciante de ce qui l'attendra sur le reste de ses vacances. la peur, la tristesse, la déception, tout s'envole pour ne laisser place qu'à l'euphorie de l'instant, retrouvailles tant attendues. elle n'a jamais eu le temps de repasser en corée, soo. pas depuis la fin du service militaire de yujin, prise tour à tour par ses études, par sa famille. jusqu'à aujourd'hui. l'émotion trahit, s'affiche sur les traits de la poupée, mais aussi sur ceux du jeune homme dont elle chasse tendrement les larmes, grand sourire sur les lippes. j'me suis jamais senti aussi bien. elle secoue la tête, soojin. nouveau rire cristallin. « alors tu attends quoi pour venir me rejoindre à boston, hein ? » la langue se tire, gamine insolente, presse de quitter le pays du matin calme pour venir la rejoindre vivre l'american dream. puis ce sont les doigts qui s'accrochent au poignet délicat, entraînent les deux silhouettes loin du brouhaha ambiant, des étudiants, de la musique et des verres qui s'entrechoquent. l'air frais vient caresser les épaules de la brune, tandis qu'ils rejoignent les rues. et y a ce sourire à en faire mal aux joues qui décroche pas du visage de soojin. « j'ai eu du mal à garder le secret, tu sais. » elle hausse une épaule, aligne un pas devant l'autre tout en venant joyeusement enrouler son bras autour de celui de yujin. « je suis là pour quelques jours seulement. mais tu sais qu'on pourrait se voir plus longtemps. genre.. toute l'année. » elle fronce le nez, rigole, les épaules qui se secouent doucement au gré du rire. « qu'est-ce qui te retient ici ? et me sort pas la bouffe, y a plein de bons restaurants à boston. »

ivresse, euphorie. d'une sensibilité désarmante, yujin se nourrit des moindres émotions, les ressent jusque dans ses terminaisons nerveuses. elles le brûlent, l'enflamment, l'embrasent, le détruisent ou l'animent. il ressent tout, yujin, les moindres sensations sont décuplées, la joie et la peine se manifestent aux extrêmes;; le juste milieu n'existe que dans les moments de solitude. fantaisies des retrouvailles tant espérées depuis des années qui s'enchaînent lentement, sans but, l'espoir d'un sourire qui ne se cachait désormais plus que derrière les écrans ou les lettres manuscrites. et pourtant, la réalité frappe, saisit le myocarde, et sous l'émotion, les larmes coulent, se heurtent aux doigts délicats de la meilleure amie, avant de disparaître. et l'envie d'expier l'horreur des angoisses passées, à travers les étreintes qui s'enchaînent. incapable de détourner le regard de la fine silhouette, de peur qu'elle ne disparaisse;; (( doux m i r a g e )) qu'il caresse d'un sourire, mains auxquelles il s'accroche comme une bouée, les étreintes d'un passé reviennent en mémoire, lorsqu'il avait besoin d'être rassuré, et le manque subséquent, lorsqu'il avait besoin de sa présence et qu'elle n'était guère plus qu'un souvenir présent, et pourtant si lointain. l'amitié qui ne se brise jamais, qui résiste aux intempéries d'une distance bien trop longue, le souffle de ce qui semble une éternité, mais qui s'ébranle d'un manque lorsque les crises menacent les nuits paisibles de l'enfant terrible ou que les cris désespérés du paternel l'enferment dans une prison (auto)destructrice. j'attendais un miracle. et il est arrivé, sans aucun doute. elle s'tient là, devant lui, et tu yujin s'y accroche, l'espoir renaît. se caresse du bout des doigts. m'refait plus ça.. cette montagne russes d'émotions. son rire comme une douce mélodie dans les oreilles, les instants de bonheur qui remontent à la surface, dans les souvenirs, le passé qui rejoint le présent, offre enfin les possibilités d'un avenir possible. quels seront les obstacles à sa réalisation, cette fois-ci ? serait-ce.. lui-même ? les étoiles brillent dans les yeux à l'énonciation des possibilités, l'esprit qui divague vers les tableaux de ces retrouvailles tant espérées, de ce rêve autrefois chéri, qui n'a eu d'autre choix que de s'enfouir dans un coin du coeur, pour ne renaître que.. maintenant. l'espoir se gonfle, les rêves se caressent du bout des doigts, maintenant qu'elle est là. toute l'année.. j'en aurai jamais assez de min soojin, rien que quelques jours. c'est trop peu. je ne peux pas passer un autre deux ans loin de la personne que j'aime le plus au monde. la personne qu'il aime le plus, et celle qui lui donne un courage qui n'existerait pas si elle n'était pas là. les doigts serrent doucement le bras enroulé au sien. ce qui me retient.. ? la peur d'être incapable ? de rêver trop grand, alors que je n'y aurai peut-être pas ma place, même dans mes rêves les plus fous ? la peur d'espérer, et de me retrouver seul, encore une fois. ou de me retrouver là-bas et de te perdre, ou de me perdre ? tant de craintes qui rongent, dévorent l'âme d'un gamin anxieux et seul, terriblement seul. et du revers de la main, il efface un dessin imaginaire, chasse quelque chose d'invisible: mais.. soo. je veux que tu me dises ce que tu deviens, s'il te plaît. j'veux que tu me dises que tu vas bien, que tu es heureuse, là-bas.

@Soojin Min je me rends compte que c'est si long... omg. ne te force pas pour faire aussi long

ils sont noir et blanc, jour contre nuit, gamin extraverti à outrance quand elle demeure sur la réserve, plus tempérée dans ses démonstrations de tendresse. lui, si calme, quand au contraire elle peut être une vraie tempête. yujin, soojin, amitié improbable née de leurs jeunes années, à une époque révolue à laquelle elle était bien plus réservée. ne s'est ouverte qu'à si peu d'âmes, l'intrépide s'est offerte, yujin comptant parmi ces si rares personnes qui ne l'ont jamais déçue, trahie, trompée avec les années. il est de ceux qui restent, de ceux qui resteront, elle le sait. tout comme elle est restée malgré la distance, les années, le silence parfois quand elle devait se consacrer à la musique, ou lorsqu'il a du remplir son devoir de citoyen et effectuer son service. elle est là, lui aussi, et ce soir au milieu de seoul l'éternelle, baignés par les lumières de la ville, ils n'ont besoin que de l'autre. ils brillent plus fort que l'astre lunaire par leurs sourires. j'attendais un miracle, dit-il, yujin. et c'est un sourire teinté d'espoir qu'elle tourne vers son meilleur ami, soojin. l'espoir qu'il traverse l'océan pour la rejoindre aux états unis. elle rit, soojin, hausse les épaules avec l'ébauche d'un sourire. « pardon, promis c'était la première et dernière fois. je regrette de ne pas t'avoir filmé. » souvenirs qu'elle devra se contenter de garder dans sa tête, dans sa mémoire, gravés.

et les pas s'alignent les uns après les autres, bras accroché à celui du brun, longent la rue jusqu'à rejoindre cheonggyecheon, cours d'eau paisible qu'ils ont déjà longé ensemble tant de fois. mais sa vie à soo, elle n'est plus là. et toi, yu, tu attends quoi ? les doutes dont il fait part doucement, les sourcils de la poupée se froncent délicatement, répond à la pression de la main autour de son bras par une étreinte plus douce, la seconde main venant rejoindre celle du jeune homme. « tu seras jamais seul. pas tant que j'suis là, remember ? » et c'était valable qu'importe la distance, même s'il restait ici et elle là bas. toujours présente. les doigts relâchent doucement le bras masculin, poupée qui attrape les deux mains pour lui faire face, marche à reculons. confie aveuglément ses pas. « et t'as jamais été un incapable yu. tu le seras jamais. t'es brillant, et t'as de la volonté. me perdre de quoi, te perdre comment ? on a vécu à l'autre bout du monde tous les deux, ça nous a pas brisé. » les lippes s'étirent pour former un sourire, pas qui ralentit pour s'arrêter devant les lumières qui inondent le cours d'eau, reflets artistiques. « la question c'est : qu'est-ce que tu as à perdre ? tu crois qu'ici tu t'épanouiras mieux ? » elle est là toute la question. les doutes qu'il cumule vis à vis de sa vie là bas, ne les a-t-il pas également ici ?

c'est toutefois sur elle qu'il retourne le sujet. gamine haussant les épaules, rejoint une barrière métallique pour y appuyer son dos après avoir relâché les doigts doucement. « je vais bien. tout va... étonnamment bien pour moi. » et il sait, yujin, il sait qu'elle est en couple et que ça, c'est un miracle. « j'ai fait un départ chaotique, et depuis un an.. tout semble aller étrangement bien. je suis les cours, je suis en couple, je vois mes soeurs souvent.. j'crois que je suis heureuse. » notion inconnue, mais le coeur qui se gonfle d'euphorie fréquemment. « je suis heureuse, yu. et si tu savais comme ça fait du bien.. » après des années d'adrénaline pour se sentir vivre, sans apprécier la vie comme elle se doit.

@Yujin Ahn (la douceur de cette plume, ne t'excuse pas pour de tels pavés de qualité )