; du sino-coréen 娜 "élégant, gracieux, délicat" et 恩 "gentillesse, miséricorde, charité". première née de la famille shin, poupée auréolée d'attention et d'amour au cœur de boston. aucun drame à l'horizon, et une famille discrète. jusqu'à l'arrivée d'une petite tempête. l'enfant terrible, le joyau, la princesse. petite sœur adorée, couvée par naeun. promesse solennelle de protéger yeji contre vents et marées, dès lors qu'elle pose ses opales noires sur la petite silhouette lovée au creux des bras de leur mère. et bien sûr qu'elles ont eu leurs moments de discorde au fil des années, difficile de faire autrement avec huit années pour les séparer. mais ça ne l'a jamais empêché de l'aimer. quand certains se perdent dans les livres, nana, elle tombe très jeune dans la cuisine. gamine habile, adepte des travaux manuels, elle suit sa mère aux fourneaux, puis elle apprend, invente, expérimente. un don qu'elle n'a, de toute évidence, pas transmis à sa jeune sœur qui a manqué plus d'une fois de mettre le feu à la cuisine de peu. elle a quinze ans quand elle le rencontre au lycée. sourires discrets dérobés, des semaines, des mois, avant d'oser l'aborder. une année, pour qu'il ose l'embrasser. et quand certains voient un premier amour comme un souvenir tendre à garder, nana, elle, elle est convaincue dès le départ qu'il sera le premier mais également le dernier. il lui fait sa demande au bal de promo de fin du lycée. promesse murmurée alors qu'il doit bientôt la quitter pour étudier à new york : veux-tu m'épouser ? et quand beaucoup disent que c'est trop tôt, qu'ils sont trop jeunes, qu'ils n'ont pas eu le temps de vivre leur jeunesse, naeun ne met pas plus d'une seconde à répondre. oui. il est son âme sœur, elle le sait. ils ont dix-huit ans quand ils se marient. et non, yeji n'a pas réussi à attraper le bouquet, pourtant naeun a fait trois tentatives. de son côté, en revanche, si il choisit les études, ça n'a jamais été une option à ses yeux. son avenir, nana le voit dans une cuisine, entre le four et le fouet électrique. jongle entre les couleurs, les arômes et les formes, la cuillère entre les lippes et le plat que yeji vole à chaque passage en cuisine. pâtissière, voilà où se situe son avenir. à 21 ans, il demande son transfert à harvard. elle lui manque, nana. et la vie à deux commence. les économies en poche, elle quitte le domicile familial pour s'installer dans un appartement. elle n'a rien vu venir, poupée aveuglée par la distance, par les mots doux, par une vie à deux ponctuée de messages et d'appels, gamine dépendante. mais c'est lorsqu'ils habitent ensemble qu'il se dévoile. car elle s'émancipe maintenant qu'il est à portée de bras nana, et lui, ça ne lui plaît pas. un sourire à un autre, et ce sont les crises de jalousie qu'elle apaise difficilement. un regard sur le téléphone à table, et voilà qu'il lui demande si il l'ennuie. le besoin d'attention est prenant, pressant, trop vif ; et elle a beau dire qu'elle n'aime que lui, naeun, ça ne suffit pas. elle ne peut pas s'éloigner, baisser les yeux sur une autre silhouette, être courtoise avec un inconnu. ça ne lui convient pas. les années passent et l'amour ternit. certains soirs ils ne se parlent pas, se hurlent juste dessus, elle s'épuise. et c'est quand elle fond en larmes que c'est toujours le même schéma qui se produit : lui qui s'excuse, la prend dans ses bras; tu le sais que je t'aime, hein nana ? et elle est pas heureuse comme ça. se referme sur le monde. refuse que yeji passe plusieurs jours à la maison. elle fait tout, nana, tout pour que les autres ne voient pas qu'ils avaient raison. refuse de lire sur le visage des autres la pitié, l'inquiétude, cette phrase fatidique : j'avais raison. mariée trop vite, jeunesse mordue, dévorée, enterrée sans avoir eu le temps de la vivre.