il me fait rire, ce con, avec ses courbettes, son ton de princesse farouche et précieuse. c'est ridiculement drôle, et j'avoue qu'à ce moment précis, j'aurai aimé le voir dans une robe à volant comme on en fait plus, ou dans la robe de la reine des neiges. il serait magnifique en elsa d'arendelle. « depuis quand tu parles chiffon ? » me moquais-je doucement, profitant du fait qu'helina ne soit pas là pour me faire un cours magistral sur ce tissu que je ne connais absolument pas. laissez moi mon cuir, mon jeans et mon coton lavable en machine, merci et au revoir.

je voyais à sa tête que mon idée de tenue, classique à mort, ne lui inspirait rien de bon. à quoi bon rivaliser, puisqu'il a une idée plus précise de ce que je vais devoir supporter toute une soirée. je ne comprenais rien à ses propositions. il a cru que j'allais me saper comme la galaxie de star wars ou bien ? j'ai pas envie de me faire pécho par un ewok. « j'suis pas super emballée par ce que tu proposes. j'préfère limite y aller juste avec ma brassière sous le blazer là. » avouais-je en riant doucement.

il relevait cependant une de mes craintes quant à la chemise à col mandarin. il était vrai que les risques de me faire appeler monsieur étaient plus élevés de cette manière. je soupirais avant de reposer le tissu où je l'avais trouvé. « c'est vraiment un bordel de se fringuer pour une soirée. » me désespérais-je.

il m'abandonnait quelques instants alors que je fulminais dans les allées pour trouver quelque chose à me foutre sur le dos. c'était long, et je déteste ça. je ne suis pas à l'aise dans ce genre de boutiques, parce que je suis plus du genre moins...vantarde dans mes goûts vestimentaires. puis je le vois revenir avec deux robes et un truc bizarre et blanc, qui n'est pas une robe mais qui n'est pas un tailleur non plus. j'étais interloquée et sceptique. « faut vraiment que j'enfile ces trois trucs ? parce qu'à choisir, c'est clairement le truc blanc qui triomphe. peut-être même que ça sera la tenue finale. » le laissais-je espérer, même si dans un sens, ça avait l'air intéressant, comme concept.

Ce mec est vraiment bizarre, mais je l'aime bien, malgré tout. Il a son univers bien à lui, à l'opposé du mien. Les courants littéraires romantiques et ce genre de conneries, je lui laisse volontiers, je préfère de loin mes bouquins d'art et de mécanique. Un rire ne pu se contenir plus longtemps. « Merde, on dirait que t'as bouffé trop de Shakespeare et de Molière mon pote, tu parles comme un dramaturge du dix-septième. » répondis-je simplement.

C'était moins chiant à l'époque. C'était Neela qui choisissait nos tenues et moi, j'avais juste à me pointer à la soirée, fringuée selon ses choix et à la faire kiffer quelques heures en public, avant de rentrer chez nous pour le reste des festivités plus privées. Depuis, j'avais choisi de ne plus me montrer à ce genre de soirée et je m'en portais terriblement bien. Mais quand tu sors avec une étudiante, tu retournes dans cet univers. Un léger rire amusé s'échappait d'entre mes lèvres. « Tu t'es déjà pointé dans une Gay Pride ? Ils cachent très peu de choses, des fois. » dis-je en me remémorant l'une des dernières où j'ai pu me rendre. En essayer trois ou souffrir une seule fois, le choix était vite fait. « Files moi le truc blanc, on verra après pour le reste. » répondis-je seulement en tendant la main pour récupérer cette fameuse tenue, pour aller l'essayer.

Dix minutes dans la cabine à essayer de comprendre comment ça marche avant de pouvoir ressembler à quelque chose. En sortant de là, je me plante devant le russe en attendant son avis. J'étais plutôt confortable, et c'était un bon point.

Lukas qui parle français, c'est un sketch. Le mec, on dirait un roumain qui te demande une pièce, mais en pire. J'éclate de rire dans la boutique, sous le regard choqué de la vendeuse, auprès de laquelle je m'excuse. « Qu'il en soit ainsi, cher ami. » répliquais-je dans un français plus compréhensible que le sien -ce qui est loin d'être compliqué-. Je souriais, amusée qu'il me parle de son unique Gay Pride new-yorkaise. « C'est vrai que les gays n'existent pas en Russie, c'est tonton Vlad qui l'a dit. » Bien qu'il y ait des marches des fiertés en Russie, c'est surtout un bon moyen de se retrouver en taule plutôt que de fêter ce qu'on est. Gay, lesbienne, bi, trans, gay-friendly, queer, même les hétéros participent quand ils sont ouverts d'esprit. « Peut-être que certains vont oser se pointer en mode Rocky Horror Picture Show, on sait pas. Ca m'ferait kiffer, d'ailleurs, ça rendrait la soirée plus intéressante. » plaisantais-je alors. J'ai pas forcément de bons souvenirs des bals que j'avais passés. Des bagarres où j'étais forcément mêlée, des retrouvailles inconfortables, ce genre de choses...mais avec le recul, ça animait ma fin d'année. Ca m'étonnerait que désormais, ça soit aussi animé pour mon cul, mais ça reste un vrai calvaire à passer.
Cette tenue, quand je me vois dans le miroir de la cabine, elle est pas si mal. Assez habillée pour ce genre de soirée, c'est pas une robe, puis avec les bons éléments, ça devrait passer. En sortant de la cabine, la réaction du russe me rassurait un peu. Et comme ça sera la tenue la plus cool que j'allais trouver ici et que j'ai pas envie d'y passer encore les trois quarts de ma journée, mon choix s'arrête là. « Et voilà ma super tenue du bal. Fini campagne, fais voir ce que t'as choisi. » dis-je en retournant dans la cabine pour retrouver une allure plus normale.