c'était un week-end difficile à digérer. j'avais besoin de souffler, et pourtant, je savais que mon répis allait être trop court, que mes pensées allaient encore se tourner des milliers de fois sur le sujet. les regrets, ça bouffe. yen était morte, et même si je la connaissais peu, ça me faisait chier, parce qu'on s'entendait bien, parce qu'on avait les mêmes délires, et qu'à deux, on arrivait à rendre mark dingue et à le faire rire de nos conneries.

je devais tout de même choisir une tenue pour le bal, parce que je dois accompagner helina, parce que je n'aurai pas aimé savoir qu'elle passe la soirée avec quelqu'un d'autre, tant pis pour les quatre années d'abstinence. et j'avais demandé à lukas, parce qu'il a bon goût quelques fois, de choisir avec moi, et ça allait le permettre de décrocher un peu de tout ça. pendant sa séance chez le psy, une nouvelle couche de merde s'est étalée devant moi, mais j'allais laisser ça de côté.

les boutiques, j'aime bien y aller quand je sais ce que je veux. y passer des plombes ça a le don de m'irriter copieusement. déjà que je ne suis pas emballée de me ramener à ce bal, parce que j'ai pas envie de croiser des regards de conquêtes, d'ex ou autres, si en plus le simple fait de me fringuer devient un casse-tête chinois, oubliez moi.
le jeune homme me demande quand même si je vais pas opter pour la robe, les paillettes et ce genre de conneries, ce à quoi je ne peux que rire. « tu crois vraiment que je vais rappliquer là-bas en mode barbie ? respecte moi un peu. » mon choix était arrêté. c'était pantalon, blazer ou rien.

le pauvre, si seulement il savait ce que je pensais du style de robe qu'il était en train de m'énumérer, il serait en train de se liquéfier sur place. « j'veux bien avoir joué le jeu des années trente et le côté audrey hepburn pour te faire kiffer, mais le kiffe romy schneider... très peu pour moi. » riais-je finalement, en me baladant dans les allées de vêtements, tous plus chers les uns que les autres, et dont l'apparence reste à revoir. qui porte encore des motifs panthère, sérieux ?

je ne savais pas exactement le genre de tenue que j'allais porter. j'avais juste une vague préférence pour quelque chose de classe, clair et dans lequel je n'aurai pas la sensation désagréable d'être au carnaval. « un froc près du corps, une veste de blazer assortie. dans les tons blancs, gris clair un truc du genre. j'veux que ça pète, mais pas qu'on m'appelle monsieur toute la soirée. » c'était plus ou moins clair, je crois. il restait à savoir quoi mettre sous ce fameux blazer. chemise que je laisserai trop ouverte, bustier... putain, quel casse-tête.

finalement, même s'il ne savait pas s'il allait venir ou non, il voulait que je l'aide à trouver une tenue, et un fin sourire se dessinait sur mes lippes. « bien sûr. t'y vas pas avec ton roméo ? » demandais-je tout de même, parce que ça me semblait étrange qui ne soit pas sûr de foutre un pied à cette soirée. « me laisse pas seule dans cette galère. j'serai avec helina, mais c'est l'angoisse pour moi ce genre de soirée. » le suppliais-je du regard, en souriant tout de même.

j'haussais les épaules quand il s'avouait déçu de mon refus de porter une robe pour son bon plaisir, mais déjà que l'idée m'enchantait peu au départ, y aller avec le handicap de la tenue en supplément était tout bonnement hors de question. « tu n'auras qu'à regarder ces photos encore et encore, ça calmera ta frustration. » répondis-je en souriant.

je n'avais pas d'idée fixe sur les couleurs, ni même sur l'uniformité entre le haut et le bas. je fouillais dans les allées pour avoir l'éclair de génie ou le coup de cœur vestimentaire. puis j'ai ri quand il m'a dit que je n'avais qu'à porter le blazer seul, sans rien en dessous. « permets-moi d'en douter, même là c'est pas dit qu'on m'appelle pas monsieur. » avouais-je en souriant. le second degré ça le connaît.

je l'écoutais parler de neal, et je tombais des nues. qu'ils ne pratiquent pas l'exclusivité, c'était un fait qui, malgré que je trouve ça stupide, ne me regardait pas plus que ça. mais d'entendre qu'il partageait le mec qu'il aime avec un autre, ça m'exaspère. je soupire, assez fort pour qu'il l'entende. « faut que tu m'expliques pourquoi tu t'infliges encore ça. qu'il s'envoie en l'air avec des gens, c'est déjà moyen. mais là il est carrément avec un autre en plus de toi ? » demandais-je en sachant très bien ce qu'il allait sûrement me dire. qu'il l'aime, qu'il veut pas le perdre, tout ça. bullshit.

je soupirais une nouvelle fois quand il me proposait d'essayer une robe. s'il faut subir ça pour pas se retrouver seule dans la foule universitaire, qu'il en soit ainsi. « ok, mais compte pas sur moi pour l'acheter. »

le problème de féminité chez moi se limite à ma poitrine peu voluptueuse. pour le reste, je me débrouille avec ce que j'ai. mais c'est frustrant d'avoir si peu de seins, qu'à l'instant où je fous mon cuir à l'effigie des Riding Dead, les cheveux peignés en arrière pour que le casque ne vienne pas foutre en l'air cet art capillaire qui me va si bien, une personne m'accoste sous le magnifique surnom "jeune homme". « tout un art de maximiser ton oppullente poitrine, mon pote. on croirait presque que c'est ta seconde nature. » me moquais-je en secouant doucement la tête de gauche à droite.

ses histoires bizarres avec neal, même si j'avais envie de le secouer une fois de plus, ne me regardaient finalement pas plus que ça. comme j'avais expliqué au roméo le jour de l'anniversaire de lukas, je n'étais personne pour prendre parti, ni pour inciter la rupture nette et directe des jeunes hommes, qui se complaisent de cette situation. je soupire, mais c'est leur vie. « c'est votre vie. j'en pense pas forcément du bien dans l'état actuel, mais comme j'ai dit à neal, j'suis personne pour te dicter quoi faire. j'me contenterai d'être là le jour où ça merde, ou si ça marche. » pour la première fois de ma vie, je suis résignée. j'ai pas la force de rentrer dans un énième combat.

essayer une robe. encore une formidable idée. j'vais me sentir comme shane mccutcheon dans the l word, avec sa robe et ses baskets. la joie, en toute ironie, s'empare de moi. « tant que t'immortalise pas le désastre...» dis-je doucement, avant de tomber sur le blazer parfait. un somptueux mélange de blanc et de gris clair, ni ivoire, ni argenté, juste parfait. je le sors de ton rayon, avec un vaste sourire. « trouve moi quelque chose qui ira parfaitement avec ça. » dis-je en tenant fièrement ce petit bijou de tissu.

j'arrivais enfin un peu à décrocher de toutes ces choses qui parasitaient mon esprit en arrivant. loin de moi l'idée de ne plus penser à ce qui avait bien pu se passer ces derniers jours, parce que ça restait toujours là, dans un coin. mais je décrochais, j'arrivais à m'amuser un peu plus sereinement. l'image de lukas avec des oranges ou des chaussettes dans le soutien-gorge d'une de ses colocataires, c'est certainement la plus belle image comique que je puisse imaginer aujourd'hui. « la dentelle te va sans doute à ravir, princesse lukas. » me moquais-je allègrement.

j'ai jamais su comment il faisait pour gérer cette relation qu'il entretient avec neal qui entretient des relations avec d'autres. je ne veux que son bien, mais je ne peux rien faire pour le convaincre que le bien est loin de ce qu'il vit actuellement. lukas c'est le genre de mec qui a besoin de stabilité, d'exclusivité, d'amour, et là, les trois ne sont pas étroitement reliés. l'amour c'est beau, mais ça ne fait pas tout. j'haussais les épaules à sa désolation. après tout, c'est son choix, sa vie et son histoire. les conseils, il les prend ou les jette à sa guise, je ne peux rien imposer.

les robes, c'est ma pire hantise. devoir en porter une, même pour le simple fait de l'essayer, c'est un calvaire. si j'abdique, c'est que j'ai qu'une envie, c'est de me barrer d'ici avec une tenue convenable pour ce bal et ciao. je roulais des yeux quand il me dit qu'il ne peut pas s'empêcher de prendre une photo dans ce genre de tenue, parce que je sais qu'un jour, ça sortira, et j'ai pas spécialement envie. « me sors pas une robe de princesse ou un truc à paillettes, parce que j'te la fais bouffer. » dis-je en râlant, ne cachant pas le moins du monde ma frustration. en regardant encore un peu mieux ce blazer, j'approuvais d'un signe de tête son avis. quelque chose de plus foncé et près du corps. je cherchais de mon côté, avant qu'il ne me montre trois hauts. grimaçant légèrement à la vue de ces trois tissus, je sortais une chemise à col mandarin blanche. « j'serai plus partie sur un truc dans ce genre, avec un pantalon noir. ça reste classique, mais c'est moins tape à l'oeil que...ça. » dis-je en riant, en montrant ce qu'il m'avait dégoté.