Ellie a l'impression d'avoir passé sa journée à courir. Il est dix-sept heures, et depuis que son alarme s'est déclenchée à six heures et demi, elle n'a pas arrêté. Petit-déjeûner, séance de sport, consultations toute la matinée, à peine une demi-heure pour manger, entretiens en début d'après-midi, puis conférence avec les étudiants... son cerveau est prêt à exploser pour cause de trop plein d'informations. Bye, ciao ! Mais elle a encore de l'administratif a géré et sa nature dynamique prend le dessus. Tu tires sur la corde, ma vieille. En montant dans son bureau à Harvard, elle passe devant celui de Markus et l'aperçoit par l'entrouverture de la porte. Et hop, juste comme ça, ses impératifs sont repoussés à plus tard. Elle redescend vers le Starbucks et revient quelques minutes plus tard avec deux gobelets. Elle frappe mais n'attend pas la réponse pour pousser la porte et entrer dans le bureau de son collègue/ami/homme qu'elle mettrait bien dans son lit.

"Salut ! J'espère que je ne te dérange pas, je viens en paix et avec une offrande !" Elle pose les deux cafés sur le bureau avant de s'avachir dans le fauteuil en face de Markus, la tête dans les mains. "Je suis é-pui-sée." Au bas mot. Elle aurait besoin de trois cafés pour se remettre d'aplomb. Ou peut-être d'une bonne nuit de sommeil, mais ce n'est pas son fort. Les journées sont trop courtes si on dort jusqu'à pas d'heure - au-delà de huit heures, en langage Ellie.

time to chill

Yeah, here we go for the hundredth time. Hand grenade pins in every line.Throw 'em up and let. something shine. Going out of my fucking mind. Filthy mouth, no excuse. Find a new place to hang this noose. String me up from atop these roofs. Knot it tight so I won't get loose
w/@Elizabeth Sutherland

Mon humeur de chien commençait doucement à s'améliorer... Il était temps, nous étions quand même en fin de semaine. La gueule de bois de mes élèves s'effaçaient doucement et leurs attentions revenaient. Mieux vaut tard que jamais...

Je n'étais pas très pressé de rentrer à la maison. C'était différent depuis qu'elle était partie et j'avais encore du mal à m'y faire. Alors à la place, je bossais dans mon bureau directement à l'université. PC portable dans un coin, enceinte connectée qui crachait la musique à un volume assez raisonnable pour ne pas me faire emmerder, livres d'astrophysique de l'autre côté et tableau derrière moi pour faire les calculs si nécessaire.

Cela faisait depuis quelques semaines que j'étais sur le mémoire de mes élèves. Lisant, leur donnant des pistes de corrections afin de les pousser à trouver la solution par eux même. Les thèmes étaient variés mais j'étais un peu déçu de ne pas voir que l'un d'entre eux s'étaient lancés dans les trous noirs.

Debout, le feutre à la main devant le tableau et clope aux lèvres, j'entendis la porte s'ouvrir derrière moi accompagné d'une odeur de café. Me retournant, je levais un sourcil en voyant Beth s'installer dans le fauteuil.

C'est gentil de penser aux collègues.

Attrapant le café dans une café, coinçant la clope dans l'autre avant de boire une gorgée.

Toi aussi tes petits cons te font chier...?

Ca sent la cigarette dans le bureau de Markus, mais elle aime l'ambiance. Mi-prof sérieux, mi-mec relax. Et surtout, Markus est un homme de son âge et pas un étudiant, ce qui à ce moment précis le place dans le top 3 des rencontres de la journée.

"Ah le spring break ça les détend un peu trop si tu veux mon avis, parler à des gens qui s'endorment en m'écoutant ça m'a jamais fait plaisir !" Grinçante. Ellie aime capter l'attention de son auditoire et aujourd'hui, elle n'est pas tout à fait satisfaite. Voire même pas du tout. Elle désigne d'un signe de tête le paquet de clopes de Markus sur le bureau. "Je peux ? J'ai arrêté depuis un moment mais là, j'en prendrais bien une. Et je rêve d'un verre... non, d'une bouteille même." Elle dit en riant. En vérité, elle aurait bien besoin de se détendre. A New-York, après une journée difficile, elle passait un coup de fil et elle sortait en ville. Ici, elle n'a pas encore fait beaucoup de rencontres et parfois, ça la démoralise.

"Enfin bref, j'en conclue que ta journée n'a pas été de tout repos non plus ?" Elle est toujours calée dans le fauteuil, le dos contre l'accoudoir droit, les jambes posées sur le gauche. Elle n'a pas peur de se mettre à l'aise.

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Je n'avais pas le droit de fumer dans l'enceinte de l'école normalement. Mais vu que je ne le faisais qu'à l'extérieur ou dans mon bureau que j'aérais ensuite, c'était plus ou moins toléré. Jusqu'à ce que l'une de ces balances viennent se plaindre et me casser les couilles.

Je dégage les miens au fur et à mesure qu'ils posent trois fois la même question dans la même heure. Quoique ça s'améliore au fils de la semaine. Lundi, j'ai terminé avec plus que dix élèves. Ce soir, on a fini à quarante cinq.

Soufflant la fumée en direction de la fenêtre avant d'acquiescer à sa question. Plongeant la main dans ma poche, je sortais le briquet avant de le lancer dans sa direction.

Sers toi. J'ai pas d'alcool par contre. Pas ici !

J'avais plutôt une bonne descendante mais je faisais ça dans des bonnes conditions. Ce qui sous-entendait pas dans un endroit où l'alcool pouvait me faire perdre mon job. Reprenant une gorgée de café, je terminais le calcul que j'étais en train de faire avant de reboucher le stylo et de le jeter sur le bureau.

La semaine s'améliore de jour en jour.

M'installant à nouveau sur mon fauteuil avant d'écraser la cigarette dans le cendrier.

Vous avez envie de parler, Madame la psy ?

Je vous écoute. Prenant une feuille sur le bureau et un stylo avant de mimer le job tel que je l'imaginais le faire.

Ellie attrape une cigarette dans le paquet et la porte à sa bouche avant de l'allumer. Elle recrache la fumée avec un soupir de détente. "Même pas une petite bouteille qui traîne ? Je suis déçue..." Elle imaginait Markus gardant une bouteille dans un de ses tiroirs - comme dans les films.

Elle éclate de rire en le voyant attraper de quoi prendre des notes à son sujet. "J'aimerais bien te voir faire mon job, tiens !" Elle se lève du fauteuil et pose ses mains à plat sur le bureau. "Mais si tu veux me faire parler, ce sera devant un verre. Tu connais un bar sympa dans le coin ?" Non, elle ne lâchera pas l'affaire. Et puis c'est vrai qu'elle a besoin de vider son sac, et elle sait que l'alcool aidera les mots à sortir plus facilement. L'adage les médecins font les pires patients est valable aussi pour les psys. Bonus : elle sera en bonne compagnie. Elle tire encore sur la cigarette et retient une légère quinte de toux. Bon, reprendre, ce n'est pas une bonne idée. "Non pas que je veuille te corrompre bien sur !" Elle lui lance un petit clin d'oeil amusé. Deuxième bonus : elle verra bien s'il est également intéressé par elle. Elle finit son gobelet de café et le jette dans la poubelle, prête à partir s'il le veut bien.

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C'est vraiment l'impression que je donne ?

D'avoir une bouteille cachée dans une armoire histoire de prendre une petite gorgée lorsque ça n'allait vraiment pas...? Non ce n'était pas le genre de la maison. Si j'avais besoin d'alcool, ce n'était pas une petite lampée qui allait me faire aller mieux. Mais encore une fois, l'image qu'avait les autres de moi m'importait guère.

Un sourire se dessina sur mon visage lorsqu'elle éclata de rire. En effet, moi en psy, c'était probablement quelque chose. Je détestais entendre les gens se plaindre sans agir sur leurs problèmes. Tournant le poignet avant de lire l'heure, je me mis à réfléchir. J'étais encore nouveau sur Boston et j'avais mes habitudes donc les nouveaux lieux...

Le Paint Bar doit être ouvert à cette heure...

L'entendant tousser, je levais un sourcil avant de la taquiner.

C'est un peu trop fort pour toi ?

Me mettant à ricaner avant de fermer l'ordinateur portable et de rassembler mes affaires pour finalement fourrer le tout dans mon sac. Continuant de boire mon café, je pris en photo le tableau avant de ranger mon téléphone dans ma poche. Enfilant ma veste en cuir avec le cut du club par dessus, je tendis le bras pour attraper mon casque. Mettant la bandoulière autour de moi, j'ouvris la porte pour la laisser passer.

Tu vois où c'est ?

Fermant finalement la porte du bureau derrière elle.

"Alléluia, nous voilà sauvés !" Ellie joint les mains en signe de prière en levant la tête vers le ciel. Pas croyante pour un sou, mais au pire elle finira en enfer. Elle se demande si elle n'a pas l'air un peu alcoolique, en instant comme ça pour aller plus ou moins se saouler, mais Markus n'a pas l'air d'être le genre à porter un jugement sur autrui. Et de toutes manières, elle a déjà été plus ridicule que ça et n'en est pas morte. Elle tire la langue à Markus quand il lui fait une réflexion, réaction enfantine. Quadragénaire oui, mais vieille, jamais. "Oh ça va, ça fait des années depuis ma dernière !"

Ils sortent ensemble du bureau, sa fin de journée vient de devenir beaucoup plus intéressante que prévu. Au diable les papiers qui l'attendent sagement empilés dans son bureau, ils seront toujours là demain. Elle s'en voudra sûrement en rentrant, elle qui n'est pas du genre à procrastiner, mais elle estime en avoir assez fait pour la journée. "Non pas du tout, je me laisse guider ! J'espère que ton sens de l'orientation est meilleur que le mien." En ce qui concerne Ellie, Dieu bénisse les GPS. Elle se plante devant lui, les mains sur les hanches.

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J'aimais bien le Paint Bar, même si mettre les pieds là bas allait probablement me rappeler des souvenirs certes agréable mais à la fois douloureux dans le processus de deuil que j'avais entamé. Mais il ne fallait pas que la vie s’arrête pour autant, non ? Je ne dessinais pratiquement plus depuis qu'elle était partie et je trouvais ça dommage.

J'étais mal placé pour faire la morale aux gens qui n'était pas de ma famille. J'avais déjà assez à faire avec mes gamins pour m'amuser à reprendre les autres en prime.

Si tu as arrêté, pourquoi tu t'y remets ? Tu sais à quel point c'est une saloperie...

Mais une habitude que je ne perdrais pour rien au moment malgré les grognements de mes proches. Le pire dans tout cela est que j'avais des poumons de jeune homme - ou presque - alors que Yen était foutue d'avoir un cancer du poumon sans jamais avoir touché une clope de sa vie... Si c'était pas mal foutu quand même.

J'ai pas à me plaindre.

Ricanant légèrement en descendant avec elle jusqu'au parking. Montant sur ma moto, j'enfile mon casque et mes gants avant de la regarder alors qu'elle a les mains sur les hanches. Roulant des yeux, je décrochais le deuxième casque avant de lui tendre.

C'est bon, j'ai compris. Grimpe.