Night Call ★ Théodora & Ian
@Theodora E. Suarez
Trois semaines après l’accident du métro et j'étais prompt à reprendre du service, de nouveau sur les rangs et c’était ce soir que je refaisais mes classes aux cotés de vétérans. « Pour mon bien » j'allais me mêler aux professionnels, dixit le capitaine. Ce furent les mots qu’il a prononcés lorsque je me suis tantôt présenté, un certificat en main pour attester de mes capacités. Ce que j’en pense…. Une seule chose me fait garder le moral : Théo sera de l’équipe ce soir. Au moins un visage familier.


21h, l’heure de la prise de garde. La caserne est comme d’habitude en proie à un dérangeant silence, le calme avant la tempête. Seul Briggs qui faisait les cents pas s’est finalement décidé à faire les TIG que beaucoup ont délibérément mis de côté. Il faut dire qu’entre professionnels et volontaires, une petite guerre a éclaté.  Beaucoup des anciens qui composent cette brigade ont décrété avoir plus de droits que ceux qui n'ont fait de cette passion leur métier, ce qui est mon cas. Autant dire que certains regards ne sont pas particulièrement bienveillants à mon égard ce soir. Je suis encore une fois… la bête noire.
Au petit comité qui s’est regroupé dans la salle de détente j’ai préféré me joindre au sergent qui s’affaire sur les véhicules de secours.  A peine un pied à l’intérieur du hangar que je l’aperçois en train de replier les couvertures ignifuges dans l’une des fourgonnettes. " Hey Briggs. "  Le sergent à la peau mate s’est retourné pour me gratifier d’un large sourire. Lui ne fait pas dans le semblant, il est l’un des rares à savoir par quoi les petites minorités doivent passer pour se faire respecter. Il n'est pas très causant comme gars et a appris à se méfier mais lorsqu'il vous accorde sa confiance, ce n'est que parce que vous la mériter. Il saute de l'habitacle pour venir me saluer en m'empoignant par le bras, un geste amical entre nous deux. " Comme au bon vieux temps  " Sauf que lui est devenu un professionnel entretemps. " Tu t'aies bien amoché il pawait. " Pas plus que d'autres mais heureusement que Théo était là ce jour là pour nous sortir du wagon. Inconsciemment ma main est venue caresser la base de mon crâne où le cuir chevelu dissimule encore les cicatrices. Soudainement Briggs redresse la tête vers le corridor à la façon d'un animal en alerte: deux silhouettes bedonnantes fendaient l'éclairage.  " Fallait pas t'en occuper Briggs, les bénévoles sont là pour çà." La phrase à ne surtout pas dire, pas devant moi. Mais c'était purement intentionnel et les deux n'attendaient qu'une seule chose: que je réplique ouvertement. J'ai donc continué à préparer mes affaires pendant qu'ils se rapprochaient, rongeant mon frein jusqu'à ressentir l'odeur acre du cigare imprégné dans ses vêtements. Il s'est placé juste à coté pour lui aussi se préparer, ne sachant plus vraiment par quoi commencer faute d'être appelé rarement sur le terrain. En témoignent d'ailleurs son manque d'agilité et les nombreux bourrelets que l'on peut dénombrer juste en le regardant. Il n'est plus que l'ombre de l'homme qu'il a été il y a bien longtemps. Mon paquetage terminé, je l'embarque, entrainant malencontreusement le sien dans le mouvement pour le faire chuter à terre sous son regard déconfit. Puis d'une douceur rassurante dans ma voix, je l'ai toisé: " Du mal à te baisser peut-être?  " Il crache aussitôt une insulte alors que je lui fais front mais Briggs de nouveau se dresse, le regard alerte. Quelqu'un d'autre vient de se joindre à notre petit comité.

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Night Call ★ Théodora & Ian
@Theodora E. Suarez
« Dites, vous ne voulez pas allez faire les gamins de cinq ans plus loin ? » Inutile de me retourner. Je la connais cette voix et le regard adouci de celui que je toisais confirme que son charme a opéré. Ses pas se sont faits légers malgré le poids de nos rangers mais le bruit sourd de ses semelles a trahi son approche. Elle a fini par arriver à mon niveau lorsque j’ai braqué la tête dans sa direction et accueilli son bonjour avec surprise … Pas de preuve d’affection devant les autres voyons… Elle vient de me mettre dans une situation embarrassante mais l’inconfort, je le sais, ne sera que passager. C’est que moi, j’ai une réput’ de gros dur à préserver alors pas trop de familiarités.« Café ? Après t’en fais ce que tu veux ! » Un regard en coin vers mon rival et j’avoue qu’une idée puérile a germé mais je préfère de loin en arriver aux mains que de gâcher la marchandise. J’accepte alors volontiers son présent et l'empoigne fermement, accuse la chaleur du gobelet d’un plissement de paupières particulier. « Sergent, un café ? » Non je n’y crois pas… « Suce Bo… » Mes murmures se sont perdus dans un sourire collé contre le bord du gobelet, le regard fuyant vers elle qui lui tend le petit pot de vin à l’arôme corsé. Naturellement il l’a accepté en la remerciant de sa lèvre supérieure retroussée, un cadeau qui lui vaudra encore quelques sourires lors de son prochain entretien professionnel. Bien joué. « Tu ne m’avais pas dit que tu reprenais aujourd’hui andouille. » Je n’ai percuté que cinq secondes après, réalisant que c’était à moi qu’elle venait de s’adresser, bullant encore dans l’amertume de cette boisson. Hum ? « Tu ne le savais pas?  » Et pourtant elle avait un gobelet pour moi? L'air soupçonneux je suis resté les yeux rivés sur la surface encore tiède avant de m'esclaffer vers l'enrobé, moqueur une nouvelle fois. « Ah c'était l'tien p't'etre. Tu l'veux ?» Bien évidemment il refusera catégoriquement de récupérer ce que j'ai touché mais l'affront sera difficile à digérer. Les deux repartent alors dans la salle de repos sans dire de mot.

Enfin débarrassé des deux abrutis, j’ai pris mes aises en m’asseyant sur l’une des tables où nous avions pour habitude de disposer le matériel. Une jambe ballante dans le vide, l’autre a moitié posée sur le plan de travail, ma paume a abandonné le gobelet sur le coté pour venir malaxer un muscle endolori au travers du textile. « J’espère que ce ne sera pas trop calme, j’ai bien envie de le voir grimper à l’échelle. » Ma tête en un oscillement à peine perceptible s'est balancée vers un point fixe pour désigner l’autre con bien évidemment. Mais ce n'est pas à moi de choisir qui ira risquer sa vie, je ne fais que suivre les directives.

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