2020, c'était censé être une nouvelle année, un nouveau départ. une chance de pas refaire les mêmes erreurs, de tout recommencer mais en mieux. sauf que ça, je ne sais pas faire. et même avec toute la volonté du monde, je me vois refaire encore et encore les mêmes conneries. ne plus retomber amoureuse : refait ! ne plus avouer ses sentiments : refait ! essayer d'avoir un comportement mature et adulte : loupé ! se battre pour ce qu'on veut et ne pas se lasser distraire par ce qui se passe autour : F A I L ! je me fatigue toute seule à me foutre des bâtons dans les roues en permanence. alors ce soir c'est un peu le moral sous la semelle que je vais prendre mon tour de garde. plus que trois jours et après je serais en période de révision pour cette fameuse certification qui me fait de plus en plus peur.. j'ai été sélectionné - je ne sais toujours pas comment - pour passer un examen qui pourrait m'ouvrir les portes d'un stage d'été avec un des meilleurs chirurgiens cardiaque de la profession. stage d'été qui peut aussi se terminer par un poste dans son hôpital. seul hic ? c'est à Paris et je suis clairement pas prête à quitter la coloc, gaga et mikke.. j'ai jamais été séparé de lui autant de temps et aussi loin et je ne sais pas si j'ai envie de l'expérimenter.. alors je pense en ce moment, je cogite en permanence et je pèse le pour et le contre. une fois dans les locaux de l'hôpital, j'essaie de me concentrer sur mon boulot et je commence la tournée des urgences avant de monter en cardio. on me dit que j'ai ma première patiente dans le box 3. je me lave les mains, attrape le calepin des enregistrements et j'entre dans le box sans te regarder. « bonjour, je suis le docteur Kennedy, je vais m'occuper de vous » je pose le cahier sur le bureau et je lève enfin les yeux vers toi. « je vais prendre votre nom et.. » je reste bloquée. « votre prénom » pas la peine. Luna Moon. comment je pourrais t'oublier ? je crois que je suis en train de me décomposer. je passe par plusieurs émotions, statique, les membres sans vie. 2020.. le karma est une chienne..

troisième malaise sur la même semaine. toujours au travail. le corps qui déraille d'un coup, les bouffées de chaleur et les jambes qui se dérobent soudainement. luna qui reprend conscience quelques minutes plus tard mais qui laisse une aura d'affolement autour d'elle. pourtant, elle assure qu'elle va bien, que c'est probablement la fatigue qui lui joue des tours, que ça passera. stella qui proteste. stella qui refuse de minimiser quoi que ce soit et qui finit par la conduire aux urgences. elle aime pas ça luna. les gens partout autour d'elle, ceux qui la regarde travers. tousse légèrement, mouvement de recul des autres. j'ai pas le coronavirus ça va. elle s'agace jolie luna, en a marre du racisme ambiant qui se prononce toujours plus. à croire qu'être asiatique était désormais la pire chose au monde. et elle soupire, remercie stella qui s'éclipse pour retourner à l'agence, luna qui plonge ses écouteurs dans ses oreilles, se coupe du monde. les heures qui défilent, temps infini comme bien souvent, les urgences prise d'assaut et la brune qui se demande des millions de fois si elle ne ferait pas mieux de partir. luna moon ? sursaute d'un coup, le téléphone qu'elle range rapidement dans son sac, se lève pour suivre la blouse blanche, questions banales qu'on lui pose avant de la laisser dans le box, allongée sur un lit. ferme les yeux quelques secondes, s'impatiente sûrement trop et finalement, quelqu'un qui entre dans la pièce. c'est son coeur qui s'arrête soudainement, le visage qu'elle ne connaît que trop bien. putain, non. tout mais pas ça. douleur qui survient au son de sa voix et l'envie de disparaître soudainement. luna, elle se redresse soudainement, ses pieds qui retrouvent le sol, sa main qui se rattrape au lit quand elle constate que ça tourne de nouveau un peu trop vite là-haut. ça va mieux, j'ai pas besoin qu'on m'aide surtout pas toi.

je me plonge dans le boulot, dans mes études pour oublier que parfois, j'ai juste envie de prendre le large. cette histoire de sextape, ces dernières semaines un peu compliqués.. beaucoup de chose qui me donne envie de bouger, ou tout simplement me donner les moyens d'aller à paris. si je réussis ce test, j'ai la possibilité de partir et de devenir qui je veux. même si le nom de kennedy me suivra jusqu'à la fin de ma vie, même si les désagréments que les tabloïds causent ne s'effaceront jamais, je sais que la bas, je pourrais être une toute nouvelle Hope Kennedy et je crois que c'est ce dont j'ai besoin en ce moment. j'arrive à l'hôpital assez contente finalement. au début je rasais les murs parce qu'avec cette histoire de sextape, j'étais pas à l'aise. maintenant, je me dis que j'ai plus aucun pouvoir sur ce que les gens ont vu alors bon.. j'enfile ma blouse et je commence ma tournée des patients des urgences. box 3, j'aurais du regarder à qui j'avais affaire avant d'entrer. c'est quand je lève les yeux et que je les pose sur toi que je sens que mon coeur rate un battement et que mes muscles se figent. Luna Moon. souvenir d'une des plus belle année de ma vie et en même temps la plus douloureuse. dualité persistante, coeur qui balance, qui s'accélère. fille de la lune qui aura été mon rayon de soleil. je te vois sauter sur tes pieds en m'assurant que ça va mieux mais je te vois bien te rattraper au lit. je fais un pas vers toi et je me stope direct. et si tu voulais pas que je sois trop proche de toi ? 6 ans d'absence, ça prouve assez bien que tu voulais pas de moi dans ta vie.. « je pense que si » je me mords la lèvre et je te fais signe de t'assoir sur le lit. je sais pas comment je dois me comporter et je me sens mal. j'aime pas cette situation. troisième fois que ça m'arrive. je me suis dernièrement retrouvée à soigner dimitri après notre rupture, puis Andrew alors que ça faisait plus d'un an qu'on se faisait la guerre. « écoute Lu.. Luna pardon » comme quoi même après 6 ans, les vieux surnoms ont la vie durs. « on peut faire comme si on se connaissait pas si ça te mets plus à l'aise. » même si c'est compliqué de faire comme si on ne s'était jamais vu avant aujourd'hui. parce que moi je me souviens de tout, même 6 ans après. « on est que deux médecins. l'autre est un interne incompétent ou il y a moi. » et tu sais que j'ai toujours été doué en médecine, c'est même toi qui m'a poussé à continuer quand je pensais à abandonner pour faire plaisir à ma mère. tu vois, j'ai pas cédé à tout ses caprices..

surtout pas toi. elle aurait pu répéter cette phrase en boucle qu’elle l’aurait fait. parce que hope kennedy était sans conteste la dernière personne qu’elle avait envie de croiser sur la planète. étrange comme l’on pouvait penser qu’une histoire était totalement derrière soit et pourtant ressentir encore la douleur quand les souvenirs refaisant surface. six ans. six ans ou presque et pourtant, le face à face gardait un goût amer. tant pis pour les symptômes, la tête qui tourne et tout ce qui clochait en ce moment, l’envie de se retrouver une seconde de plus avec toi dans cette pièce lui semblait impossible. peut être parce que de premier amour tu étais devenue la pire déception. peut être parce qu’elle avait jamais eu aussi mal qu’à cause de toi. y avait dans le fond des milliers de raisons au pourquoi du comment elle ne voulait pas être en ta présence. six ans de temps ça n’effaçait rien. ni l’aversion, ni la peine. oh si tu savais comme elle s’en fout. de ce que tu penses, de ce que tu veux. c’est toi le problème, t’en as toujours été un dans le fond. mais elle connait aussi ses limites et ses capacités, obtempère à s’assoir préférant cette torture que celle de s’écraser une nouvelle fois au sol. ce qui me mettrait à l’aise ce serait de réellement pas te connaître. oublier une bonne fois pour toute l’histoire. oublier tes sourires, tes promesses jamais tenues et toutes tes fautes. j’peux te citer tes incompétences. et c’était peut être pas le moment d’être amère, probablement que l’on pourrait penser qu’il y avait prescription mais luna, sa rancune était tenace. t’as rien que jamais dit que t’étais désolée. probablement parce que tu l’étais pas. grande kennedy qui se fout des autres.

honnêtement ? j'avais pas besoin de ça en plus.. pas besoin de retrouver une douleur de mon passé. la manière dont on s'est dit au revoir il y a 6 ans suffisait à me procurer toute la peine du monde. largué par sa copine, une gifle en pleine figure, un coup de poignard en plein coeur et tout ça à cause de moi et de l'amour aveugle que j'avais pour ma mère. cette même mère qui à présent me fait le plus de mal, me voue une haine sans nom et qui à décidé de mener une bataille qui se terminera par la fin de l'une de nous deux. entre ça, la relation tumultueuse et destructrice que je vis avec mikke, la douleur de voir la haine que dimitri éprouve à mon égard et mon problème d'addiction.. c'était pas le moment. tu sembles tout aussi troublée de me revoir. pas la peine de te demander si tu m'en veux toujours pour le savoir. tes premiers mots veulent tout dire. je voudrais te dire maintenant que les choses ont changés, que j'ai changé mais j'ai franchement pas la force. « bah malheureusement ça c'est pas possible. désolée de ne pas avoir disparu de ta vie et de ton passé aussi. » ça sonne comme une reproche. t'en fais pas si tout se passe bien, je vais peut-être quitter le pays et tu ne me reverras jamais. « je suis pas là pour les entendre et t'es pas là pour les citer. pas ce genre d'incompétence. . » ici je suis pas hope ton ex, je suis le docteur Kennedy. je m'approche de toi, le visage fermé et j'attrape ton avant bras pour prendre ton pouls. contact de ta peau qui me déclenche immédiatement un frisson. j'suis à deux doigts de lâcher ta main pour faire un mouvement de recule mais je me retiens. c'est plus dur que je ne le pensais d'entrer à nouveau en contact avec ta peau. « t'as des vertiges depuis combien de temps ? » j'ignore volontairement ce que tu viens de me dire. je sais que je te dois des excuses. mais pas ici. pas comme ça. tu mérite mieux qu'un pauvre pardon donné parce que tu en as parlé, entre une prise de pouls et de tension.

et ça passait pas pour luna. ni l’irrespect constant, ni le manque d’excuses. quoi que dans le fond, tu pourrais lui hurler que t’étais désolée que ça ne changerait probablement pas grand chose. elle croyait plus ni en toi ni en tes mots. trop souvent berner par les mensonges et le double jeu que tu avais pu jouer. alors ouais, tant pis dans le fond. t’excuses pas. ça n’aurait aucune valeur si tu le faisais. elle est tendue luna. elle a envie de partir en courant et prétexter que tout va bien. elle voudrait être n’importe où au monde hormis là. ton parfum qui embaume la pièce lui soulève le coeur. lui rappelle à chaque seconde à quel point tu as pu lui faire du mal. putain ce qu’elle te déteste luna. j’peux y aller c’est bon ? voix sarcastique qui claque dans l’air un peu trop violemment. elle a pas envie de se laisser prendre dans cette joute verbale. pas envie de lui claquer sa haine au visage. luna, elle veut juste ne plus jamais t’accorder de l’importance. te montrer que six ans après, tu ne représentes rien de plus que l’insignifiance. et je préfère être examinée par un incompétent plutôt que par toi. parce que y a rien de pire qu’être proche de toi. y a rien de pire que de sentir tes mains sur elle. réprime un haut le coeur quand son poignet finit entre tes mains, les yeux qui dérivent sur le côté pour ne pas avoir à te regarder. elle déteste ça, le contact, ton contact. sûrement parce que les réactions qui en émanent prouvent à quel point elle est loin d’avoir tourné la page. une semaine elle souffle, sa main libre accroché au bord du lit, l’impression que si elle en avait la force, elle aurait déjà réduit le matelas en bouillit. c’est le troisième ou quatrième malaise cette semaine. mais je travaille juste trop, c’est rien douce luna qui se donne son propre diagnostic pour faire tourner l’entrevue au plus court.

j'ai envie de rester professionnelle. en même temps c'est compliqué quand la patiente n'est autre que mon ex, pas vue depuis 6 ans et qui s'avère m'avoir quitté en pleure et par une énorme gifle amplement méritée. j'ai fais des choses dont je ne suis clairement pas fière du tout, je t'ai fais un mal dont je n'avais même pas conscience à l'époque et que je ne mesure encore toujours pas. je me contente de faire mon boulot, aussi bien que possible malgré le côté perturbant de la situation. 6 ans loin de toi et là et maintenant si près.. « non. je fois te faire une prise de sang. » tu me balance à la gueule que tu préfères un médecin incompétent que moi. ça fait mal. « sérieux ? tu préfères un mauvais médecin qui te laisse repartir alors que quelque chose ne va pas que moi ? » je me mords la lèvre. j'encaisse. je m'éloigne pour me laver les mains et préparer ce qu'il faut pour la prise de sang avant de revenir vers toi. « une semaine ok. et tu ressens quelque chose de particulier avant de faire ton malaise ? » tu me dis que c'est le quatrième. je prends note sur une feuille avant de mettre le garrot autour de ton bras et je préparer l'aiguille. « c'est peut-être du surmenage, faudrait penser à prendre un peu de repos si c'est le cas. dans le doute je vais faire un bilan complet, pour être sur que ce soit pas plus. » je regarde ton visage avant d'enfoncer l'aiguille doucement dans ta peau et de laisser le sang remplir le petit tube. je suis douce dans mes gestes, j'ai l'habitude, c'est pas douloureux, ni hésitant.

et elle se fichait de ne pas être consciencieuse à cet instant précis. de minimiser son état juste pour pouvoir fuir. c’était légitime. elle était légitime. et comment pourrait-elle ne pas l’être quand elle se retrouvait face à toi ? certains pourraient penser que six ans suffisait à effacer les déboires et les peine. qu’il était plus aisée de classer l’histoire à l’ordre du passé et c’était honnêtement ce qu’elle s’était convaincue avoir fait jusqu’à maintenant. puis le face à face était tombée faisant remonter à la surface des milliers de choses qu’elle aurait préférée garder enfoui. parce qu’elle n’avait plus ni le temps ni la patience de continuer à t’affronter. t’avais être pendant six ans une ombre juste derrière elle qu’elle s’était efforcée de faire disparaître juste pour que tu lui exploses désormais au visage. oui. catégorique dans sa réponse quand elle repose les yeux sur toi. oh, elle préférait largement l’incompétence à la douleur de t’avoir sous les yeux. et tu pouvais autant que tu le voulais essayer de la faire changer d’avis, elle détestait chaque seconde passé près de toi. t’étais peut être pas consciente de tout ce que tu avais engendré et sûrement même que tu avais tendance à penser qu’elle pouvait passer au dessus mais c’était loin d’être le cas. mh. la tête qui tourne ? c’était à peu près tout. l’impression que le monde commençait à tourner un peu trop vite avant de s’effondrer au sol. j’ai pas le temps. pour du repos ou autre connerie. si elle espérait évoluer un jour, c’était clairement pas en se montrant faible et surmenée face à la charge de travail qu’elle réussirait. les yeux qui se détournent quand l’aiguille vient se planter dans ses bras, plante ses opales sur le mur juste pour prétendre ne pas manquer d’air. le temps était parfois quelque chose de mesquin. l'impression que chaque seconde se transformait soudainement en heure, prise de sang aux allures d'éternelle. ce n'était que quand tu t'éloignais légèrement qu'elle se rendait compte avoir oublié de respirer l'espace d'un instant, le profond souffle qui s'échappe de ses lèvres. y en a pour longtemps encore ? parce que putain, elle voulait juste s'échapper.