« Tu es plus forte que tu ne le crois Marla. » Tu n'es pas le premier à me le dire et pourtant, je peine toujours à le croire. J'affiche un sourire et je ne dis rien. Tu sais, ça passe par une oreille et ça ressort par l'autre. Je ne suis pas forte, j'ai juste une énorme capacité d'accumulation. Puis un jour, j'explose et c'est à ce moment là que mes démons prennent possession de mon corps. Mais là, on parle de toi, pas de moi. Et toi, je suis certaine que tu t'en sortiras. Parce que si toi tu crois en moi, moi, je crois en toi. Et pendant un instant, j'ai du mal à imaginer que tu puisses croire que je ne te veux plus chez moi, juste parce que tu as avoué à demi mot que tu n'étais pas parfait. « Rester avec moi. » J'te le redis donc, peu importe l'humeur qui t'habite, je serai toujours plus que ravie de t'avoir à mes côtés. Nous sommes bien loin du début de relation que nous avons connus et à l'heure d'aujourd'hui, il me serait bien étrange de me passer de toi. Je m'échappe un instant, juste pour ne pas commettre un crime dans le four et que l'on puisse remplir ton estomac comme il se faut. Je reviens avec le repas que je pose sur la table basse du salon et je m’assoie à tes côtés. « Y’a une part de moi que tu connais pas Marla. » - « Je ne demande pas mieux que de découvrir » que je réponds sans une once d'hésitation dans la voix. Je lâche un soupir avant de me tourner totalement dans sa direction. « Personne n'est parfait Mave. D'accord, certains ont des travers plus important que d'autres, mais... » J'haussais les épaules. « Parle moi de ta part sombre » J'ai suffisamment parlé de mes problèmes. Tu sais que je suis une bombe à retardement, que du jour au lendemain je peux être une personne totalement différente et être ma pire ennemi. « Si tu essaies de me mettre en garde ou de me faire fuir, tu n'y arriveras pas. » Parce que j'ai tendance à m'accrocher de manière tenace. Et aussi parce que je ne m'arrête pas à la part sombre de chaque personne, j'suis trop occupée à révéler la lumière. Et aussi parce que je suis une putain de tête de mule.

Je suis pas celui qui craque. Je suis pas celui qui s’abaisse. Non moi je suis le clown un peu trop grand, toujours à sortir une blague, toujours à remonter le moral. L’épaule suffisamment grande pour accueillir les chagrins et les bras suffisamment forts pour porter le poids du monde. Vous ne les voyez pas mes collants et ma cape ? Y’a plus rien du héros là entre tes bras Marla. De ces failles que j’expose, de l’aveu que j’exulte. Parce que oui l’année passée, les démons ne m’ont laissé aucun repos. Il a fallu que je prenne les choses en main pour m’en sortir, que j’en parle à quelqu’un, que j’ose exposer mes peurs les plus profondes et une certaine part de moi est fier de les avoir combattu, même si tout est loin d’être réglé encore aujourd’hui. Mes yeux ont trop vu, mes sens ont été trop alertés alors oui c’est naturel que je ressente cette peur que tout recommence comme l’année passée. Tu viens me rassurer et tes mots sont forts, je pense que tu ignores à quel point ils le sont. J’aime pas m’exposer de la sorte mais y’a quelque chose de réconfortant à ressentir que tu ne pars pas, que tu ne prends pas peur même lorsque je suis plus vraiment moi. « Y’a de bon à avoir une fille obstinée. » que je dis avec un petit sourire déjà un peu plus léger. Y’a bien des artifices derrière lesquels j’aimerais me réfugier en cet instant précis. Mais y’a que toi et moi. Que nos failles. Alors mes épaules s’abaissent alors que mes yeux se posent sur toi. « C’est toujours les mêmes cauchemars qui revenaient en boucle, un mec qui venait avec une arme, qui faisait du mal aux personnes que j’aime et moi je pouvais rien faire. Au début, j’ai cru que ça passerait et puis c’était de pire en pire, ça m’arrivait même le jour. A côté de ça, je ressentais plus rien, j’étais comme à l’écart de moi-même, je me noyais là quelque part au fond. Alors je voulais ressentir, reprendre le contrôle, je buvais, je prenais des drogues même en journée, j’arrivais plus à écrire, et y’a ce jour où je me suis jeté d’une falaise soi-disant pour jouer. Heureusement qu’il y avait Apple. » Pour me remettre les idées en place, pour me rappeler que je faisais n’importe quoi. Mais c’est finalement après son accident, après le départ de Ava que j’ai décidé de me prendre véritablement en main.

« Y’a de bon à avoir une fille obstinée. » Mon sourire répond au tien de la même façon, légère. J'étais une véritable tête de mule et quand je m'attachais à quelqu'un, ça devenait pire encore. Incapable de lâcher prise, de m'avouer vaincu. Je m'attachais de toutes mes forces quitte à en souffrir et d'une certaine manière, j'aimais ça souffrir, ça me faisait sentir vivante. Tu semblais défait aujourd'hui et je comprenais au vue des circonstances. L'accident de métro avait été choquant et je mettais de côté mes sentiments pour t'écouter toi. C'était aussi le moment pour apprendre à te connaitre davantage. « C’est toujours les mêmes cauchemars qui revenaient en boucle, un mec qui venait avec une arme, qui faisait du mal aux personnes que j’aime et moi je pouvais rien faire. [...] Heureusement qu’il y avait Apple. » Nous sommes les mêmes, tu sais. On n'a peut-être pas les mêmes addictions, mais la finalité est semblable. Puis, sa faire du mal, repousser ses limites, c'est essayer de se persuader soi-même qu'on est toujours en vie alors qu'on se sent mourir à petit feu. Mon sourire s'est évaporé parce que je me reconnais dans tes mots. Moi aussi, j'ai peur que ça recommence. Ce n'était pas anodin que j'me trouvais chez toi, avec Mikke, après l'accident. J'n'avais eu aucune envie de me retrouver seule de peur de faire une connerie. Ma main vint glisser contre ta joue avec délicatesse tandis que mes lèvres venaient marquer les tiennes une nouvelle fois. « Tout ira bien cette fois Mave » C'était une promesse cette fois, parce que j'avais assez confiance en toi pour le savoir. « Si j'y arrive, tu y arriveras aussi, pour sûr » mon sourire essaie de te rassurer. « Et si tu sens que tu commences à glisser, rappelle-toi qu'il y a des personnes qui t'aiment et qui seront là pour te rattraper et te garder sur pieds » Je serai là moi. 

Je suis ce petit garçon qui exulte entre tes bras. Qui aime se voir rassuré là. Berce-moi d’illusions Marla. Que tes bras me serrent encore, que je sente la pression de tes phalanges sur mes cicatrices, la douceur de tes lèvres sur mes angoisses. J’aime quand ton timbre me murmure que ça ira, qu’on dépassera, que peut-être ensemble nos failles colmatent les brèches. Je viens descendre mes paumes sur la longueur de ton dos avant de regarder. « Merci. » Je ne vois pas quoi dire d’autre, j’ai déjà trop parlé, et on a chacun nos démons contre lesquels lutter. Une grimace vient hanter la noirceur de mes iris, le recoin de ma bouche. « Est-ce que tu resteras même si parfois j’aime cette sensation quand on glisse ? » On a ce penchant tous deux pour la destruction, pour venir jouer avec les limites. On est pas de ces êtres tièdes, qui se contentent d’une vie un peu trop lisse. Non, la mienne est emplie de creux et de bosses et sur le sinueux de la route, c’est ma carcasse qui en paie les conséquences. Et quoi qu’il advienne, je suis pas certain de voir un jour la sagesse me gagner. Parce que ce n’est pas moi et que ce le sera sans doute jamais. Je préfère te prévenir.

Je me redresse au contact de tes mains. Ma peau devient sensible en ce qui te concerne. « Merci. » Mon sourire essaie de te rassurer, mais je ne suis pas une experte dans le domaine. Sourire qui s'affaiblit quand je vois ta grimace se dessiner. Qu'est-ce qu'il se passe ? J'deviens trop sensible à ta façon d'agir et à tes remarques, tu vois. Je suis à l’affût. « Est-ce que tu resteras même si parfois j’aime cette sensation quand on glisse ? » Oh. Mon sourire revient. Je hoche la tête de haut en bas. « Ouais » J'allais pas m'échapper, surtout que j'étais moi-même dans cette situation. « On a tous les deux des gros problèmes » que je lance en riant, en espérant qu'il ne le prenne pas mal. Il n'allait pas mal le prendre en fait, j'le sais déjà. « J'suis qui pour te donner des leçons ou pour m'évader alors qu'on souffre des mêmes choses ? » Petit mouvement d'épaules. Mon front vient se glisser contre le tien. « On verra bien » Parce qu'il ne fallait pas non plus qu'on s’entraîne vers le fond. « J'veux pas être une mauvaise influence pour toi » C'est étrange de dire ça comme ça. Mais ma dépression, j'veux pas qu'elle déteigne sur toi.

Je suis bien plus doué pour livrer mes folies que mes failles. La facette vulnérable, je la garde précieusement pour les recoins plus sombres de ma personne, ceux que je n’expose pas au monde, seulement à mon part et à quelques proches. Tu rejoins le cercle Marla et je ne sais pas si tu dois en être flattée ou apeurée. Libre à toi de prendre cette décision. Je vois bien ton visage qui change à mesure avec le mien, l’inquiétude qui te gagne et j’aimerais te dire que non, tu ne dois pas t’en faire, mais je ne veux pas te bercer de mensonges. Alors oui, je te préviens. On risque de glisser ensemble. Capables du pire comme du meilleur. Tu sembles soulagée et moi aussi. Mes mains passent sous tes fesses pour venir te soulever et te poser sur le plan de travail. Là, tu es à ma hauteur, peut-être même un peu plus. « On verra oui. » Je veux pas me prendre la tête avec ça même si parfois la crainte se glisse. Faut croire qu’on partage les mêmes. « Tu pourras pas l’être. » Ma bouche glisse dans ton cou. Moi par contre. Je crois bien qu’on est capables de se réparer mais de se détruire aussi. « Si un jour, je te conviens plus, faudra pas hésiter à partir. » Sous entendu, que je préfère te voir me laisser que tu souffres de rester. Moi je continuerai, parce que c’est ce que j’ai toujours fait. Pas certain que je puisse être de ceux qui peuvent s’attacher quelque part.

Tes mains glissent sur mes courbes, viennent prendre appuie sous mes fesses et voilà que tu me soulèves pour m’asseoir sur le comptoir de la cuisine. Face à face, les yeux dans les yeux, plus aucune possibilité de s'échapper. Enfin, jusqu'ici, les mots et les regards avaient été sincère, à la hauteur du sérieux de la conversation. « On verra oui. » Il ne servait à rien de se précipiter, on tombera bien assez vite dans les abysses de l'amour. « Tu pourras pas l’être. » Que tu crois. Il suffira pourtant que tu ne sois pas assez solide l'espace d'un instant pour que ma dépression te pèse sur les épaules. J'crois qu'il y a des choses dont tu ne te rends pas encore compte me concernant. Mon entêtement par exemple, tu le prends trop à la légère. Ma tête se penche pour laisser la place à tes lèvres de prendre possession de mon cou. « Si un jour, je te conviens plus, faudra pas hésiter à partir. » Ton souffle est chaud, rassurant, en contradiction avec tes propos. « Mave... » que je glisse en t'obligeant à me regarder. « Tu dois comprendre que si je t'ai dans la peau, tu ne te déferas plus de moi. J'vais m'immiscer dans tes pensées, te rappeler ma présence à chaque instant. Je ne sais pas si je partirais ou non, mais en tout cas, toi j'te laisserais pas t'échapper » Parce que c'est ainsi que je fonctionne. Je m'attache à un homme qui ne veut pas les mêmes choses que moi et je le fais plier avec mon entêtement. Je vais être un boulet à ta cheville.

J’ai bien conscience que ma conduite n’a rien de raisonnable. Que par mes mots, je peux t’effrayer quelque part, mais ils seront toujours moins effrayants que mes actes. T’es pas la première qui y croit. Pas la première qui pense pouvoir m’accepter malgré mes folies, malgré le chaos dans mon parcours. Et oui, je dois bien l’avouer, je repère des failles similaires chez toi. Loin de m’effrayer, elles me rassurent. Parce que peut-être qu’on peut basculer à deux ? Pour mieux revenir. Sorte de balancier pour garder l’équilibre. C’est l’ascension des sommets, la descente dans les abysses et peut-être un peu des deux si on garde nos mains liées. Dans l’adversité, dans les choses plus légères aussi. « Tu m’as dans la peau ? » que je demande avec un petit sourire. Regarde comment tu insuffles un peu d’absurde dans mes mots, comme tu parviens à retirer le plomb de sous mes semelles, de mes épaules même. « Je te savais pas si obstinée. » Aussi folle que moi sans doute. T’accrochant de façon démesurée quand moi sans aucune logique je m’échappe. Tu veux garder quand je rejette. Mais ta poigne sera-t-elle suffisamment forte ?

« Tu m’as dans la peau ? » Mes épaules se dressent alors qu'une moue boudeuse apparait sur mes lèvres. Mes joues se colorent en moins de temps qu'il n'en faut. Mon cœur s'emballe. J'ai beau ne pas avoir la réponse à cette question, je suis néanmoins certaine que tu me fais de l'effet. Est-ce que je t'ai déjà dans la peau ? Je ne sais pas. Certainement que non. Je tiens à toi. Je suis attachée à toi même. J'sens que quelque chose de fort peut arriver, mais j'en suis pas encore au point de non retour. Il est encore temps de fuir, mais dans ce genre de situation, je prends jamais mes jambes à mon cou, tu sais. On l'prend à la rigolade ? On peut bien après le sérieux de la discussion, non ? « J'dois encore décidé si j'ai envie de me lancer dans ce saut périlleux » Parce que c'est comme un saut à l'élastique, mais sans l'élastique. Sans même un parachute. C'est juste une longue chute libre. Tu te sens léger au début et puis après, quand vient l'atterrissage, tout s’agite jusqu'à ce qu'on s'écrase. « Je te savais pas si obstinée. » - « Tu as peut-être trouvé une adversaire à ta taille » Mon sourcil se dresse. Ça m'arrive d'être aussi sûre de moi, c'est mon côté première de classe. J'manque pas de piquant dans le fond. C'juste que mon humeur est tellement changeante, que je commence déjà à redevenir une petite guimauve. Mes bras s'enroulent autour de ta nuque, mes jambes autour de ta taille. « ou alors, tu es tombé sur une guimauve de compèt qui colle super fort » Mon sourire se dessine et mes lèvres viennent se loger dans ton cou.

Bien entendu que tu n’avoueras pas m’avoir dans la peau. Il est encore trop tôt. Hier encore, nous étions bien trop occupés à nous détester et regarde-nous maintenant. Admettre que nous ne pouvions pas nous passer de l’autre serait un trop grand pas en avant. Prononcez le mot serment et admirez ma fuite. Sans doute que tu l’as deviné. Sans doute que toi aussi, l’engagement peut te faire paniquer. « Je peux comprendre. » que je te rétorque avec un sourire sincère. Et ça m’arrange quelque part que tu n’aies pas décidé de t’attacher pour de bon. Que tu ne réclames pas qu’on ne s’attache pas autre part, même si c’est risqué oui. « Sans doute. Je suis certain que t’es redoutable. » Dans un autre genre que le mien, mais je doute pas du fait que tu puisses être particulièrement tenace. Pour l’instant, je profite simplement de la douceur que tu invites dans mes parenthèses, de cette authenticité qu’on sait s’offrir sans même avoir besoin de réellement s’appartenir. C’est ce paradoxe qui nous unit, qui nous fait grandit. Ta bouche qui vient s’enfouir dans mon cou, mes mains qui passent dans ton dos pour reposer sur tes hanches. « Fais gaffe, je risque de te manger avant la pizza. » Je viens passer les phalanges sous le tissu de ton tee-shirt, m’amusant à provoquer quelques frissons sur ta peau. « Je n’ai jamais eu peur de manger la guimauve en premier. » Je rigole doucement, parce que je suis trop téméraire pour avoir peur plus longtemps.