Trempant à nouveau le pinceau dans le pot de peinture, j'en retire le surplus en l'essuyant sommairement sur la bordure avant de le faire glisser sur le mur. Juché comme une poule sur le haut de l'échelle, je me laisse en partie porter par la musique de l'endroit et l'animation qui y règne sans pour autant être trop cacophonique. C'est vivant, habité, tout simplement. Ça me change de la soirée d'hier où il n'y avait bien que le surveillant du foyer étudiant pour me tenir compagnie avec ses ronflements discrets. C'est une chose de trouver un contrat pour une murale. En particulier sur le campus. Mais s'en est une autre de pouvoir accommoder les horaires de tout le monde. Et comme il faut un certain seuil de présence en cours pour réussir, je ne peux me permettre de manquer trop souvent. Déjà que ça fait quelques fois depuis la reprise des cours. Alors, hier soir, j'ai été laissé au bon soin du surveillant afin de boucler un petit périmètre de sécurité pour une part de la nuit afin que je puisse, aujourd'hui, travailler sans risquer d'éclabousser le cahier d'un étudiant venu réviser ses notes au foyer. La grille préliminaire faite, le dessin reproduit sur le mur et la couche de fond blanc donné, lorsque j'ai quitté vers les 3h du mat, il ne me restait plus que la couleur à apposer. La partie la plus satisfaisante, même si la plus longue également.

Après quelques courtes heures de repos, je m'étais représenté sur les bancs de cours ...y récupérant encore un peu de sommeil, il faut bien l'admettre. Ce prof n'était pas le plus intéressant et ses diapos ne l'était pas plus. Alors j'avais triché et récupérer ma caméra de vlog pour enregistrer la théorie tandis que je sombrais momentanément dans les bras de Morphé. Le temps d'une sieste, juste assez pour que j'arrête au distributeur à la fin du cours afin de récupérer une boisson énergétique pour faire fonctionner ma cervelle correctement.

Depuis, j'avais gagné le salon étudiant et appliqué quelques couleurs. Le résultat était loin d'être final, mais ça avançait assez bien selon les plans que je m'étais fait et que j'avais partagé avec le directeur du foyer qui m'avait confier le projet. C'était une illustration parmi plusieurs autres qui allait venir égayer l'endroit, mais je n'en étais pas moins fier. J'avoue avoir momentanément inondé les plateformes lorsque j'ai décroché ce contrat, il y a quelques semaines. ...comme sensiblement chaque fois que j'en ai un, je ne peux pas m'en empêcher. Ce n'est pas de me pavaner, mais, immanquablement, ça me parcours le corps d'énergie à chaque fois. L'inspiration me propulse et quand j'arrive bien avancer sur une création, comme aujourd'hui, j'ai l'impression que rien ne peut m'arrêter, alors la barre de moral est à exploser.

Voulant un regard d'ensemble avant de continuer, je n'hésite pas à descendre de mon siège improvisé au haut de l'échelle. Le pot de peinture dans la main gauche, le pinceau dans la droite, je lève les yeux vers la murale en devenir lorsque je retrouve le plancher des vacher. Un commentaire semblant m'être adressé, ou du moins me faisant douter que ça le puisse, me fait tourner la tête, me sortant de ma contemplation afin de trouver ce que je devais ajouter. Remarquant une jeune femme assez près, rangeant ses bouquins, j'hésite d'abord. Est-ce que j'ai bien entendu? Est-ce que ça s'adressait à moi, déjà? Un rapide regard autour me fait réaliser qu'elle est la personne la plus près et que je suis seul dans ce bout d'espace dont ce devait bien être ça. Aussi, je retrouve un sourire qui m'est plus naturel alors qu'elle s'approche, sourire qui s'accentue en entendant ses paroles.

- 37th street art, pour vous servir, la renseignais-je. Nixon, de mon vrai nom, ajoutais-je avec un rire en tendant la main après avoir coincé mon pinceau dans l'autre. Cependant, je me ravise vite sur mon mouvement, ramenant ma main vers moi en réalisant la connerie. Ha merde, désolé, tu vas avoir les doigts plein de peinture, sinon, expliquais-je à titre d'excuse, avec un léger rire, ayant le réflexe d'essuyer le tout sur le côté de mon jeans. C'est une mauvaise habitude. De celle qui font que je dois acheter de nouveaux vêtements à tout moment parce qu'ils ne supportent ni la peinture, ni le traitement nettoyant que je dois appliquer par la suite. Mais bon, les pantalons c'est plus résistant normalement. Merci, c'est toujours plaisant de savoir que ce qu'on fait plait, la remerciais-je avec un léger mouvement de tête, comme un restant de révérence alors que le corps ne bouge pas. Et c'est aussi surprenant qu'appréciable de se faire reconnaître, ne puis-je m'empêcher de confier avec un léger rire nerveux. Ça me fascine, je ne m'y habitue pas tellement. J'ai beau voir les nombres cumulés à toutes les semaines ou deux semaines ou n'importe le délai pour chaque vu de vidéos ou pour le nombre d'abonnés - totalement fou, ces chiffres d'ailleurs! -, je n'arrive pas à réaliser que je puisse qu'on puisse m'interpeller pour ça. T'es dans le domaine aussi? La questionnais-je, légèrement curieux.

Une colombe. Voilà ce qui se trouve devant moi, aujourd'hui, pourtant elle est loin de ressembler à la dernière que j'ai croisé, même si le minois est charmant. Tirant la référence de son nom et pas de son apparence, je me rends compte à temps qu'il ne serait pas nécessairement mieux de la tâcher de peinture, laissant ainsi tomber ma main avant qu'elle ne la prenne, me permettant d'entendre son rire. Le mien s'y joignant après sa remarque, j'hoche la tête, tout à fait d'accord.

- C'est légitime! Acquiesçais-je de bonne foi.

Déjà que je bousille parfois les vêtements de ma soeur si je ne fais pas attention en m'approchant d'elle après une séance de création. ...ou tout simplement parce que j'ai, une fois de plus, laisser trainer mon matériel un peu partout.

Remerciant Dove pour ses commentaires à l'égard de mon oeuvre, je tique légèrement sur les nouveaux qui déboulent. Propre? Haussant un sourcil sur le sens de ses mots, j'ai un mouvement pour regarder à nouveau la murale. Heum… boh, d'accord, je prends! J'imagine que ça peut se qualifier de la sorte si on compte que mes lignes sont définies, tout comme mes dégradés et que je n'ai pas éclabousser partout. Chose tout de même probable, que ce soit aux pinceaux ou à la bombonne; il me suffit d'une mauvaise attention pendant un court lapse de temps pour faire une connerie. Chose qui jusqu'à présent, ne s'est pas produit aujourd'hui.

- Tu crois que c'est une bonne solution pour le salon étudiant? La questionnais-je tout de même, la tête légèrement penché sur le côté, mes yeux accrochant encore les détails colorés, cherchant si je n'ai rien oublié.

J'en reviens tout de même à ma compagne lorsqu'elle admet m'avoir reconnu après avoir vu certaine de mes videos. Récemment qui plus est. Si c'est pour mes murales et non pour mes conneries et acrobaties sur le campus, c'est bien alors! Je crois que c'est toujours mieux si c'est dans les ressentis positifs. Après… disons que de me faire traiter de cinglé n'est pas chose nouvelle, mais c'est tout de même plus intéressant ainsi.

M'intéressant à son domaine, cherchant à savoir si j'ai face à moi une collègue, youtubeuse ou artistique, j'en apprends qu'elle est plutôt dans la littérature. Analyse ou écriture, je ne saurais le lui demander puisqu'elle m'offre encore un compliment qui me réchauffe le coeur. C'est dingue de rencontrés ses abonnées, je vous jure! Peu importe que ce soit le premier ou 800 ième - je n'ai aucune idée du nombre de personnes que j'ai rencontré ainsi, mais je ne pense pas que le nombre soit aussi élevé - ça pose toujours du baume. Et un léger rire nerveux m'échappe, quelque part entre la fierté et la gêne, tandis que je passe une main dans mes cheveux pour les ramener vers l'arrière dans un geste automatique. ...y laissant probablement de la peinture maintenant que j'y pense. Ça ne sera pas la première fois!

- Savoir que j'ai su capté ton attention me fait plaisir, je t'assures, la remerciais-je sincèrement. Tu as une spécialité dans ta filière? La questionnais-je tout de même, curieux d'en apprendre un peu plus. Les écrits des grands courants te passionnent sur un plan théorique et savant ou tu travailles de ta plume également?

Aie-je affaire à la prochaine Shakespeare?