Depuis ce matin, tu cours un peu partout. T’as l’impression que 24 heures n’est pas suffisant pour faire tout ce que tu as prévu de faire. Il faut dire que ton travail te prend déjà facilement 12 heures sur ta journée et que pour le reste, t’as promis à ta sœur d’aller lui porter ta fille pour la nuit. Autant tu peines à la laisser à des inconnus, autant tu la laisserais les yeux fermés à tes sœurs. Célestine les aiment toutes les deux beaucoup, et tu es sûre qu’elles le lui rendent bien. Tu te doutes que ce n’est pas super simple pour ta fille, qu’elle ne comprend pas toujours tout et qu’à un an, se faire balader ne doit pas être quelque chose d’hyper rassurant. Mais t’as posé tes congés et bientôt, tu pourras profiter d’elle autant de temps que tu en as l’envie. Tu finis par revenir de chez ta sœur à pied, alors que ta voiture est toujours hors service. T’as rien compris, si ce n’est qu’il s’agit encore d’un vieux taco et que ne t’as carrément pas envie de mettre ton argent dans une voiture flambant neuve. Peut-être que là, tu seras bien obligée de te faire une raison, mais tu croises les doigts pour que Mark puisse t’offrir un miracle. Un.dernier.petit.miracle. avant 2019. Ca serait joli, non ? T’y crois vraiment.

Chez toi, tu prends au moins le temps de te poser cinq minutes, et puis tu grimpes à l’étage pour te glisser sous la douche. Une fois terminée, t’enfile une jolie robe et une paire d’escarpin, pour finalement assortir le tout d’une veste. Tu passes un coup de sèche-cheveux dans ta tignasse et une once de maquillage pour faire ressortir ton regard. Te voila prête à partir, prête à rejoindre celui qui, tu espères, pourras t’offrir ce miracle qui te tient tant à cœur. Vous ne vous connaissez pas encore super bien, mais t’as été charmée. Oui. T’attends pas grand-chose de sérieux, tu n’as pas envie de te dire quoi que ce soit, tu veux juste penser à toi, chose que tu fais rarement en tant que chirurgienne, ni en tant que maman mais que tu comptes bien faire à partir de maintenant en tant que femme libre et purement célibataire.

Tu te rends sur le lieu de rendez-vous que vous vous êtes fixés et tu cherches l’homme de ta soirée des yeux. Tu prends au moins le temps de voir s’il est déjà là ou pas, bien que toi tu sembles un peu à l’avance. Finalement, tu t’installes à une table, et t’attends patiemment que Mark te rejoigne avec une petite hâte et une once d’excitation.

Mark se souvenait très exactement du moment où la jolie rousse était arrivée au garage. Normalement, il s'occupait des grosses motos et des voitures anciennes ou particulièrement rares - étant donné son degré de spécialisation - mais il avait profité du fait que le garage soit relativement vide pour proposer ses services à la jeune femme. En effet, se poser en sauveur de ces dames semblait toujours un bon moyen de se présenter. Mais la voiture était néanmoins bien amochée et même sans forcer, il avait dû la faire revenir quelques fois pour les pièces manquantes. Au fur et à mesure, il en avait découvert un peu davantage sur elle et l'attirance avait semblé de plus en plus mutuelle. En même, on n'est pas sans dire que les opposés s'attirent ; et difficile de trouver plus différent d'une chirurgienne qu'un garagiste. Et en même temps, sur le papier, ils font tous les deux un métiers qui a pour but de réparer... et sont tous les deux habiles et précis de leurs mains.

Mais ce soir, ce n'était pas en marcel sale et les mains dans le cambouis qu'il la verrait. Adossé à une voiture de l'autre côté de la rue, Mark l'avait regardée entrer dans le bar en fumant une cigarette roulée. Il était vêtu d'un jeans noir, d'un t-shirt (propre cette fois) et de sa veste en cuir de motard. Si il restait dehors en l'attendant, ce n'était pas sans raison : il ne ratait jamais l'occasion d'observer l'arrivée d'une jolie jeune femme, les mouvements de son corps, influencés par les escarpins, l'aise avec laquelle elle arborait sa tenue, etc. Et puis, sans doute que quelque part son ego ne le laissait pas attendre quelqu'un seul dans un bar... mais ça, il ne se le serait pas avoué.

D'un geste efficace et habitué, il lança le mégot de sa cigarette d'un claquement de doigts et se dirigea vers l'entrée du bar, un léger sourire au coin des lèvres. Ce sourire confiant et installé qui le quittait rarement quand il abordait ou retrouvait une femme.  

- Hazel, dit-il d'une voix ronronnante et légèrement traînante.

Il laissa simplement vibrer son prénom sur ses lèvres un moment, prenant le temps de la regarder. Il prit sa main pour la faire lever et la fit lentement tourner sur elle-même.

- Y a quelque bon diable qui veille sur nous que pour nous offrir cette vue, à nous, pauvres mortels.

Un petit rire lui échappa. Il disait ça sur le ton de la flatterie taquine évidemment. Même dans ses compliments, il ne se prenait pas trop au sérieux. Il garda sa main dans les siennes pour y déposer un baiser avant de l'inviter à se rassoir.

- Bon, sur ce, tu me dois un verre, dit-il avec un sourire plus large cette fois, se laissant un peu tomber sur la chaise face à elle. J'ai trouvé la dernière pièce manquante du puzzle qu'est ton épave de voiture. Est-ce que tu m'aimes à la folie, ça y est ?