Cuando el tiempo se para ★ Leah & Ian
@Leah Garcia
Il est dix-neuf heure du soir et depuis longtemps le ciel s'est paré de son voile nocturne, ombré par un jeu de nuages qui déverse son flot de lamentation sur la ville. A travers la vitre où ruissèle le résultat de ces déboires, je contrôle l'état du caniveau à quelques mètres de là, me réjouissant d'un fait: Elle va se faire tremper un bon coup ce soir. Alba a décidé tantôt de partir au ciné avec une amie, ce qui à ma montre ne devrait plus tarder et à moi enfin une tranquillité bien méritée.

Alors je suis allé me caler sur le canapé devant une série télé qui ne lui dira rien de regarder le temps qu'elle m'abandonne, bouquinant une revue de véhicules motorisés pendant les publicités. " Il pleut toujours? " Sa voix résonne sur les murs." Non non " ai-je bougonné sans même avoir regardé. Il aurait suffit qu'elle scrute par la vitre de la chambre mais elle est comme çà, Alba, essayant de renouer un dialogue muté depuis sa trahison. Je suppose qu'elle n'y croit plus non plus depuis un certain moment et c'est pour çà qu'elle n'a même pas daigné se déplacer pour me le demander. Pourtant elle s'accroche à ce qu'elle voudrait être encore une vérité... Sans avoir à croiser mon regard consterné dès que je pose mes yeux sur elle, disgracié.

Et tandis qu'elle s'affaire à ce que je pense dans la salle de bain, à savoir se faire plus belle qu'elle ne l'est au naturel, on carillonne à la porte. Étant le plus proche et le moins occupé, je me suis naturellement levé, trainant des pieds jusqu'à la porte d'entrée et faisant mine d'être harassé par ma journée. Sans doute la voisine en question qui vient la chercher. C'est quoi le film déjà? Encore un truc nié, à l'eau de rose d'où elle espère tirer quelques enseignements pour nous sauver. Elle aspire a retrouvé un semblant de vie commune, un goût de "passé" , un goût que je ne peux plus supporter. Sans me méfier - parce que qui me voudrait du mal dans le quartier hormis celui que j'ai défenestré? Personne, je suis l'un des gars les plus respectés - j'ai ouvert pour faire face à cette silhouette figée sur mon palier, lui barrant fermement l'accès : une jeune femme jamais vue dans le coin, jeune, typée, pas désagréable à regarder, le teint ambré et la chevelure d'un châtain foncé et ...détrempée... " Cinq minutes d'avance.. " Pas de chance parce qu'il s'agit de moi et que je ne laisse jamais rentrer les amis d'Alba. Et planté devant elle, j’arbore pas peu fier un sourire railleur, à la limite de l’enjôleur, jetant rapidement un regard par dessus mon épaule histoire de voir où en est l'éternelle attendue et de nouveau toiser la jeune ingénue. " Il fait froid hein. " Parait-il qu'il ne fait que quelques degrés dehors ce qui ne doit pas rendre sa situation très confortable.
 

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DESIGN ϟ NOCTAE & VOCIVUS // IMAGE BY March Hare  

Cuando el tiempo se para ★ Leah & Ian
@Leah Garcia
Depuis quand les lèche-bottes d'Alba étaient-ils si sympathiques avec moi? La grande majorité avait pris son parti, me rejetant la faute comme si j'avais été celui qui l'avait trahie de part mes absences répétées. Quant aux autres, ils n'avaient jamais su me blairer. Elle, elle était différente en ce qu'elle ne semblait pas me juger. Pas de dégout débordant de ses yeux, pas de haine au travers de sa voix langoureuse. Une nouvelle dans le quartier et dans son cercle d'amitié très certainement...  « On se les gèle. Tu m’invites pas à rentrer ? » J'ai quitté du regard l'inconnue quelques secondes pour la héler sans un soupçon de tendresse, juste de la contrariété. " Alba! " Mais elle ne donna aucun signe de vie outre le bruit du sèche-cheveux qui nous parvenait jusqu'ici. C'était donc à moi de me glisser dans la peau de l'hôte civilisé, un rôle que pour elle j'exécrais d'endosser, dissimulant sous un simulacre de politesses la triste vérité. Contraint et forcé de l'accueillir sous mon toit, je me suis décalé en l'invitant d'une paume ouverte vers l'intérieur sans me défaire me mon mutisme, ceci aggravé par mes traits renfrognés. La porte claqua derrière elle. " Café ?" Dans ma bouche, il s'agissait plus d'une injonction que d'une requête et maintenant que le silence était rompu, je me dirigeais sciemment vers la cuisine.

Ma première réaction fut de tirer la machine à café de sa torpeur d'une simple pression de doigt, un geste d'une mécanique bien huilée pour l'effectuer quotidiennement et çà depuis des années. Quelque chose m'interpella pourtant. " Elle m'a tutoyé..." Le contact froid de la porcelaine n'entama en rien ma concentration, mon esprit embrumé par les nombreuses pensées l'occupant subitement. J'aurais dû tilter sur ce minuscule détail, un trois fois rien qui à première vue pouvait paraitre bénin... Marquant un temps d'hésitation au moment d'empoigner la tasse d'où émanait maintenant un arôme corsé, je cessais aussitôt de contempler le plan de travail inébranlable pour me retourner et jeter un œil vers la paire de hanches qui ondulait dans le salon. Elle me connaissait donc mais pourtant je restais persuadé de ne jamais l'avoir croisée. Je m'en serais rappelé.  

Alors n'ayant plus la possibilité de reculer, je me suis décidé à l'affronter, ressurgissant de la cuisine une main dans une poche et l'autre maintenant en suspension le breuvage. Je me suis calé contre le bâti de l'arche séparant le couloir du salon, passablement bien installé pour attendre une réponse. " Ce n'est pas pour ma femme... N'est-ce pas? "

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Cuando el tiempo se para ★ Leah & Ian
@Leah Garcia
A l'instar de tous ceux qui ont grandi dans une cité j'ai appris à me méfier des potentiels dangers et curieusement sa présence éveille mes sens sans même en saisir l'origine. Difficile de le décrire sans passer par le mot "obscur". C'est à la fois familier et étranger, un ressenti qui se heurte à un mur aux fondations invisibles à chaque fois que je tente de l'étudier. Elle a étiré ses doigts jusqu'à la porcelaine de manufacture indigène, a porté la tasse à ses lèvres qu'elle a humectées comme pour en apprécier la chaleur avant de boire une gorgée. « Très perspicace, ta femme est inexistante à mes yeux, seul toi compte. » Elle est pour le moins que l'on puisse dire directe et par instinct mes sourcils se sont froncés de plus belle, assujetti par mes doutes à présent fondés. Elle s'adonne à un jeu dangereux, non sans émettre un rire cristallin qui rajoute soudain à mon mal être. Venir ici, sulfureuse, sous mon toit, prétendre être liée à moi ce qui de toute évidence n'est réel que dans son fertile imaginaire...  « Ce truc est infect. Je m’y ferai jamais. Tu ne sais vraiment pas qui je suis ? Regarde bien ? » A ceci près que j'ai beau la regarder se dandiner dans mon salon, je n'arrive toujours pas à mettre sur ce visage un nom.

" Laisse-moi deviner..." Toutes les possibilités sont alors envisagées, de la prise en main de son véhicule à une éventuelle.... Non, impossible. Je n'ai jamais trompé Alba, c'est certain parce que je sais me contrôler même dans le pire des cas. Et si je ne me la remets pas, c'est que nous avons dû nous rencontrer indirectement ou de façon peu mémorable en ce qui me concerne. Alors devant l'énigme qu'elle représente j'ai brusquement porté ma paume à mon front, mimant avec ironie l'hébétement total. " J'ai maltraité ton grand frère autrefois " et elle vient le venger ce soir alors que tout s’ébranlait déjà tout autour de moi. Peu probable mais je ne vois plus que çà... Il est vrai que je n'aie pas toujours été un ange et bien des ados ont morflé faute de m'avoir un jour cherché. " C'est qui? Une amie? " Voilà bien le timbre de voix que je ne tenais pas à entendre prendre part à la conversation. Alba a fait son entrée, discrètement, profitant que mon attention soit détournée l'objet de quelques secondes. "  Bonne question. " Seuls mes yeux ont roulé vers elle pour la distinguer elle et sa jalousie grandissante dans l'attente d'une réponse que je m’apprête à broder rapidement pour elle afin d'éviter un scandale. " Jezabelle. La fille d'Antonio. J'avais oublié, il faut que je l'emmène ce soir à son cours de danse. "

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Cuando el tiempo se para ★ Leah & Ian
@Leah Garcia
J'entrevois alors avec difficulté comment cette soirée pourrait plus mal se terminer. Enfin si: il suffirait d'une étincelle entre les deux pour amorcer un véritable feu d'artifice et là, ne me demandez pas d'intervenir. Dans certains cas, sagesse est mère de sureté, mieux vaut laisser un feu s'étouffer.... Elles sont là l'une et l'autre à se dévisager quand la téméraire se décide à rentrer dans la danse amorcée. " Bonsoir Madame, vous avez une charmante maison." Et quoi de plus normal puisque c'est moi qui ait mis la main à la poche pour acheter tout ce que frôle son regard avec dédain. " Je dois vous emprunter votre mari, j’ai cours de bacchata deux fois par semaine." Ce mot qui avait un sens autrefois a pour lui le don de me faire dévier subitement de mon champ de vision et de me faire tirer au renard. J'ai baissé les yeux inconsciemment comme si je n'étais pas concerné par cette phrase. " Ian est un amour, mon père est sorti avec des amis ce soir. " Elle oscille dans ma direction, se pare d'un regard mielleux qui en dit long, au point de se confronter au mien d'où découle un sous-entendu muet: attention à ne pas trop en faire quand même.

L'effrontée se détourne alors pour piaffer jusqu'à l'entrée, récupérant ses affaires tout en insistant quant à l'urgence de ses impératifs:  « Je ne voudrais pas être en retard, si tu pouvais te dépêcher. » L'un dans l'autre ça m'arrange même. J'ai fait volte face au moment où Alba faisait un pas dans ma direction - pour me gratifier très certainement d'une preuve d'affection devant l'importune - pour aller éteindre rapidement la télé et jeter la télécommande à coté. Qui la regarderait ? Personne en mon absence. Mais le fait est que je compte revenir très rapidement une fois qu'elle aura quitté les lieux comme il était convenu. Le tout est de prendre mon mal en patience. J'ai donc emboité le pas à cette curieuse ingénue, ai tout comme elle pris ma veste pour empoigner la porte devant son nez et passer le premier. Au diable les convenances. Je suis censé être un ami de la famille après tout, on passera donc outres les formalités. Après un petit mot envers Alba histoire de sauver les apparences vis-à-vis des voisins un peu trop curieux, mes pas se sont faits pressants et mes doigts envieux sur ce trousseau de clef qui trainait au fond de ma poche. Dans un tintement métallique aux reflets morcelés, il est agité à l'air libre, dans ce clair de lune haché par des branches encore agitées par le vent. " Monte. On va faire un p'tit tour. "  C'est l'histoire de cinq minutes tout au plus, juste le temps d'un tour de pâté de maisons et de nous embusquer au détour d'une ruelle adjacente pour la voir quitter notre logement. Ce tableau aurait de quoi en faire pâlir plus d'une, j'en ai conscience, mais pas Jezabelle curieusement.

Et tandis que je me glisse dans mon véhicule stationné à sur le bas coté du bitume, ma poche s'anime d'une étrange façon, par une vibration que je ne m'attendais pas à ressentir si tôt. De mes lèvres serrées un soupir s'est échappé suivi d'un mot grossier murmuré entre deux pensées négatives pour changer. La teneur du texto? Alba essayera de rentrer plus tôt, une façon maquillée pour me faire sentir important à ses yeux, ce qui est fort futile maintenant.
" Bachata...Sérieusement? " Mes yeux l'ont encore une fois de plus détaillée alors qu'elle a pris position au cœur de l'habitacle du pick-up. Ne savait-elle pas qu'avec ses faux airs de pimprenelle jamais elle ne serait prise au sérieux par les habitants de la cité? Disons qu'elle n'a pas vraiment l'air de faire partie de la classe sociale qui a vu naitre cette danse... J'ai sur ces paroles embrayé pour engager mon véhicule sur la voie et faire quelques mètres avant d'ajouter avec un amusement non dissimulé: " Je me damnerais pour voir çà tiens. "  "

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