Dealing in darknesses
★ ─ w/Deirdre M. Wheelan

J’étais lucide et si l’amour fraternel que je portais au plus ancien Bulger était sincère, j’étais consciente que pour les autres, il faisait peur. Il incarnait à la perfection le rôle que notre père lui avait laissé à sa mort. C’était son héritage, notre héritage et si je tentais par tous les moyens de changer de voix, je savais pertinemment que ce n’était pas chose facile. Je ne manquais pas de motivation, bien au contraire, mais pour changer de vie, ça impliquait un changement radical des habitudes que j’avais depuis l’adolescence. Je ne pouvais donc pas en vouloir ni à Devon, ni à Connor d’être toujours bloqué dans cette spirale infernale dans laquelle nous avions tous les quatre grandit. Je comprenais d’ailleurs ton point de vue sur les deux hommes de cette famille, qui incarnait dans notre monde, les deux opposés. D’un côté le fonceur qui n’avait peur de rien ni de personne et l’autre plus réfléchie, mais maladroit et marqué par les épreuves qu’il avait enduré et que seul lui pouvait comprendre. Ses brûlures, recouvertes de tatouages, le rendaient unique, bien que ça démarche depuis l’autre fois, ajoutait encore une singularité à sa silhouette. Alors quand mon regard se posait sur lui, je restais de marbre. Je ne savais pas trop si c’était l’émotion qui me clouait sur place, mais je me retrouvais à suivre tes pas, courir avec la même énergie que tu dégageais pour finalement s’arrêter devant le néant. Disparu. Un regard à droite puis à gauche, avant de plonger mon océan dans le tien un bref  avant de tourner les talons. Itinéraire inverse enclenché, j’usais de ma voix, pour faire entendre mon mécontentement. Pourquoi, t’avais-je demandé sachant que toi non plus tu n’avais pas forcément de réponse. La douceur dans ta voix, le choix de tes mots m’apaisait, plus que je n’aurai pu l’imaginer. « Au fond de moi, je pense comme toi… » Parce que je le connaissais par cœur, et même si ça me faisait mal d’être mise sur le carreau, j’aurai probablement agi de la même façon que lui, si j’étais en danger. « mais ça me crève le cœur. » De le penser si près de moi, sans pouvoir me blottir dans ses bras. Quinn, puis lui et c’étaient les deux pieds d’une table qu’était brisée. Devon et moi, c’était bancale sans eux et pourtant, tu semblais m’apporter un équilibre suffisant pour que je tienne bon. « Il était à pied, ça veut dire qu’il ne se cache pas si loin d’ici. » Et mine de rien, je reprenais espoir. « Merci… » Que je soufflais en te regardant, puis reprenant la marche. « Je suis parfois excessive, je monte vite dans les tours, je juge sans savoir, j’interprète et j’ai du mal à canaliser mes émotions… Je suis désolée d’avance de te faire subir mes sautes d’humeur. »

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Tu étais frustrée de l’avoir eu dans ton champ de vision et qu’il soit désormais disparu. Je ne pouvais que comprendre, c’était aussi très difficile pour moi-même si j’essaie de te faire entendre raison. Ma voix est posée, douce, et pourtant mes jointures sont refermées sur elles-mêmes venant blanchir les jointures de mes articulations. Je suis partagée entre la colère, la frustration, la peine et l’inquiétude de savoir que Connor ne peut pas nous rejoindre pour de bon. Mes mots semblent toutefois t’apaiser et ma main vient se poser sur ton épaule doucement. « Il sait où nous trouver et sans doute que ça le rassure d’être près de nous. » Il n’a pas pu fuir bien longtemps et si pour nous c’est pénible , j’imagine que pour lui ça l’est encore davantage. On peut se soutenir mutuellement alors que lui reste désespérément seul. « J’aimerais qu’il soit avec nous aussi, j’aimerais que ce soit comme avant. » Mais la vie est parfois ainsi, elle accélère alors qu’on voudrait simplement mettre une pause ou faire marche arrière. Elle ne nous laisse pas le choix, elle nous embarque dans ces tumultes. « Ne t’en fais pas pour ça, ça fait beaucoup pour toi, après ta sœur, ton frère. » Et le gang qui a volé en éclats car oui Connor m’avait raconté un certain nombre de choses même si cela me faisait encourir un certain danger, je ne cherchais pas à savoir plus que nécessaire mais j’avais assez élément pour comprendre. « Tu veux qu’on cherche encore un peu ou tu préfères rentrer ? » Car tout ceci était éprouvant mais j’étais prête à te soutenir quoi que tu décides.

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★ ─ w/Deirdre M. Wheelan

J’étais lunatique parfois, je pouvais monter dans les tours très rapidement, comme je pouvais redescendre. En fait, je vivais au gré de mes émotions, réagissant à leurs hauteurs, sans prendre le temps de réfléchir. Apercevoir la silhouette d’un homme qui ressemblait presque trait pour trait à mon frère, mon pilier, ça avait le don de faire ressortir le mauvais, comme le bon. Sur le coup, je ne pensais pas à comment toi, tu pouvais le vivre, me trouvant très égoïste une fois la tension retombée. « J’ai peur pour lui. » Et c’était en grande partie pour ça que j’étais tant en colère contre lui. J’avais toujours eu besoin d’être présente pour lui, pour le rassurer et le savoir loin de moi, me peinait. « Je suis désolée… Tu te sens comment ? » Parce que j’avais hurlé mon mécontentement au peuple, sans me soucier de savoir comment tu vivais réellement le moment. C’était aussi pour ça que je t’admirais, tu alliais à la perfection une douceur inégalable à un caractère de feu. Je me contentais simplement de hocher doucement la tête de bas en haut, ne souhaitant pas rentrer dans les détails de mes peines, mais tu visais juste. Quinn et Connor, avaient fui, laissant derrière eux un vide que personnes d’autre ne pouvait combler, même si j’avais l’impression de retrouver un peu de Connor en toi. Sans t’en rendre compte, je gardais espoir, grâce à ton regard. « S’il voulait qu’on le retrouve, il ne se serait pas caché. » C’était compliqué à accepter, mais nous n’avions pas d’autres choix que de respecter le sien. « Perso, je me sens vidée, pas toi ? » Ca avait été plus éprouvant que prévu.

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Tu es le feu lorsque je suis la glace. Et bien que je reste de marbre, je comprends parfaitement ta colère. Car tout ceci est injuste et n’a pas lieu d’être. Mais la vie n’est pas spécialement clémente, toi et moi le savons suffisamment. Mes paroles semblent t’apaiser quelque part et j’en suis heureuse. Car je sais que pour les semaines à venir, ce sera un peu toi et moi contre le reste du monde. Mon regard vient se poser sur le tien lorsque tu viens m’interroger sur mon ressenti. Je t’offre une grimace infime. « Je suis frustrée, on était proches du but et on n’a pas pu lui parler, ni même vérifier que c’était lui et paradoxalement ça m’a un peu réconforté de le savoir en vie. » Je ne l’imagine pas libéré des dangers qu’il encourt mais au moins, il est toujours là et pas si loin de nous. Tu ne comprends pas pourquoi il nous fuit, pourquoi il se montre pour se volatiliser quelques secondes plus tard. « Il ne veut pas qu’on soit en danger nous aussi. » De ça, je suis persuadée même si sa conduite n’a rien de logique. J’y vois toute la maladresse mais tout l’amour dont Connor est capable.  Mon regard se relève au ciel, restant silencieuse quelques instants, je reviens à toi pour conclure. « J’ai appris à vivre avec mes fantômes. » On les apprivoise, on les laisse nous saigner parfois pour mieux continuer ensuite. Parce que je ne suis pas de celles qui se laissent abattre, parce que même si la morosité me gagne parfois, je continuerai toujours. Ma main passe à ton dos doucement, comme pour te consoler. Tu es vidée de cet événement et moi encore sonnée. « Je ne serai pas contre un whisky. » que je dis avec un sourire léger. Rien de mieux qu’un peu de fouet dans le sang, un breuvage qui fait battre davantage mon cœur encore.

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★ ─ w/Deirdre M. Wheelan

Dans certaines situations, je manquais cruellement de discernement. Probablement que mon jeune âge y était pour quelque chose et j’étais consciente que chaque jour passé était une nouvelle leçon de vie. Dans ce cas précis, j’exposais ma colère aux yeux du monde, tant la douleur était difficilement supportable. Sans Connor, j’avais l’impression de ne pas être totalement entière. Ton regard plongé dans le mien, je t’écoutais te livrer sur toutes les sensations que cette situation t’avait fait endurer en si peu de temps. Je hochais doucement la tête, réconfortée et apaisée par le ton calme de ta voix. Je comprenais maintenant pour quelles raisons Connor t’avait tant chérie et te chérissait sûrement toujours. Et c’était frustrant de le savoir si près de nous, mais à la fois à des années-lumières de l’instant présent. Nous observait-il au coin d’une des nombreuses rues qui nous entouraient ? Je chassais cette idée en me concentrant à nouveau sur toi. « Tu es la voix de la raison. » Ma voix, celle qu’allait probablement me guider sans même t’en rendre compte. Et j’étais heureuse de te compter dans mon entourage désormais, avec le destin lié que nous avait imposé mon frère. Et tes gestes étaient bien plus parlant que tes mots, quand tu levais les yeux au ciel, en abordant tes fantômes. Nous étions toutes les deux tourmentées par des vies, par des personnes de passages, qu’avaient su nous atteindre d’une manière ou d’une autre et qui aujourd’hui se jouaient encore de nous. « On continue d’avancer, coûte que coûte. » Survivre, encore et toujours, pour le meilleur, mais surtout pour le pire. Je glissais doucement ma main le long de ma cuisse, pour vérifier que perçante était toujours en place. « Mais je crois que d’une certaine façon, j’ai appris à vivre avec également. » Et j’espérais que de là-haut, mes parents voyaient à quel point, j’essayais de garder cette famille unis, malgré le départ de Quinn et celui de Connor. Si mes trois ainées voulaient à tout prix prendre la place de mon père, j’étais l’unique qui tentait d’avoir le rôle de ma mère. La plus sage des détraquées. Ta main dans mon dos résumait bien mon état d’esprit quand tes mots réveillaient mon addiction. « Je crois qu’on dirige l’endroit rêver pour ça. » Que je soufflais en souriant, fin prête à affronter le reste de la journée et ouvrir une nouvelle page, d’un chapitre qu’on écrirait ensemble.

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J’ai appris à calmer le sang, à masquer la fureur dans mes veines pour ne laisser paraître que la glace. C’est différent pour toi Izzy, tu exprimes clairement le trouble qui t’empare et quelque part, je t’admire pour ça. Je tente de trouver une logique à sa conduite, quelque chose qui explique. Un mince sourire vient hanter mes carmines, car oui, je peux être parfois cette voix plus raisonnable même si finalement ce sont les mêmes béances qui nous abîment. On récolte aussi notre lot de fantômes dans notre existence et ce n’est pas facile d’avancer malgré les ombres qui hantent, les regrets qui s’amassent. « On ne peut pas se laisser abattre. » Accueillir les événements de notre vie dans la défaite, non moi j’ai décidé de me battre, de faire face et je sais qu’il en est de même pour toi. Nous gèrerons le Nephilim d’une main habile à défait d’être aux côtés du Maître. Toi aussi, tu as appris à vivre avec, dans une certaine révolte plus parlante que la mienne. Peut-être que c’est plus facile de laisser parfois sortir cette violence qui nous hante. Je viens suggérer qu’on prenne un moment plus calme pour se remettre. Et un sourire sincère éclaire mon visage lorsque je reprends à tes côtés. « L’endroit parfait oui. » Notre purgatoire, ce lieu qui nous permet de tenir, de construire une nouvelle surface à défaut de le garder lui. Qui sait, nous le retrouverons et quelque part j’en suis intimement persuadée. « Allons-y » que j’ajoute en amorçant la marche vers l’endroit. Quelques verres d’alcool pour border la solitude, pour atténuer la marque des absents, pour nous resouder et faire face. C’est un éclat inattendu dans nos luttes mais de ceux que je préserve précieusement.