Septembre deux mille dix-neuf. Ces derniers mois tu avais renoncé successivement à Ellie, puis à Daisy. Toi, qui détestait faire des concessions, toi qui détestait tout mélanger. Leur lien si fusionnel n'arrangeait nullement l'attirance que tu avais éprouvé pour Daisy. Pourtant tu avais pris le parti de t'émanciper de l'avis de ta petite sœur, allant presque jusqu'à le regretter au début de l'été dernier. L'était s'achevait doucement, demain annoncerait l'arrivée de l'automne, et tu t'en réjouissais. Tu étais dans un bon état d'esprit, et ce soir tu étais prêt à lui faire face. Tu ne pouvais pas revenir dans le coin sans la voir. Tu ne t'attendais rien, si ce n'est à une tornade digne de la demoiselle. Mais comme un pansement, il valait mieux que ce soit arraché rapidement. Tu t'es pointé à son cours de danse. Tu l'as même regardé quelques minutes avant de t'éclipser à nouveau sur le parking pour l'y attendre. Tu y as passé quelques longues minutes pourtant passées en un claquement de doigts. Tu buvais une canette de redbull que tu déversais dans un gobelet. Parce que non, tu ne buvais jamais à même la canette. Puis d'un coup tu sentais ce petit pincement à ton coeur que tu refoulais en serrant la mâchoire. Elle était prête à sortir d'une minute à l'autre. Tu le savais.

Elle était belle. Elle avait bon teint. Tu le voyais qu’elle s’était défoulée, et qu’elle était détendue. Du moins jusqu’à ce que son regard croise le tien. Et là, tout changea. Ce n’était pas simple pour toi à cet instant. Tu étais en tort, c’est vrai. Elle t’avait manqué, c’était indéniable. Il y a eu ce long silence. « Bonsoir. » Avais-tu dit tel un revenant digne du roi des fantômes. Tu as décollé ton arrière train du capot de la voiture, et tu as fait deux pas vers elle-même si ce n’était clairement pas assez pour réduire considérablement la distance qui vous séparait. Elle se tenait à distance et tu le comprenais. « Je me doutais que je te trouverais là, en ce soir de semaine. » As-tu dit comme pour justifier le fait que tu aies réussi à la trouver. C’est là que tu avais initié le plus grand des déséquilibres. Après ton départ, toi, tu n’aurais eu aucune difficulté à savoir où la trouver. En revanche, elle n’aurait pas pu te retrouver, ou du moins difficilement.

La vérité c'était bien que tu ne savais comment agir. Tu n'expliquais que difficilement tes choix passés, tu t'en voulais aussi secrètement. Pourtant tu savais que tu n'avais pas fait tout cela pour lui nuire. Tout comme tu n'avais pas commencé à fricoter avec elle pour nuire à ta sœur, d'ailleurs. « Je suis de retour en ville, et je voulais te voir. » En général on pouvait difficile te reprocher de dire ce que tu pensais quand tu y arrivais. Là, tu disais la vérité. D'ailleurs tu mentais trop rarement. Non, ton défaut c'était le silence. Tu préférais souvent ne rien dire plutôt que de mentir, et ce, même si les conséquences en finissaient plus grandes encore. Ton regard quitta le sien l'espace de quelques secondes avant de la regarder pour reprendre. « J'ai merdé, j'en suis conscient. » C'était dit. Tu le pensais.

Oh que ce n'était pas beau de l'entendre te dire que tu n'avais pas voulu la voir. C'était pourtant l'impression que tu lui avais faite. Les faits parlaient pour toi. Mais tout cela n'avait évidemment rien à voir avec elle. Sinon, tu aurais su rompre. Quand tu voulais arrêter quelque chose, tu trouvais le moyen de le faire. T'éloigner à contre cœur, c'était plus compliqué même si ça t'avait semblé une bonne chose à faire ou du moins la seule chose à faire. « Non, ça n'avait rien à voir.. » Prêt à continuer tu t'étais pourtant subitement arrêté, serrant la mâchoire tellement fort que tes molaires pourraient quitter leurs emplacements. Tu savais que ça tenait pas la route ce que tu disais. Effectivement ça n'avait rien à voir mais le résultat était le même. « On avait besoin de moi à San Francisco et je... j'ai été pris au dépourvu. » Tu ne pouvais donner les raisons exactes. Ce n'était pas le moment, pas le bon endroit, et tu n'était même pas sûr de vouloir lui dire. Tu savais qu'Ellie le ferait quand elle serait prête. Pour l'instant elle souffrait bien trop de devoir s'adapter à une nouvelle vie.

Toi-même tu n'expliquais ton comportement. Tu savais simplement que tu avais été pris par tout un tas de sentiments contradictoires. Comme un homme faible tu avais fui. Un peu comme si il t'avait fallu faire le point, allant peut-être jusqu'à t'en vouloir d'avoir été aussi dur avec ta propre sœur. « Je me doute, et c'était mal venu de ma part. » C'est le moins qu'on puisse dire. Tu détestais te justifier mais la vérité c'était qu'en général tu arrivais à prendre les décisions en sachant pourquoi tu les prenais. Là c'était beaucoup plus compliqué pour toi. Au point que oui tu n'avais pas pris le temps de l'appeler. Elle s'approchait de toi, posa son doigt à ton torse. Ton regard avait suivi son doigt avant de se relever vers ses beaux yeux. « Ça aurait pu mais je ne serais pas là, si tout que tu dis était vrai. » Une once de sourire s'était pointé à tes lèvres. Tu comprenais qu'elle remette tout en question. Mais pour toi, tout cela n'avait rien à voir avec tes sentiments pour elle. Au contraire, elle t'avait vraiment et sincèrement manquée. « Tu crois qu'on pourrait aller prendre un verre ? » Pour discuter n'est-ce pas ? Tu savais que tu risquais de te manger un vent mais tu n'avais pas hésité à demander pour autant.