Une porte qui s'ouvre, une main qui se retrouve contre ma joue, et une légère brûlure. Voila ce qui me ramena 2 jours en arrière. Mon voyage à Las Vegas s'achevait, j'avais profité de tout ce que la ville avait à offrir. C'était le seul moyen pour ne pas penser à Juliette. Malgré tout, je continuais à surveiller ses activités sur les réseaux sociaux. Je voulais être certains que si elle avait évité de me dire qu'elle m'aimait ce n'était pas parce qu'il y avait quelqu'un d'autre. En fait non... c'était même pire que ça. Elle avait du jour au lendemain changé son statut de en couple à célibataire. En fait c'était pas un autre mec qui la faisait vibrer, c'est juste moi qui ne devait pas être à la hauteur si elle préférait retrouver sa liberté. Dans le doute, je lui envoyais un message pour lui dire qu'il fallait qu'on se parle. Hors de question de la laisser s'en sortir comme ça, je méritais au moins une explication.

Mon retour qui s'annonçait comme un nouveau départ avait prit une toute autre tournure. Mon patron qui avait remarqué mon petit problème d'alcool récemment ne m'avait toujours pas rappelé pour me faire une offre de boulot officielle. J'étais comme qui dirait bloqué entre chômeur et étudiant raté. Pas vraiment la période la plus glorieuse de ma vie. Pendant ce temps là, je voyais Juliette poster des photos d'elle à son nouveau boulot de serveuse. Parfait pour se faire draguer toute la soirée par des gros lourds que j'avais envie d'encastrer dans un mur rien que de penser à ce qu'ils pouvaient lui dire. Encore l'influence de ce Riley que je n'avais vu qu'une fois mais qui ne me disait rien qui vaille...

Tout ça pour dire que la gifle qu'elle venait de me mettre n'avait aucune justification. Me frottant légèrement la joue, je me reculait légèrement pour la laisser entrer. Bonsoir à toi aussi. T'es peut être pas douée pour l'amour, mais pour la violence tu as une sacrée poigne. Je refermais la porte et repris ma bière sur le comptoir sans même penser à lui en proposer une. J'étais dans une sale période et elle n'était plus ma copine après tout, enfin c'est ce qu'elle avait dit au monde entier avant que je le sache. Très mature. Je pensais même pas que tu aurais le cran de venir. Tu aurais pu juste poster sur facebook ou commenter mon instagram si c'était pour me faire des reproches. C'est plus ton truc non ? Elle me larguait par réseau social interposé et voila que c'était moi le salaud. Le monde à l'envers

Des photos ? Ben oui évidemment que j'ai posté quelques photos et peut être qu'inconsciemment c'était pour la rendre jalouse. Pour me venger du fait qu'elle m'avait mis le vent de l'année. Jamais je n'avais sauté le pas avec ces filles. J'aurais pu me dire que c'était seulement sexuel, et que nous avions entre guillemet rompus après notre fameux week-end raté, pourtant j'avais l'espoir fou qu'elle change d'avis. Qu'elle réalise à quel point elle avait été conne et qu'elle ne pouvait pas vivre sans moi. J'étais vraiment pire qu'une meuf à croire à ce genre de truc romantique, comme si ça arrivait dans la vraie vie. J'étais tellement en manque d'amour que j'en étais arrivé à me faire des films et refuser les avances d'une fille qui avait tout ce qu'il fallait là où il fallait si vous voyez ce que je veux dire. Tu pensais peut être que j'allais me morfondre et pleurer dans mon lit en attendant à côté du téléphone que tu veuilles bien te décider à m'appeler ? J'en ai rien à foutre de ces filles, j'ai rien à me reprocher. On a passé du temps ensemble ça veut pas dire qu'il s'est passé quoi que ce soit, arrête ta parano. Pas un sms ? Comme si c'était à moi de faire le premier pas après ce qui s'était passé. Non mais elle est complètement dingue. J'ai jamais eu envie de rompre avec toi, je sais pas si j'ai besoin de te rafraîchir la mémoire mais je t'ai dit que je t'aimais putain... et je suis passé pour le roi des cons. Je pris une profonde inspiration en la voyant se mettre à sangloter. S'il y avait bien une chose à laquelle j'avais du mal à résister c'était les pleurs. J'avais ce syndrome du super héros qui me donnait envie de la prendre dans mes bras et de lui dire que tout allait s'arranger. Seulement, rien n'allait s'arranger. Je ne pouvais pas être avec une fille qui ne ressentait pas pour moi ce que je ressentais pour elle. Juste attendre qu'elle saute sur le premier mec qui passera son chemin, très peu pour moi. Elle me lança un des oreillers du canapé à côté d'elle que j'évitais de peu. Arrête de tout dramatiser et de te faire passer pour la victime. Tu vaux mieux que ça, et je mérite mieux que ça aussi. Dis le moi une fois pour toute que tu ressens rien pour moi et on s'arrêtera là. C'était dur pour moi de lui parler de cette façon, mais j'en avais marre des histoires qui traînaient en longueur pour au final toujours finir de la même façon. Comment j'avais pu croire qu'avec elle ça aurait été différent. Je suis le mec qu'on prend pour un temps et qu'on laisse tomber à la première occasion, il fallait que je m'y fasse.

Bien évidemment que j'avais fait exprès de laisser traîner ces photos sur internet pour qu'elle tombe dessus. Je voulais lui prouver que je m'en sortais très bien, que je n'étais pas touché par ce qui s'était passé même si c'était complètement faux. J'avais tellement laissé tomber ma carapace depuis mon arrivée aux US que maintenant à la moindre complication, je m'en servais deux fois plus pour mettre de la distance avec ceux qui prétendaient tenir à moi. Tellement perdu dans mes pensées et ressassant la colère que j'avais accumulé contre elle depuis quelques semaines, le fait qu'elle m'avoue indirectement être amoureuse de moi était complètement passé inaperçu. Je voulais qu'elle souffre autant que moi j'avais souffert depuis ce fameux soir. Sans rien dire. J'avais tout enfoui. Et à la manière d'une cocotte-minute, il fallait bien que ça finisse par exploser.  C'est facile de dire que tu étais tombée amoureuse de moi à l'époque, on était des gamins, ça ne voulait rien dire même si ça nous semblait être la plus belle histoire d'amour du monde. Mauvaise foi quand tu nous tiens. C'est vrai que je ne faisais aucun effort pour essayer de comprendre. J'étais parti du postulat qu'elle ne m'aimait pas, tout simplement. Alors que les raisons semblaient être toutes autres. C'est quand je la vis à la limite de la syncope que je finis par réagir et me levait d'un bon pour aller lui chercher un verre d'eau. Je voulais lui tendre, mais en réalité, je n'avais qu'une envie c'était de la prendre dans mes bras. Sans réfléchir je laissais l'eau de côté pour venir la serrer contre moi. Je n'y connaissais pas grand chose, mais j'avais entendu dire que pour calmer une crise d'angoisse il n'y avait rien de tel que le contact humain. Je posais ma main derrière sa tête, sans rien dire, la caressant légèrement de mon pouce. Sans qu'elle puisse me viser du regard, j'en profitais pour lui dire tout ce que j'avais sur le coeur. Cette fois ce n'était pas des reproches. Je m'en fous dans le fond que tu me le dises ou pas. J'ai un problème avec les sentiments, je suis désolé. Par contre j'ai pas envie de retirer mon je t'aime. T'es une fille géniale, c'est évident que n'importe quel mec sensé tomberait amoureux de toi. Je m'estimerai heureux juste d'être avec toi. Même si tu n'es pas prête à le dire. Je finis enfin par m'éloigner un peu d'elle pour pouvoir la regarder dans les yeux, lui laisser ressentir qu'elle pouvait me faire confiance. Te sens pas obligée de te justifier si tu n'en as pas envie. Que ce soit à cause d'un ex ou autre, tu m'en parleras quand tu seras prête. Je ne voulais pas la brusquer même si ma curiosité était clairement piquée au vif vu sa réaction.

Encore une chose qui nous rapprochait. La mort. Sauf que cette fois, au lieu d'être un point commun sur lequel nous aurions pu discuter et construire notre relation, elle nous éloignait l'un de l'autre. Après la mort de mes parents, j'avais eu une période de creux niveau sentiments. Je disais à mes copines que je les aimais lorsque je n'en pensais pas un traître mot. Si bien que cette phrase toute simple était devenue pour moi un véritable automatisme. J'avais repris goût à l'amour depuis. J'avais réussi à aimer sincèrement à nouveau. Mais le chemin n'avait pas été de tout repos, loin de là. Je sais ce que ça fait de se sentir abandonner et d'en même temps se détester parce qu'on est en colère alors que c'est l'autre personne qui est morte et pas nous. Je ne connaissais que trop bien l'envie de tout envoyer balader parce qu'on trouve la vie injuste avec nous et avec nos proches. Je faisais mon deuil au fur et à mesure de la disparition de mes parents, mais la plaie avait fatalement été rouverte par le départ d'Eliott. Si ça peut te rassurer, même un tout petit peu... moi je n'irai nulle part. J'esquissais un léger sourire et déposait un baiser sur le haut de sa tête en la gardant près de moi. Je trouvais cela insupportable de la voir dans un état de telle vulnérabilité. Elle ne méritait pas autant de malheur, tout comme je ne le méritais pas non plus à l'époque. Mais c'est la vie. Tout simplement. Ou plutôt, malheureusement.

A la minute où Juliette m'avouait qu'elle m'aimait, je sentis un poids énorme disparaître de ma poitrine. Quel soulagement. Elle m'aimait, oui elle était amoureuse de moi, et j'étais amoureux d'elle. Que demander de plus ? En général c'était à partir de ce moment que les problèmes commençaient pour moi. Chaque fois que je tombais raide dingue d'une fille je me rendais compte que nous étions aux antipodes et que nous n'avions rien à faire ensemble. Est-ce que c'était ma peur de l'engagement qui rendait les filles que j'aimais tout à coup moins intéressantes ? Est ce que c'était moi qui devenait moins intéressant ? T'attends quoi pour m'embrasser Raven ? Un large sourire s'étira sur mon visage. Je ne pouvais pas attendre plus longtemps. Je précipitais ma bouche vers la sienne et dans un geste maladroit vint me cogner contre sa mâchoire ce qui me fit me mordre la langue et sentir ce fameux goût de sang infâme. Je me reculais presque comme un réflexe avant de me mettre à éclater de rire. C'est sûrement de ça qu'on parle quand on dit que l'amour fait mal. Je grimaçais à moitié mais arrachait tout de même un baiser à la belle blonde.