J'ai rêvé de toi encore. Silhouette noire, et taciturne, bruissant dans les gravillons pour mieux me rejoindre. Face aux passants, nous étions deux. Tu accompagnais mes rimes, sur le chant de ta basse. Tu soutenais ma voix sans délier un instant tes lèvres. Curieux jeunes hommes, curieux tandem. Tes cheveux comme le sable noir, les miens irradiaient de soleil. Pourtant, mes yeux clairs cherchaient à peine les tiens quand nous étions en communion, face à la plèbe. À peine un regard, à peine une parole, et quand le morceau s'achève, tu t'en vas toi aussi... Et je demeure seul. Tu revenais pourtant, parfois plusieurs fois par semaines, mois après mois, pour retrouver notre harmonie. Tu es devenu ma force tranquille et apaisante sur ce trottoir nu de Boston. Mais, comme un amant délaissé et lâche, j'ai fini par quitter les lieux. Sans jamais revenir. D'autres notes de musiques m'attendaient.

Je travaillais, encore et toujours, sur la préparation de mes leçons lorsque j'ai reconnu les cordes de ta basse. Mélodie frissonnante et attirante, tandis que mon regard émerveillé se relève vers la scène improvisée que tu as créé devant les marches en pierre de l'église. Du café où je me trouve, ton instrument palpite sous ma poitrine serrée. Et sans réfléchir, tel un automate, j'abandonne mes partitions pour te rejoindre, ma seule guitare à la main. Jamais elle ne quitte mon bras. Et pour une fois, c'est moi qui te rejoins. À ton intensité féroce, j'apporte des touches de candeur. Et j'aime retrouver nos deux voix musicales. Nos instruments se parlent entre eux comme deux vieux amis, en harmonie. Et pour une fois, je te regarde, droit dans les yeux. Et je slamme les mots qui me viennent, sans faire attention au reste.