caractèreMarius c’est l’gars que tout le monde veut à sa fête, sorti d’une pub Lacoste, le genre de type dont les gars affirment jalousement dans le dos qu’il “doit sûrement avoir une petite bite.”, la perfection c’est que pour Dieu. Une gueule d’ange et le profil grec, des épaules fortes et souples qui trahissent son goût pour le crawl, éternel sujet de fantasme. Marius c’est le gendre idéal : intelligent, l’humour fin, sportif, propre sur lui, quand à l’argent rassurez vos parents, un article de doctorant d’Harvard dans une revue universitaire ça vaut son poids de pesos. Certes son humour se fait souvent aux dépens du plus faible mais quand mister van Oordt rit, l’assemblée suit. Bien, ça c’est pour le Marius que tout le monde vous décrira, envié et sûr de lui. Mais vous savez, les apparences...

Marius a le sang chaud. Le son répété d'un chewing-gum claqué contre le palais, le steak trop cuit, le serveur mal aimable, un rien suffit pour que les tempes se mettent à battre, le palpitant à accélérer, le sang à affluer vers les poings. En public, Marius se contrôle toujours, presque toujours. Ses yeux sont durs, sa mâchoire vérouillée, son corps tendu, mais il sait crever l'abcès, rester ultimement maître de lui-même, vous faire oublier que vous étiez gêné l'espace d'un instant à vous demander ce qui irritait autant ce type pourtant si charmant. En privé, c'est un loup. Un chien enragé. Un fou. Mesdames fuyez, si ce chéri là s'énerve, votre mâchoire finira écrasée contre le parquet, à chaque dispute plus proche du cercueil. Mais vous savez, les apparences...

admission à harvardMarius a débuté ses études supérieurs à l'université Leiden, la plus prestigieuse des Pays-Bas. Quand il obtient sa licence, il est majeur de promotion, prêt à s'envoler vers d'autres horizons, armé de lettres de recommandation en béton armé, rédigées par tous ses professeurs se pâmant d'avoir un élève si talentueux. Après un entretien dans un anglais précieux, les bébés néerlandais étant gavés aux dessins animés dans la langue de Shakespeare, il attend quelques semaines avant de recevoir son heureuse admission en master dans l'université la plus prestigieuse du monde.

story of my life
PROLOGUE
Un bébé dodu, joufflu, rose comme un porcelet voit le jour à Amsterdam, alors pas encore capitale mondiale de la fumette, bébé qui fait le joie de ses deux parents, Dirk et Julia Van Oordt, lui professeur de physique quantique, elle députée au Parlement néerlandais, des gens honnêtes, intelligents, en tout point agréables, grands, sveltes, souriants, bref, la famille Central Parks. Trois ans plus tard, la petite soeur pointe le bout de son nez, Leena est aussi charmante que son grand frère et les deux sont rapidement inséparables, toujours fourrés ensemble. Alors qu'à la rentrée des classes certains enfants se laissent traîner en pleurant sur le chemin de l'école, Marius passe le pas de la maternelle avec un air de César conquérant, ses bouclettes brunes de chérubin en guise de couronne de lauriers. Une semaine de cours et la maîtresse est déjà gaga de ce petit bout de chou qui apprend plus vite que ses camarades, potentiel harvardien déjà décelé à cinq ans sur le pot, mais surtout un élève qui se fait apprécier de tous, adultes comme enfants. Un ange.

I. LES BÊTISES
Vive le vent, vive le vendredi. Pour le week-end la famille se retire dans une petite station balnéaire près de Rotterdam, profitant de l'inhabituelle chaleur pour faire trempette dans la mer du Nord. Marius a neuf ans, Leena en a six. Après quelques châteaux de sable et jolies photos souvenirs des Van Perfekt à la plage, les deux gamins s'éloignent du sable, avancent jusqu'à avoir l'eau au niveau des épaules, même si papa et maman répètent de ne pas trop s'éloigner du bord. Jeu innocent, plif plouf, ils s'aspergent, s'agitent. Leena prend une gorgée d'eau, arrondit ses joues comme un hamster et ploc, s'applatit le visage pour arroser son grand frère. L'eau salée atterrit dans les yeux du garçon, l'aveugle pour quelques secondes, le sel abrasif irrite la pupille, l'oeil se gonfle, rougit. Il a mal. Un mal qui se mue en colère, il la connaît cette colère, colère qui fait frétiller ses doigts, qui amplifie sa respiration, lui donne le souffle d'un taureau. Colère qui lui fait tirer les nattes de sa soeur lorsqu'elle casse un de ses jouets, griffer sa peau si elle se moque de lui avec ses copines, cracher sur son visage si elle chante trop fort des chansons que lui n'aime pas. Le coeur bat plus fort, ses joues deviennent écarlates. Il n'est jamais en colère devant eux, ses parents. Mais ils sont loin, loin sur le sable alors que sa soeur et lui sont cachés par les vagues, ils ne verront rien, n'entendront rien, la colère absorbée par la houle. Marius attrape les épaules de sa soeur, les pousse pour l'enfoncer sous l'eau, la petite tête blonde de Leena est engloutie par la mer du Nord. De loin, on pourrait croire à un jeu. Et lui répète, s'époumonne, "tu m'as fait mal, mal !". Et alors il a moins mal, parce que sa petite soeur qu'il aime tant comprend que ce qu'elle a fait n'était pas bien, qu'il lui rend le mal qu'elle lui a fait, la colère part, s'en va, disparaît dans ce sentiment enivrant de puissance et de domination, Marius tout puissant. Papa se relève de sa serviette, vérifie que tout se passe bien :.... sa fille chérie a disparu. "Leeenaaaa !" Son regard se pose sur la silhouette de son fiston, les tempes écarlates, les dents sorties, le regard noir, arc-bouté sur quelque chose qui remue, s'agite, se débat. "Leeenaaaa !" Il fait valser ses vêtements, plonge jusqu'aux deux enfants, pousse avec effroi son fils pour libérer sa petite fille de son emprise. "Aux serviettes ! Tous les deux !" On se sèche, on monte dans la voiture et on oublie vite cette sale histoire. Ni Dirk ni sa femme n'a le courage de disputer le petit Marius, ne voulant pas croire que leur petit angelot puisse être capable de noyer sa soeur avec qui il passe tout son temps. Alors on oublie, on décide de rentrer à la maison plus tôt, d'abréger le séjour, on fera la route de nuit. Tard le soir, les Van Oordt reviennent de leur charmante escapade à Bergen aan Zee, tant mieux cette jolie famille nous avait tant manquée !

II. PROM KING
Comprendre comment se faire aimer et par qui, voilà sûrement ce qui a le plus servi au brun. Pour plaire aux adultes, il faut toujours être diablement fin, la répartie intelligente, le bon mot, l'aisance en société. Avoir l'air propre sur soi, trop mature pour les merdes des jeunes d'aujourd'hui, un bon samaritain. Pour plaire à ses pairs, il faut aussi leur inspirer un peu de crainte. De la sympathie bien sûr, mais un peu de crainte, à quoi se mêle vite l'admiration. Marius sait jouer des codes, refuser le cigare du maire avec l'air de gentleman en donnant pour excuse les exigences sportives, être le roi du joint aux soirées dans lesquelles il est toujours invité. Avoir un humour suce-boules à la table des grands de ce monde, toujours rire en moquant le plus faible au lycée, tout le monde est dans ton camp de peur d'être le prochain sur ta black list. Capitaine de l'équipe de natation de son lycée, élu prom king lors du bal des graduates, petit ami de Guusje, élue au conseil événementiel du bahut, puis de Hilde, déléguée des élèves, enfin d'Adelheid, élue prom queen à ses côtés. Puis les notes qui vont avec, premier à recevoir son admission à Leiden, université qui fait de l'oeil à tous les bons élèves de sa promo. Tout semblre lui réussir. Alors bon, évidemment, on évite jamais les petits bruits qui courent, comme quoi il aurait des accès de violence, comme quoi il aurait refait la gueule d'un type mais l'affaire n'a jamais eu de suite, comme quoi Guusje répète en boucle qu'il l'aurait violentée, mais ça semble gros non ? Puis c'est lui qui le dit : "c'est une folle hystérique en manque d'attention, c'est pour ça que je l'ai jetée" et on le croit davantage qu'elle, de toute façon, on n'ose pas le critiquer de peur de passer pour un misérable jaloux ou de perdre ses faveurs. Non, non, y a pas à tergiverser, tout le monde vous le dira, un chic type.

III. HIGH OFF OF LOVE, DRUNK FROM MY HATE
Guusje ne ment pas. Hilde non plus, bien qu'elle ait toujours fait promettre à ses copines de tout garder pour elles. Marius est violent. Sa petite soeur s'est renseignée secrètement sur le sujet, ça pourrait être pathologique, il n'y peut rien. Voilà comment elle l'excuse, pour l'avoir un peu bousculée dans sa jeunesse. "Un peu", "bousculer", l'euphémisme rend les choses plus faciles. Il semblerait que l'intensité des coups soit proportionnel à l'attachement émotionnel. Quand le type qui le chauffe un peu se contente de l'uppercut, il a déjà envoyé une ex à l'hôpital, internée trois jours pour chute violente du haut de l'escalier, déguisement habile de la vérité. Parce que voyez-vous, Marius aime. Vraiment. Il a beau savoir manipuler son auditoire pour s'attirer les louanges, quand à ce qu'il ressent lui, il est toujours honnête. Certes, il y a eu les filles d'une nuit, le garçon n'étant pas tout à fait insensible aux plaisir d'en-bas, mais il y a aussi les filles de sa vie, celles pour qui son coeur a battu plus fort, pour qui ses pensées se sont faites cotonneuses, son ventre chamalow. Enfin, tout en haut de la pyramide, il y a sa soeur, son ultime confidente, sa partenaire dans le crime, celle qu'il emporterait sur la Lune. Lui n'est pas comme tous ces types qui ont peur d'aimer, au contraire, il est presque accro à la dopamine et aux pensées embrumées par l'âme soeur. Marius il aime jusqu'à cogner, jusqu'au sang. Rouge. D'ailleurs est-ce si anodin si la couleur de ses violences est la couleur de l'amour ?