M A R S , 2 0 1 9 – Voilà quatre jours que tu étais à Hawaï, c’était les débuts du sping break. Tu voulais profiter d’une journée libre pour aller explorer le coin, ne pas boire pour profiter de chaque instant, te retrouver pendant quelques heures. Un sac sur le dos, et des baskets aux pieds, tu quittas l’hôtel et avais répondu négativement aux propositions que l’on t’avait faite. Appareille photo autour du cou, tu ressemblais parfaitement à une touriste. Tu t’en moques parfaitement. Selon toi, un smartphone ne peut capter aussi intensément l’instant, le sublimer aussi parfaitement. La nouvelle technologie met le côté pratique en avant et oublie le plaisir. Celui qui pend à ton cou est un vieil appareil, celui qui fonctionne une pellicule. Il est parfois appelé ancêtre, et mal connu des nouvelles générations. Longeant le long de la plage, tu profites du paysage pour capter en image. Un instant qui restera gravé sur un négatif. En bidouillant le zoom, tu fixes un homme. Il te semble familier, connu dans un lointain passé. Son visage a bien changé, marqué par les années écoulées. Voulant confirmer tes doutes, tu t’approches de l’individu. À chaque mètre en moins qui vous sépare, ton doute s’évade. Il lui ressemble tant, à ce jeune homme rencontré à Melbourne. Tu n’étais qu’une ado à cette époque, le voilà métamorphosé. Désormais, à quelques pas de lui, tu te décides de te jeter à l’eau. Quitte à te tromper autant enlever tous doutes de ton esprit. « Laszlo ? » Tu l’interroges incertaine de toi. « De Melbourne ? » Comme si ça pouvait l’identifier. Mais t’en es sûr désormais. Il y a des visages que l’on ne peut oublier. Le sien en fait visiblement parti. C'était comme si tu avais fait un retour vers le passé, un dans l'espace-temps.

M A R S , 2 0 1 9 – Comme tu aurais pu t’en douter, il ne se souvient pas de toi. Tu devais avoir quatorze, quinze ans lorsque vous vous êtes rencontrés. Et depuis, rien. Vous avez continué vos vies sans se préoccuper de l’autre. C’était une rencontre amicale, le genre que l’on peut faire quotidiennement. Pourtant, son visage tu l’as encore à l’esprit. Tu te souviens de cette journée. À l’inverse, il éprouve des difficultés, à se remémorer. Lorsqu’il parle de lui à la troisième personne, tu ne peux t’empêcher de sourire. Tu t’apprêtes à lui répondre, mais il te coupe dans ton élan, préférant trouver par lui-même. Il semble remettre ton visage, s’en souvenir, ou alors il joue parfaitement la comédie. Il cherche au plus profond de ses souvenirs. Tout son corps est à la pêche. « Je sais bien que ça remonte à il y a plusieurs années, mais je pensais être quelqu’un qui marque les esprits. Je suis déçue. » Les lèvres pincées, tu lèves les épaules tout en penchant la tête sur le côté. C’est une plaisanterie. « Danae. » Tu ne sais pas si ça va aider. Peut-être qu’il t’a tout simplement oublié, jeter à la poubelle. Ce n’est pas comme si c’était un souvenir qui pouvait changer toute une vie. On peut s’en passer. Remettant une mèche derrière ton oreille, tu te dis que tu lui fais perdre son temps. Il n’est pas venu à Hawaï pour entendre une vieille histoire. « Laisse tomber, fais comme si tu n’avais vu personne. » D’un signe de main, tu accompagnes ton expression, lui signifiant que ce n’était pas bien grave. Chacun allait repartir à ses occupations, oubliant ce qui venait de se produire.