Ce soir Stella, tu te préparais à sortir. L'étoile brillerait de ses diamants et de sa robe blanche parmi l'obscurité malsaine d'une nuit trop vite tombée. On aurait pu penser à une mariée abandonnée, seulement tu n'étais que la reine qui se mettait à s'émerveiller. La nuit t'appartenait Stella, elle était là, rien que pour toi. Et comme à chaque fois que tu décidais de t'abandonner entre ses bras, tu faisais en sorte qu'elle ne t'oublie jamais. Tu t'étais fait inviter à cette soirée de mondanité, mélangeant strass et paillettes, champagne et homard. T'enfilais tes talons Gucci lorsque la sonnette retentissait. Tu soupirais, agacée. A vrai dire, t'avais décidé d'engager un chauffeur pour t'emmener partout où tu le désirerais. Après quelques messages échangés, un appel téléphonique, une brève rencontre et il était engagé. T'en avais assez de payer des taxis à chaque fois que tu désirais sortir. Toi qui avait toujours connu le privilège de te faire conduire, tu ne comptais pas perdre tes habitudes en emménageant ici. Seulement le jeune homme commençait mal, et toi, Stella, tu ne supportais pas qu'on te manque de respect. T'ouvrais la porte, tenue mal agencé, sourire loin d'être parfait et retard exacerbé. "Vous êtes en retard". Tes yeux le scrutait de bas en haut, puis de haut en bas. Tu te pinçais les lèvres, retenant les mots qui te chatouillaient. Vous êtes viré. Tu fermais les yeux, t'inspirais. "C'est quoi votre excuse ?". Tu détestais ces américains, pourquoi avais-tu décidé d'en engager un ?

Je ne devrais pas être en retard mais je le suis. Je suis déjà censé être à sa porte et escorter Mlle Stella Cavalero où elle le désire. Dans une de ces soirées de haute prestige, mais non je suis encore dans mon appartement à me battre avec cette cravate. J'ai rapidement fini par abandonner. Mes nerfs ont été mises à rude épreuve trop longtemps à mon goût. Tant pis, elle se contentera du chauffeur Tommy négligé. Chemise à peine repassé et les cheveux ébouriffés. Je cours même pas à elle. Je marche tranquillement jusqu'à arrivé au ponton de la demeure et appuie sur la sonnette. "Très perspicace." J'aurais dû me taire. Maintenant elle va me virer en me claquant la porte au nez et j'aurais porter ce costume à la con pour rien. Toute cette galère sans que je ne puisse avoir la chance de conduire une voiture luxueuse. Sans qu'on me rapporte le salaire promis dont j'ai besoin. "Le noeud Windsor." Le pire c'est que je ne mens même pas mais je suis pas sûr qu'elle me laissera m'en sortir étant donné mon habituel ton non-chalant. En plus, il est même pas fini ce noeud. Mal parti pour une première impression... "Tu peux me tutoyer tu sais. J'ai pas l'âge de ton père." Plus je parle plus je m'enfonce mais j'en ai rien à faire. Ces riches, toujours trop de manières. Je comprendrais jamais. Moi par contre, j'en ai pas assez. Fidèle à moi-même.

C'était peut-être une erreur de t'avoir élevé comme si tu pouvais régner sur tout ce qui bougeait. A des kilomètres des lieux que tu avais toujours connu, tu ressentais toujours autant ce pouvoir et cette soif de contrôler. L'arrogance n'égalait sûrement que le nombre de zéro sur ton compte en banque. Tu le regardais de haut en bas, mal fringué, la gueule pas très bien réveillé. Qu'est-ce qui t'avais bien pris d'engager ce mec qui, de toute évidence, ne semblait pas qualifié ? Tu soupirais à sa remarque, de toute évide, agacée par le personnage. Tu lui laissais une chance de se rattraper, sous peine d'être viré sans précéder. Tu finissais par lâcher un léger rire, sourire à demi avoué, faute à moitié pardonnée. Tu reprenais cependant tes esprits, laissant le givre figer ton visage. "C'est une mauvaise blague j'espère ?". Le problème Stella, c'était que t'avais pas le temps pour discuter. Et l'idée de monter dans un taxi qui n'avait pas été désinfecté avant ton passage, ça te répugnait. Tu te maudissais, une fois de plus, d'avoir emménagé dans cette ville qui ne semblait, de toute évidence, pas faite pour toi. T'étais prête à lui donner les clés de la Maserati Levante Trofeo, seulement ses mots piquaient à nouveau la princesse qui s'éveillait. "Et moi je ne suis pas une des pétasses que tu vas trouver à chaque coins de rues. Si tu me tutoies encore une fois, t'auras un mauvais souvenir de moi". Voix froide, menton levé, tu secouais la tête. "Tu sais quoi ? Barre-toi, j'ai pas besoin d'un scioccio (idiot) qui ne respecte rien comme chauffeur".

Stella semble croire à une hallucination mais malheureusement pour elle ce n'est pas le cas. C'est bien moi. Tommy dans toute sa splendeur. "Y'a l'air d'avoir des caméras autour ?" Je tourne la tête à droite puis à gauche, faisant mine de chercher. Je repose mon regard sur la brune et hausse les épaules. Son joli visage est fermé. Elle a les sourcils froncés, les yeux tournés vers le ciel. Elle est agacée mais je le suis tout autant par cette prétention. Son répondant me plait quand même c'est pour ça que j'appuie un peu plus comme j'aime faire. "Quoi ? Principessa serait prête à abîmer son vernis pour me faire la peau ?" Stella montre ses griffes. Elle me répond et glisse un mot en ce qui ressemble fortement à de l'italien. Je n'ai que peu de notions dans cette langue mais ça m'étonnerait qu'elle m'ait fait un compliment. Je suis partagé entre me barrer d'ici comme elle me demande de faire et de ne pas le faire justement. "Si c'est ce que tu veux." J'ai rien à perdre, je me débrouillerai, comme toujours. Elle par contre, je doute qu'elle puisse trouver quelqu'un pour l'emmener à l'endroit où elle avait prévu d'aller aussi tard et autant à la dernière minute. "Dommage que tu te sois préparée pour rien." Je suis sa seule option. Si l'italienne reste obstinée alors qu'il en soit ainsi, ça m'est égal à moi. "C'est pas de ma faute si tu te vexes facilement."

Le problème avec toi Stella, c'était que tu te pensais mieux que tout ce qui t'entourais. La parole sage, la conscience suprême. Tu ne supportais pas la négligence, tu ne supportais pas les déviances. Tu le regardais et finalement, tu te demandais bien pourquoi tu l'avais engagé. Il semblait ne ressembler en rien à tous les chauffeurs qui avaient eu l'occasion de te conduire en Italie. Tu manquais peut-être de discernement, Stella, pour engager du personnel. Tu te maudissais, et te jurais intérieurement de demander conseils à ton père. Encore fallait-il qu'il daigne répondre à tes coups de fils. Tu soupirais, à ses remarques, à ses provocations. "Je ne vous permets pas de me juger". Parce que tu t'étais jamais laissée faire Stella, personne n'avait le droit te marcher sur les pieds. T'étais la seule qui avait ce pouvoir, celui de te rabaisser. Tu brillais, c'était une certitude. "C'est bon, j'en ai assez entendu. Vous pouvez rentrer chez vous". Tu tournais les talons, claquais la porte. Tant pis, tu ne sortirais pas ce soir. C'était peut-être un signe des astres, Stella, il fallait que tu restes chez toi.