Bordel de merde! Premières belles paroles au réveil. Forcément. C’est ça quand on préfère les vieilles bagnoles de collection aux modèles récents et écologiques. La petite Chevrolet rouge joue les sanguines une fois de plus. Je me retrouves à frapper sur le volant comme une folle, comme si c’était possible de faire cesser le ronronnement un peu trop bruyant du moteur. Quelques mètres à peine et je cale. Je me bouffe la lèvre, observe les alentours dans l’espoir de trouver une solution miracle. Forcément, il n’y en a pas. Je lève les yeux au ciel et finis par caler à mon tour. Adieux la séance de shopping et bonjour le garage. Difficilement, j’arrive au petit garage du coin, celui où travaille Tommy. Je redresse mes lunettes de soleil sur le sommet de mon crâne, fais peter une dernière fois la bulle de chewing-gum entre mes dents et sors de la voiture. Talons noirs, robe bleue marine, fourrure aussi noire sur la cendre ouais, je fais un peu tache dans le décor mais, je m’en fiche. Je pénètre à l’intérieur et m’éclaircis la voix quand je vois le jeune homme occupé sur une autre voiture.

Me tourner les pouces ? Je connais pas. On pourrait même me confondre avec un employé tellement je m'arrête pas c'est pour dire. J'ai jamais brillé à l'école mais là il s'agit de mon garage et je suis complètement investi et bosseur. Honnêtement, je n'aurais pas pu rêver mieux. J'ai eu la bonne étoile en ayant rencontré Evan sur mon chemin. Sans lui, je serais sûrement encore à la rue. La tête dessous le bas de la voiture dont je m'occupe, j'entends mon ami m'appeler et me prévenir qu'on me demande. Seuls mes pieds dépassant, je finis par sortir et croiser le visage de Colombe au dessus de moi. Heureusement que je tombe pile sur sa face et non sur ces belles longues jambes. "Tiens qui voilà." Surprise qui n'en est pas réellement une. Au fond de moi, je savais qu'elle reviendrait. Il était juste question de temps et ce temps est arrivé pour mon plus grand plaisir. Même si elle ne m'a pas fait attendre longtemps, j'étais impatient. Je me relève et attrape un torchon pour m'essuyer les mains. "Que me vaut cette visite ? Je te manquais trop, c'est ça ?" Colombe l'admettra pas mais il doit y avoir de ça. Je l'admettrais pas non plus mais il m'est arrivé de penser à elle aussi. "T'aurais pu prévenir, j'aurais fait un effort pour être plus présentable." dit-je en observant sa tenue qui lui va à ravir. C'est pas comme si elle m'avait jamais vu torse nu tâché de cambouis partout mais bon. "Encore un problème avec ta Chevrolet ? Il serait peut-être temps que tu la changes." que je lui demande en accentuant sur le premier mot. Je sais que c'est surtout une bonne excuse pour elle que sa voiture fasse des siennes et je m'en amuse. "Mais je dis pas que je n'aime pas que tu viennes me voir hein."

Je suis un peu énervée, peut-être même beaucoup sur le coup. Faut dire que ma voiture en fait vraiment qu’à sa tête. Le moteur, la batterie, j’en sais plus rien. Tout déconne apparemment. Rien de précis. C’est l’ensemble. Plusieurs fois que je dois l’emmener au garage parce que madame se retrouve en panne sur la chaussée. C’est limite si elle a démarré ce matin. Meuf en galère trop sentimentale pour changer de caisse. Faut dire que c’est le seul véritable cadeau que papa m’ait fait. Autre d’un truc à je ne sais combien sans réel importance ou intérêt à ses yeux. C’est une petite chose à laquelle il tenait. Elle vaut plus cher que n’importe quoi à mes yeux. C’est pour ça que toutes les autres voitures que je possède restent la plupart du temps au garage. Hormis lors de mes déplacements spéciaux tels sur les soirées... Voilà comment je me suis retrouvée au garage plutôt que dans mes boutiques préférés. Je suis arrivée sur place quelques minutes plus tard et j’ai directement demandé Tommy. Bah ouais, on est jamais mieux servie que par le boss. Je me suis approchée de la voiture sur laquelle il était en train de bosser et j’ai attendu qu’il daigne se redresser. Sourire aux lèvres en entendant ses paroles, je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel comme si sa remarque était complètement absurde. Prends pas tes rêves pour une réalité Tommy. Bah oui, c’est vrai. J’ai pas réellement besoin de lui. Enfin si, un peu. Mais bon, je veux pas l’admettre, ça serait trop beau. Je le dévisage de haut en bas. Je me prive pas pour le coup. C’est pas comme si je t’avais jamais vu comme ça! Je lui adresse un clin d’œil et croise les bras tandis qu’il me questionne sur la Chevrolet. Je m’appuie contre la voiture et je continue encore et toujours à défendre ma Chevrolet. J’y tiens Tommy, tu le sais très bien... Et puis je sais que t’aimes bien quand je suis dans le coin... Je m’approche un peu plus, sourire provocateur collé au visage avant d’agiter mes clés. Du coup, tu veux t’en occuper ou je vais voir ailleurs ?!