Assise au milieu du parquet de la scène, le menton sur les genoux, les yeux rivés sur la salle vide et plongée dans le noir. Seule, tu étais toute seule. Assise là, tu semblais faire le point sur un tas de chose, alors que non, t’avais la tête vide. Tu ne pensais à rien, ne cherchait à penser à rien. T’étais juste là parce que tu t’y sentais bien. Et puis y’avait cette feuille à tes pieds, le thème que tu avais tiré au sort quelques heures plus tôt lors de ton cours pour la prochaine séance d’impro. L’amour à la haine. Un domaine que tu ne connaissais pas, surement trop heureuse dans ta vie pour y avoir mis un pied. L’amour, en revanche… T’attrapes ton téléphone et envoie un texto à Maverick, il pourra surement te donner la réplique. Non, il y connait rien au théâtre. Mais tu lui dois un cours. Alors t’appuie sur envoyer et replonge dans le vide de ta tête, cherchant comment jouer la l’amour et la haine.

T'as reçu un texto de Cali quelques instants plus tôt. Alors tu décides de la rejoindre parce que ouais, elle t'a promis un cours de théâtre et vous en avez déjà parlé. Tu prends ta bécane et arrive devant l'endroit, tu sautes sur place parce que tu te cailles. Faut dire que t'es con, t'as juste pris ton cuir et un simple tee-shirt en dessous alors qu'on est en janvier normal. T'as la gueule défaite et encore quelques points sur ton arcade. C'est que la troisième fois que tu t'ouvres là, y'a pas de mal. Mais ça te donne encore plus une allure de déjanté. Tu arrives dans la salle et c'est tout noir. « Bouhhhhh » que tu lances en souriant avant de descendre vers l'estrade. T'y trouves une Cali songeuse avec un papier. Et tu la regardes de ton haut, très haut. « On rejoue la mélancolie du monde passé ou bien ? » Tu sais pas, tu feras ce qu'elle te dit, t'as envie de te défouler et le théâtre c'est un bon moyen non ?

Combien de minutes se sont écoulées avant que la lourde porte du théâtre ne grince, brisant le silence dans lequel tu t’étais enfermé ? Dix, quinze ? Peut-être plus, surement moins. Aucune idée. Bouhhhhh T’aurais pu avoir peur, mais c’est loupé. J’t’ai entendu, Maverick. Mon cœur a manqué de lâcher, bougre idiot ! que tu réponds un sourire aux lèvres, levant enfin les yeux vers lui pour quitter le vide. On rejoue la mélancolie du monde passé ou bien ? Tu tends ta main pour qu’il t’aide à te relever. Ses grandes mains, énormes mains, ça te surprend toujours. Parfois tu te demande si absolument tout est disproportionné chez cet homme et.. tu rougis. Naan. Bonne année, j’crois que c’est de coutume quand on se voit pour la première fois depuis le réveillon. réponds-tu en entourant tes p’tits bras autour de lui pour une espèce d’accolade qui semblait compliquée vue vos différences de taille. Tes yeux qui se posent sur la cicatrice sur son arcade, tu soupires. Qu’est-ce que t’as encore fait ? souffles-tu en laissant ton doigt l’effleurer, tout doucement.

Elle te traite de bougre d'idiot et toi tu as ton grand sourire aux lèvres. Pas un compliment ne peut te faire plus plaisir. « C'est tout noir là dedans. » Tu arrives finalement à sa hauteur et lui tend la main pour l'aider à se relever. Elle se tient près de toi passe ses mains autour de ton cou pour te souhaiter une bonne année. Tu souris , referme ta main autour de sa taille et la soulève doucement comme ces danseurs trop classes, simplement pour l'embrasser sur la joue. « Bonne année ma Cali. » que tu dis avant de la reposer par terre. T'as cette sale habitude avec les filles, mais elles sont si petites et légères aussi. T'as passé ton enfance à porter tes petites sœurs alors tu fais ça quand t'aimes bien les filles de ta vie, c'est tout. Elle voit ton arcade n'empêche et tu lèves les yeux au ciel. « Oh rien des excès à la Maverick. » ça t'apprendra à draguer sans regarder si y'a un mec autour. Ce sera pas la première fois, ni la dernière. « Et toi, bon réveillon ? » que tu demandes parce que vous vous êtes pas parlés entre temps.

C’est vrai qu’il fait sombre, y’a juste les panneaux indiquant les issus de secours qui amènent un peu de lumière au théâtre. T’irais allumer les lumières après, promis. Bonne année ma Cali. qu’il te répond en retour en te faisant décoller du sol. Du Maverick tout craché, tu n’étais plus vraiment surprise. Tu profites d’être là haut pour poser tes lèvres contre sa joue à peu près bien rasée, pour une fois. Bonne santé et tout le flan habituel, ok ? que tu ris en regagnant le plancher avant de remarquer son arcade abimée. Oh rien des excès à la Maverick. Tu secoues la tête en levant les yeux au ciel. Pas bien malin. Tu ramasses la feuille qui traîne et la range dans la poche arrière de ton jean avant d’aller pousser l’énorme bouton qui permet d’enclencher les lumières de la scène. Et toi, bon réveillon ? Plutôt ouais. J’ai mis deux jours à m’en remettre, mais c’était cool ! T’avais pris une cuite monumentale et dormi que quelques heures Le lendemain, t’avais été malade au possible et avais réussi à récupérer un peu seulement le surlendemain. Merveilleux, pas vrai ? J’ai une scène d’impro à jouer la semaine prochaine sur le thème de l’amour à la haine. J’t’ai fait venir pour savoir si tu voulais bien m’aider ? M’aider à trouver l’inspiration, à trouver comment aimer et détester quelque chose, à me créer un personnage que j’ressortirais la semaine prochaine. Tu t’assois sur une grande malle et pose les yeux sur le Lowell. Depuis l’temps que je t’avais promis un peu de théâtre, voilààà !

Ouais t'aimes pas trop tous ces trucs de bonne année. T'y crois pas. Tu crois pas au calendrier. Les jours se suivent et y'a rien à faire contre ça. Toi, tu dois juste profiter et cramer ta vie jusqu'à plus soif. C'est le seul objectif que tu te sois fixé dans ta putain de vie de fou Maverick. Alors quand Cali te demande de venir faire du théâtre avec elle, tu réponds naturellement. T'es jamais contre un peu de nouveauté dans ta vie. « Tout le flan, c'est ça ouais. » Que tu reprends en te marrant doucement. Elle te questionne sur ton arcade et tu lui expliques sans rentrer dans les détails, pas besoin, elle commence à te connaître de toute manière. Alors tu hausses les épaules faussement désolé. « J'ai jamais dit que je l'étais. » T'aimes bien jouer le rôle inverse. T'es plutôt malin en vrai c'est clair, mais t'es surtout un impulsif. Elle t'explique donc qu'elle a une scène d'amour/haine à jouer pour son prochain cours et tu passes ta main dans tes cheveux pour réfléchir, t'aimes le challenge. Même si t'es pas un grand expert en amour. La haine par contre... « On discute un peu des personnages où on se lance à l'aveugle ? » Que tu demandes avec un petit sourire. Tu sais pas trop comment ça se passe, après tout, c'est elle le professeur.

Malin, ouais. Non, t’avais pas les mots pour définir Maverick. Il était tellement.. Maverick ? Tu l’adorais pour ça, dans le fond, vous étiez tellement pareil tous les deux. Pas vrai, Mav ? Puis tu lui lâche l’idée de sa venue ici : tu l’as pas amené là pour enfiler des perles, ok ? Assise sur ta grande malle en bois, t’attends qu’il te réponde. Il semble réfléchir, vraiment, c’est un choix compliqué ? On discute un peu des personnages où on se lance à l'aveugle ? Il est d’accord, hell yeah. Tu t’relèves, te débarrasses de tes converses – t’avais toujours préféré jouer nue pied – puis te rapproche de ton ami. C’est quand même mieux d’avoir une petite idée de son perso en tête. De sorte à rester cohérent, tu vois ? dis-tu en fronçant ton joli nez. Tu fermes les yeux et réfléchi un instant. L’amour, la haine. C’que ça t’évoque ? Le mal. Une rupture amoureuse ? Trop facile, trop prévisible, trop facile. Ca t’parle toi, comme thème ? Vas-y, lâche tous les mots qui t’passent par la tête. que tu lui dis en sautillant sur place, comme si ça allait t’aider à trouver quelque chose de génial, d’innatendu.

ça te botte carrément, depuis que t'as joué ce rôle, t'aimes bien l'adrénaline que ça provoque de se mettre dans la peau d'un autre. Alors t'es novice mais t'es carrément pour progresser. Tu lui demandes si faut définir les rôles ou si faut improviser totalement. Vu que vous êtes tous les deux, ça te paraît cohérent qu'il y' ait un minimum d'entente dès le départ. « Ok. » que tu dis alors qu'elle enlève ses chaussures. Tu la regardes bizarrement, faut vraiment que vous vous désapiez à chaque fois que vous faites quelque chose ensemble. Du coup, tu retires ta veste que t'envoies rouler par terre au loin. Elle te demande de dire tout ce que ça t'évoque. « Des frères et sœurs qui ne sont plus d'accord, un amour impossible, une rivalité ambiguë, deux ennemis obligés de se sauver mutuellement, l'abandon, je sais pas... » Que tu souffles tout en continuant de réfléchir. Tu sais pas pas mais tu sens que ça t'inspire, y'a une multitude de situations que vous pouvez jouer.

Ok, réfléchit Cali. T’as tes petits pieds qui frôlent le parquet alors que Mav’ envoi bouler sa veste. Tu cherches, tu réfléchis, et puis tu lui donne son premier exercice. Des frères et sœurs qui ne sont plus d'accord, un amour impossible, une rivalité ambiguë, deux ennemis obligés de se sauver mutuellement, l'abandon, je sais pas... T’agites ton index doucement devant toi, les yeux toujours fermés, comme si tu cherchais l’inspiration, le truc qui pourrait tout bouleverser. Violence conjugale ! que tu souffles en ouvrant finalement les yeux. Cassie, 22 ans. Elle l’aime, de tout son cœur. Avec lui depuis quelques mois, années, on s’en fou. Mais c’est l’homme de sa vie, l’homme dont elle a toujours rêvé. Et lui, toi, il l’aime tellement, mais tellement.. L’amour. Sauf que leurs forts caractère, à eux deux, ça crée des étincelles. Ca cris, ça fait des grands gestes, ça donne des coups. Elle a le corps meurtri, bleui. La haine. Mais elle n’arrive pas à s’arrêter de l’aimer et c’est surement ça la pire des douleurs. Tu lèves les yeux vers Maverick, reprenant ta respiration. T’avais parlé si vite, trop vite. Pas franchement glorieux à jouer mais qui pourrait s’avérer tellement poignant. Ou bien Emma, 17 ans. Y’a ce gars, qu’elle déteste. Elle le déteste parce qu’il l’emmerde. Il passe sa vie à ça, à lui mettre des bâtons dans les roues, à casser tous ses coups, à lui pourrir la vie. Un jour, elle s’retrouve enfermée avec lui, pendant 24H. C’est long, 24h, quand on est à côté de la personne qu’on déteste le plus. Mais c’est court quand on apprend qu’en fait, elle est complètement amoureuse. C’est un peu le thème inversé mais.. tu glisses tes doigts dans tes cheveux puis hausses les épaules. Je sais pas, choisi. Les deux m’vont, Mav. Toi, choisi ton rôle.

T'as sorti les mots sans réfléchir comme ça te venait. Mais ça a l'air de lui suffir pour l'inspirer. T'écoute attentivement ces deux scénarios, y'en a un qui te semble plus soft que l'autre, sans doute parce que t'es dingue mais t'irais jamais frapper une femme. Après, c'est ça aussi l'exigence d'un rôle, ça vient bousculer tes limites. Elle te demande quelle option tu préfères jouer. Et tu hausses les épaules. « Les deux. » Que tu dis, après tout, tu es là pour l'aider à s'entraîner non ? " On commence par la première Cassie et Matt." Ouais t'as décidé qu'il s'appelait Matt. Tu te tournes pour passer la main dans tes cheveux, t'essaie de te concentrer. « Je te laisse commencer. » que tu dis finalement alors que tu espères rentrer dans le rôle. Tu sais pertinemment que t'es pas aussi doué qu'elle mais t'as envie de t'appliquer pour pas la décevoir. Un peu comme elle lorsque tu lui a appris à jouer de la musique la dernière fois.