Hé merde. Comment entamer en bonne et due forme la rentrée scolaire ? Ne trouver aucune babysitter disponible pour Caprice, Marla étant indisponible pour une raison qu'il ignorait. Et dont il ne préférait ne pas connaître, pour ne pas s'impliquer, sûrement quelque chose en rapport avec Philip. Tout ce qu'il savait c'est qu'il avait rendez-vous pour un stupide projet scolaire avec Bleach - à son plus grand désespoir - dans quinze minutes et sa fille était actuellement à ses côtés, en direction de l'université avec lui. Est-ce que c'était la solution la plus optimale ? Sûrement que non mais il n'avait pas le temps ni l'envie de placer sa fille chez un inconnu. Est-ce que Bleach était au courant ? Évidemment que non. « Ma puce, tu sais que papa va travailler. Tu restes tranquillement à côté, avec tes devoirs, d'accord ? » Qu'il clarifia avec la petite, une fois arrivé à la bibliothèque, peuplée d'étudiants pour la rentrée. Caprice acquiesça mais Miles connaissait on ne peut mieux sa fille pour savoir qu'elle ne respectera que l'ordre de son père les dix premières minutes. Il agira en conséquences au moment venu. En attendant, il lui prit la main pour se diriger vers la table où se trouvait déjà sa collègue de travail se trouvait déjà. Sans un mot, sans un salut et une explication sur la présence de sa fille, il prit place en face d'elle et ouvrit son bouquin. « J'espère que t'as fait ta partie. » Froid, direct, il ne lança pas un regard à la brune, souhaitant en finir au plus vite. Est-ce que c'était le grand amour entre eux deux ? Clairement.

Y a pas à tergiverser : j'ai pas envie de voir sa tronche, c'est physique. Mais visiblement, le prof en avait rien à carrer, et on dirait qu'il aime me voir souffler bruyamment quand il m'annonce que je vais devoir travailler de paire avec Hohenstruc. Assise sur une chaise, stylo coincé entre les dents, regard rivé sur mon ordinateur au milieu de la bibliothèque, je jette des regards furtifs vers mon téléphone quand enfin, le brun arrive. Avec... une gamine ? Le stylo quitte mes dents, s'écrase bruyamment sur le bureau. Regards furibonds tournés dans ma direction, je hausse une épaule. Oops. Il s'installe en face de moi, attaque direct les hostilités. « Et toi t'es en retard. » Que je dis tout aussi froidement en pianotant sur mon clavier pour ouvrir le dossier sur lequel on travaille tous les deux. « On t'a coupé les vivres pour que tu te mettes au baby-sitting pendant tes heures sur le campus ? » Est-ce que c'est autorisé, même ? J'veux bien que beaucoup d'étudiants aient des emplois à temps partiel, mais en fait, le but c'est d'aller travailler une fois sorti de la fac, pas dedans. Mon regard clair oscille entre le brun et la mome assise au bout de la table. Ils se ressemblent presque. How cute. « Je t'ai envoyé ma partie par e-mail y a déjà vingt minutes. » Tu l'aurai su, si tu regardais ton téléphone, ou si t'étais à l'heure, par exemple.

Les séances de travail en groupe n'étaient d'ordinaire déjà peu plaisants en compagnie de camarades de classe normaux, alors en collaboration avec Bleach, c'était le synonyme d'enfer. Il maudissait son professeur et cette année, priant qu'elle découle assez rapidement ou qu'une météorite surprise leur atterrisse dessus au plus vite, emportant sur son passage la brune qui lui tapait déjà sur le système, trente secondes après l'avoir rejoint sur leur lieu de rendez-vous. Météorite, où es-tu ? « Je ne te juge pas pour ton rôle de prostituée du quartier, donc mêle toi de tes affaires ? » Qu'il répliqua au tac au tac, agrémenté d'un sourire faussement radieux en accord avec son regard noir. Peut-être qu'il aurait pu tout simplement la lui boucler en révélant l'identité de sa fille à ses côtés, excusant par la même occasion son retard et le rendant plus 'humain' comme diraient certains, mais il n'avait aucune envie d'être plus 'humain' à ses yeux. Et si elle s'occupait de ses affaires comme lui s'occupait des siennes, comme sa fille s'occupait également de ses coloriages, tout irait bien dans le meilleur des mondes, ils réussiraient à survivre à leur session de travail sans un mort. Du moins, c'était plutôt mal parti entre toutes ces hostilités et ces renvois sans cesse de piques mais l'espoir faisait vivre, n'est-ce pas ? « Je t'ai envoyé ma partie par e-mail y a déjà vingt minutes. » Ouaip, non, oubliez l'espoir, Miles n'avait aucun espoir pour un survivant. Agacé qu'elle ne le devance et marque un point, il prit son téléphone, lit en diagonal l'e-mail en effet reçu mais ignoré avec les péripéties du matin et reposa l'engin avec dédain. « C'est.. du beau blabla pour absolument ne rien dire. Tout est misé sur la forme pour cacher le fond inintéressant; tout comme ta personnalité je suppose. » Qu'est-ce qu'on disait sur l'espoir et survivre déjà ? Parce que oui, il venait d'enclencher le gros bouton rouge synonyme d'apocalypse, de lancer le premier missile de guerre, d'anéantir tout espoir. Il lança un regard en coin à sa fille, conscient de ne pas donner un bon exemple, mais heureusement pour lui, elle paraissait, pour l'instant, les ignorer totalement et se préoccuper que de ses dessins et devoirs devant elle. Lui, devrait prendre exemple sur elle, tiens.

J'aurai pu m'énerver et l'insulter, à l'entendre me traiter de prostituée du quartier, mais honnêtement ? Avec Miles, c'est tellement habituel que je me contente... de partir dans un rire franc, avant de le dévisager avec une moue faussement compatissante. « Moh, c'est tout ce que tu as trouvé cette fois ? J'suis presque déçue. Je m'en fous de ce que tu fais, Hohenstaufen. Mais si elle me dérange pendant qu'on travaille, je me casse et tu te démerde. » Je hausse les sourcils, sourire insolent placardé sur les lèvres, avant de baisser à nouveau les yeux sur mon ordinateur, ajoutant un petit. « Mais visiblement, pour l'instant elle sait mieux la fermer que toi. » D'un bref coup d'oeil, je tournais les yeux vers la petite qui, sans même prêter attention à nos échanges, s'occupe de faire quelques coloriages. Tu veux la jouer agressif, Miles ? Tu sais très bien que je peux être tout aussi désagréable, si ce n'est plus, et le tout sans même prendre la peine de t'insulter comme tu viens de le faire. Et pourtant, Dieu sait combien je te considère comme un connard fini. Connard fini qui sort son téléphone pour visiblement consulter ses mails, et donc le travail que je lui ai envoyé vingt minutes auparavant. La rapidité avec laquelle il consulte le mail pour mieux reposer son téléphone me laisse de marbre. Du moins jusqu'à ce qu'il reprenne la parole, pour... critiquer de A à Z mon travail. Je roule des yeux vers le ciel, tout en pianotant sur mon écran d'ordinateur, imperturbable. « J'hésite : serais-tu analphabète, ou juste abruti par ton égo ? » On ne critique pas mon travail. T'as ton égo, mais j'ai aussi le mien. J'ouvre la bibliographie sur laquelle je me suis appuyée pour 95% de mes recherches, tournant par la suite mon écran dans la direction du brun, mes yeux verts rivés dans les siens. « Voici donc la liste de tous les auteurs dont tu critiques le beau blabla, puisque ma partie s'appuie principalement sur leurs écrits. » Je le défie du regard, un sourire narquois sur les lèvres, jusqu'à ce que la petite se lève de sa chaise, et vienne demander un autre coloriage à son père. Attendez. Attendez. J'ai entendu "papa" ? Le disque est rayé, je rame, et surtout, je lève un regard ahuri en direction de Miles. C'est une blague ?

La poisse de devoir travailler en duo avec Bleach Hansen. Si on devait jouer au jeu des sept familles, probablement que la carte reine des garces porterait son portrait. Va donc. Tout le monde sait que t’as l’habitude de passer sous le bureau pour obtenir ce que tu veux. Comment ça fonctionne ? Une gâterie pour un A sur ton dossier ? Si tu veux jouer l’insolence, il te battra à plate couture. C’est Miles Hohenstaufen que tu as en face de toi Bleach. Pas un de tes petits chien prêt à remuer la queue à la moindre de tes paroles. Probablement que quelqu’un devrait te faire descendre de ton trône de fer d’ailleurs, parce que tu n’existes qu’au yeux de tes deux sbires. Pour le reste du monde, t’es qu’une sale gosse pourri gâté qui souffre de tellement de complexe qu’elle passe son temps à aboyer plus qu’à ne mordre réellement. Visiblement, tu devrais prendre exemple. A moins que la fermer sois aussi difficile que fermer les cuisses pour toi. Il regarde le mail, soupire et ne tarde pas à donner son avis peu élogieux sur l’ébauche. De la merde. Pure et simple. Ça dépend ; t’es juste une salope ou te veux rentrer dans le livre des records pour t’être fait la moitié de Boston ? Ne le cherche pas Bleach. Il est roi dans la provocation, tout le temps. Et puisque rien ne le touche, crois pas pouvoir l’atteindre avec tes jérémiades de gosse. Donc tu n’as rien fait d’autres que retranscrire leurs écrits. Heureusement que tu suces Bleach, tu n’irais pas bien loin dans le cas contraire. Puis c’est au tour de Caprice de nous interrompre. Un nouveau coloriage qu’elle demande sous l’air ahuri d’Hansen. Alors il ouvre son sac, sortant une nouvelle feuille de dessin qu’il donne à la petite tête brune après avoir déposé un baiser sur le haut de son crâne. Je prie tous les jours pour qu’elle soit absolument tout l’opposé de toi.

Le sourire reste éternellement placardé sur mon visage. Inatteignable, inaccessible, tu frappes dans le vide, Miles, tes coups, ils m'effleurent même pas. Une main portée au coeur, je prends un air faussement surpris par ses propos. « Mais... exactement ? Comment tu sais ? » C'est lequel que t'as sucé pour rentrer à Harvard ? Parce que moi, c'est ma musique qui m'a permis de rentrer. Pas mon nom, pas mon fric, mon talent, et rien de plus. Toi t'as quoi, Hohenstaufen ? Quoi d'autre que tes airs arrogants et tes poches remplies ? Et c'est une vraie partie de ping pong qu'on se livre, à s'insulter, se chercher plus d'emmerdes, faire tout sauf travailler en binôme, en fait. J'écoute tes insultes, me contente de laisser échapper un bref rire avant d'appuyer un coude sur la table, ma paume accueillant mon menton, un sourire suffisant sur les lèvres. « Wow. Depuis combien de temps t'es en manque, pour n'avoir que des insultes salaces dans ton vocabulaire ? » Je roule des yeux vers le ciel, reporte mes yeux sur mon écran. « Non, je t'ai dit que je me suis appuyé sur leurs écrits. La plupart des théories viennent de quelque part, et ensuite vient l'analyse. On est dans les arts, pas dans les finances. » N'essaie pas de me rabaisser, Miles, ça marchera pas. Je sais ce que je vaux, et ça fait longtemps que je me fie plus au jugement des gens comme toi. Sauf qu'y a cette gamine qui nous coupe dans ce duel qu'on se livre, cette gamine qui l'appelle papa, qui me laisse un instant interdite, silencieuse, pendant qu'il en profite pour me lancer une autre pique. J'ai le visage qui se ferme, tout comme mon ordinateur qui se coupe d'un geste de ma main. Je joue pas avec les relations père-fille. Tout comme j'irai jamais utiliser ta gamine contre toi. « Je t'enverrais le reste de ma partie. Ca sert à rien, on arrivera jamais à travailler. » Et moi non plus, Miles. Moi non plus j'lui souhaite pas de finir comme moi.