On ne choisit pas la famille dans laquelle on naît, toi en tout cas, tu n'as pas eu le choix. Si tu l'avais eu, tu aurais fait en sorte de grandir entouré de gens plus normaux, plus terre à terre. Pas que tu aies eu une enfance malheureuse, bien au contraire, mais il faut simplement avouer que tu n'avais pas besoin d'une enfance pareille. Ils étaient riches tes parents, ils étaient puissants, ils le sont toujours à vrai dire, mais toi ça ne te fait pas grand chose. Tu n'as jamais vraiment pris avantage de ta position dans le gouvernement britannique, tu n'as pas utilisé de trop les privilèges qui étaient les tiens. Tu n'en voyais pas la nécessité, tu voulais simplement être toi. Bien sûr, malgré toi, sans même que tu ne t'en rendes compte, tu as eu une vie facile. Une vie où on réglait tout tes problèmes pour toi, une vie où tu n'as pas eu besoin de t'inquiéter de ton compte en banque. Tu as reçu une bonne éducation, la meilleure possible, et le fait que tu aies une bonne mémoire, ça n'a fait que t'aider. Il suffit que tu lises une fois quelque chose pour t'en souvenir et grâce à ça, tu n'as jamais fait beaucoup d'efforts. A choisir tu as toujours préféré faire la fête plutôt que de rester chez toi pour travailler, mais ça ne s'est jamais trop ressenti sur tes résultats scolaires. Evidemment quelques professeurs te disaient que tu pourrais faire mieux, ils le sentaient, mais personne n'osaient vraiment te dire quoi que ce soit à toi.

Tu te souviens de ce repas, où ton père t'a annoncé que vous alliez partir. Tu n'avais pas envie de quitter Oxford, d'abandonner toute cette vie que tu t'étais construit ici. Aucun adolescent ne voudrait laisser toute son existence derrière lui, même en voyant la fierté dans les yeux de ses parents. Ton père a obtenu le poste d'Ambassadeur du Royaume-Uni aux Etats-Unis, un poste réellement convoité, et tu n'as pas eu ton mot à dire là-dessus. Peut-être que c'est une des rares fois où tu t'es réellement disputé avec tes parents d'ailleurs, parce que d'ordinaire les choses se passaient plutôt bien entre vous. Ils auraient aimé que tu sois un peu plus docile, évidemment, mais ils te laissaient avoir cette liberté dont tu avais tant besoin. Mais ce soir là, tu t'es énervé, tu leur as dit que tu ne voulais pas partir, que tu ne partirais pas. Cette discussion ne s'est pas bien terminé pour toi, évidemment. Tu n'avais aucune chance contre l'Empire Britannique, mais au moins tu auras essayé.

Le mandat d'Ambassadeur dure quatre ans. Quatre ans où il se délocalise, avec toute sa famille. Il a fallu un peu de temps pour t'adapter, pour trouver comment réellement vivre dans ce nouveau pays, comment trouver ta place dans ce système scolaire. Mais finalement ça n'a pas été très compliqué, tu as vite réalisé que tu pouvais rester exactement la même personne qu'avant. Peut-être que tu t'es lâché un peu plus, que tu as commencé à sortir encore un peu plus, à te détacher de ton monde, de cette éducation, de ta religion aussi. Il restait encore un an et demi de mandat à ton père quand est venu le moment de choisir une université. Tu savais ce que tu voulais faire, la psychologie t'intéressait depuis des années, mais l'envie de retourner à Oxford était grande. De toute façon on n'allait pas te laisser aller dans n'importe quelle université, tu ne pouvais avoir qu'une éducation prestigieuse. Mais étonnement, elle était là maintenant ta vie, aux Etats-Unis. Tu t'y es affirmé, tu as fait des découvertes, des expériences, et tu veux les continuer. Tu es le genre d'homme à profiter de tout ce que la vie peut t'offrir, tu veux tout savoir, tout voir, tout vivre, et peut-être que le Rêve Américain te pousse à croire qu'ici c'est possible.

Tu aimes ce que tu fais, la Psychologie t'intéresse réellement, et tu apprends des choses en Botanique que tu n'avais jamais imaginé. Ça te plaît, peut-être encore plus parce qu'à présent, tes parents sont repartis au Royaume-Uni, et toi tu es seul ici. Seul et libre comme l'air. Libre de faire ce que tu veux, quand tu veux, sans en répondre à prendre. Tu ne connais aucune loi sauf les tiennes, et lorsque tu veux quelque chose, tu fais tout pour l'obtenir.