Je suis née et j’ai grandi jusque mes cinq ans à Boston. Je pensais avoir des parents qui s’aimaient et avec qui je resterais une grande partie de ma vie. En réalité, à l’aube de mon cinquième anniversaire, ils se sont séparés. Ma mère n’a jamais été une personne influente, contrairement à lui. En réalité, c’est un véritable monde qui les séparait, mais moi je ne l’ai jamais compris. Ou pas tout de suite. Comment voulez-vous comprendre ça quand on n’a que cinq ans ? Mon père a trouvé le véritable amour dans les bras d’une directrice de communication travaillant pour lui. Tout de suite, c’est bien mieux qu’une simple serveuse sans qualification. Ma mère m’a emmenée avec elle à Philadelphie, et j’ai continué ma vie là-bas. Je ne voyais plus beaucoup mon père, si ce n’est des appels, des lettres à mon anniversaire, des vacances passées chez lui de temps en temps, ou encore durant mon dernier stage. Pendant longtemps, je lui en ai voulu. J’ai été cette fille odieuse avec lui, avec sa famille, pire encore lorsque j’ai appris que ma mère était malade et que lui, il ne s’en préoccupait même pas. Etait-ce réellement son rôle ? Non. C’était mon rôle à moi, je suppose. Lui il devait se préoccuper de moi, et moi de ma maman. Voila, c’était plutôt comme ça que ça devait fonctionner, mais ça je ne l’ai compris que maintenant.

Je n’ai pas grandi dans une belle maison, avec un beau jardin, non. Je n’ai jamais eu tout ce dont je rêvais, et je n’ai pas eu le temps pour moi, pour mes amis, juste pour ma mère : Travailler pour l’aider à payer les factures, aller à l’école, travailler toujours plus, et puis finalement veiller sur elle et la voir dépérir. Je n’ai pas de frère et sœur, seulement un demi-frère que je connais à peine. Lui il a sa vie de petit prince, et moi je suis la demi-sœur qu’on a longtemps mise de côté parce qu’elle ne vivait pas dans le même monde. Pour décompresser, mon hygiene de vie fut plutôt catastrophique : soirée à gogo, peu de temps de sommeil, stress et junkfood en permanence. Les garçons ont toujours été une énigme pour moi, un interêt que je ressens, mais de loin, sans vouloir les approcher. Je n’ai jamais eu de véritable histoire d’amour, je n’ai jamais eu de déception. Je suis juste ce genre de fille tellement peureuse qu’elle a peur dès que l’un s’approche un peu trop près. Peut-être parce que j’ai vécu longtemps sans repère ? Sans mon père à moi pour me protéger, et que ça je devais le faire toute seule ? Je n’en sais rien, je ne suis pas Dolto ni Freud, je n’y connais rien.

Lorsqu’on a appris que ma mère avait une tumeur avancée, j’ai vu mon monde s’effondrer. Je me voyais déjà seule, à devoir affronter le monde sans vraiment y connaitre grand-chose. La voir s’éteindre à petit feu à été quelque chose de terrible, de difficile et de fatiguant. Et puis lorsqu’elle a rendu son dernier souffle, la réalité m’a giflée. Je ne savais pas quoi faire, ni comment. Je ne savais pas comment affronter ce monde, ni pourquoi. Je n’ai jamais cru que mon père viendrait et pourtant il était là et quand je lui ai demandé pourquoi, il m’a tout simplement répondu ce qu’un père devrait répondre, j’imagine « Tu es ma fille et mon devoir est de t’aider ». Jamais je n’avais imaginé que du jour au lendemain j’allais me retrouver dans un monde diamétralement opposé, jamais je ne m’étais dit que j’allais pouvoir intégrer Harvard, comme lui a pu le faire auparavant. Le deal ? Réussir et devenir quelqu’un, c’est la seule chose qu’il me demande en échange. Ou du moins, c’est ce que j’ai compris. Alors je vais essayer d’être cette personne et si je ne le fais pas pour lui, je le ferai au moins pour moi, ou pour elle.