« Je sais pas. C’est pas à moi de te dire ça de toute façon. » Si c’est bien ou mal. « Faut juste pas que t’oublies que le plus important dans tout ça, dans toute ta vie, c’est toi. » C’est toi, ta santé physique, y’a santé mentale. Ton bonheur, ton bien-être. Et c’est dur je trouve de penser à soi, de se focaliser sur ce qui nous rend heureux, d’effacer tout ce qui est toxique autour de nous. Les objets, les habitudes, les gens. J’ai mis très longtemps à me détacher de mon amour aveugle pour Cléo. Et j’crois que je passerai jamais vraiment au dessus. C’est la première femme dont je suis tombé amoureux. Alors elle aura toujours ce pouvoir sur moi, cette force de me rendre faible. L’autoroute de l’amour, c’est pas la route 66 qui va toujours tout droit. C’est une putain de route sinueuse et sombre, en plein milieu de la jungle où des espèces meurtrières peuvent débarquer à tout moment. « J’suis pas un peureux. J’suis tombé dans le ravin trop de fois donc maintenant je prends plus de précautions, je prends mon temps. » En espérant qu’Agathe ne perde pas patience face à mon absence de je t’aime. En pensant à Agathe, ça me ramène à la conversation des Mathers. « Assagis? Déjà toi et Agathe, j’vous vois pas comme des êtres très sages... » Les autres je les connais plus trop, j’ai couché avec pas mal de Mather mais je les connais pas assez pour me faire un jugement. « Mon sacre? » Je ris un peu pour le coup. « Je suis pas un roi. J’aime même pas qu’on m’appelle ‘président’. Mais tu peux garder Red King, ca j’aime bien. » que j’avoue dans un petit sourire narquois. « Et ouais, il parait qu’elle a de la chance même si j’suis pas du même avis. » Chacun ses opinions. Mais j’pense qu’elle aurait pu choisir quelqu’un de plus simple que moi, avec moins de problèmes, moins de mauvaise réputation. Tu te lèves, voulant continuer la soirée ailleurs. Tu ris, même si y’a pas de quoi rire, tu vacilles et te rattrapes de peu à moi, tes doigts s’enroulant autour de mon pull. À ta remarque, c’est moi qui ris. « Pas de bateau en vue mais on va dire que oui. Tu viens? » Je te prends par le bras pour t’entraîner vers la sortie du LH. Pas d’Ernesto à l’horizon donc bon. « Tu veux aller où? Et tombe pas hein, je voudrais pas que tu te blesses, tiens toi à moi. » Manquerait plus que tu t’écorches les genoux dans une chute monumentale.

Ah. Toi aussi t’es abonné aux chutes dans le ravin de l’amour ? Celui plein d’orties qui piquent le cul. Je voudrais aussi prendre mon temps, mais je l’ai pas là. Pluton peut disparaître à tout moment et c’est inconcevable pour moi. Mon coeur il n'est pas prêt à le laisser partir. On a encore une chance. Je parle ensuite des rangs Mather qui ont perdu un peu leur folie, mais apparemment t’es pas du même avis et ça me soulage. « Ouais, on est justement les exceptions » C’est ça le problème, on doit être une poignée de déglingués. Les plus vieux ont gardé l’âme de cette baraque, les autres ont sait pas forcément pourquoi ils sont là. « Red king ça te va bien, je t'achèterais le sceptre et la couronne à King Jouet » Quelle conne. Je rigole. Bon, nouveau surnom validé. Je te reluque, t’façon j’ai tellement bu, je peux plus m’en empêcher, mon système d’inhibition a sauté et je veux pas le re-brancher. « Raaah, te dévalorise pas. Elle a de la chance et tu as de la chance » Agathe est une chouette fille. Vous allez bien ensemble. Un joli couple de top model. Allez, go. J’ai suffisamment profité de ta bonté. C’est l’heure de voguer vers un autre lieu, un lieu plus bruyant où je passerais inaperçu à me bourrer la gueule. Je décide alors de me relever, mais je tangue dans tous les sens. Je me rattrape alors à ton pull et je glousse en clignant des yeux. Non mais je ne rêve pas, le plancher est pas droit. « Oui j’arrive .. » Je m’accroche à ton bras musclé et je retrouve le froid de Cambridge ou de Boston, j’sais même plus dans quelle ville je suis. Je titube sur mes talons, je me déboîte limite les chevilles en déboulant sur le trottoir et j’enroule mes bras à ton torse. « Eum, je crois qu’il serait plus juteux .. euh non, judicieux de rentrer à la Mather.. » Je sais pas par où c’est, j’ai perdu tous mes repères. Je ris pour rien. Je m’extasie sur les lampadaires. Sur la voiture qui passe à côté de nous. « J’veux rentrer à ma maison, mais je veux pas dodo toute seule.. Y a les monstres de la solitude qui vont me manger.. »

Tu me nommes officiellement Red King et je souris comme un gamin parce que ouais, ça me plait. J’aime pas qu’on m’appelle ‘président’, j’aime pas qu’on pense que je suis supérieur, mais Red King, c’est plus gentillet, plus drôle, moins sérieux. Ça me va. "J’attends mon starter kit de Red King alors." King Jouet ou autre, balec, mais j’compte bien avoir ça en guise de cadeau de Noël. Surprise sous le sapin de la Winthrop. Tu me dévisages de la tête aux pieds et… "Je rêve ou t’es en train de me mater?" Encore une fois, là, je souris. Même si tu me réponds par l’affirmative, ça resterait drôle vu la tête que tu tires. L’alcool est clairement monté au cerveau, j’le vois dans tes yeux et dans tes gestuelles maladroites. "Soit." Agathe et moi sommes chanceux. Toi tu l’es moins par contre, mais j’me retiens de le dire, histoire de ne pas t’enfoncer davantage tu vois? Tu veux bouger, changer de bar, et j’décide d’accepter ton invitation pour t’accompagner, te disant de t’accrocher à moi pour éviter de trop tituber jusqu’à ce qu’on rejoigne la rue froide. Finalement, sur le trottoir, tu passes tes bras autour de moi. T’es tactile, j’aime bien. Je le suis aussi, je l’ai toujours été, du coup, les gens pas tactiles, j’sais pas trop comment le prendre, comment les gérer. Tu cherches tes mots, tu te plantes, tu te reprends. Et je hoche la tête quand tu dis vouloir rentrer à la Mather. "Je vais t’appeler un Uber." Je sors mon téléphone, te laissant t’accrocher à moi. Je commande rapidement le Uber, me suffit de trois clics sur mon écran d’iphone. Puis tu reprends la parole et… ça me donne des frissons. Tu me demandes de rentrer avec toi, tu veux pas être toute seule. T’as peur de la nuit, de la solitude, et… j’comprends que trop bien. Alors j’peux pas refuser. "Je rentre avec toi… T’auras pas à affronter les monstres de la solitude toute seule… Pas ce soir du moins." Et c’est le Uber qui arrive au bon moment, je te guide pour te faire monter à l’arrière. Le trajet se passe, et on arrive une vingtaine de minutes plus tard à la Mather. "Viens… Faut que tu me guides, je sais pas où est ta chambre." Je t’extirpe de la voiture, remercie le chauffeur, et passe un bras autour de toi pour pas que tu te casses les chevilles dans tes hauts talons sur la route jusqu’au hall d’entrée.

« Pas du toooout, il n’y a rien à voir de toute façon » Ok je mens et alors ? J’sais très bien que si le paradis existe, je n’y aurais aucune place. Autant continuer d’aligner les péchés les uns après les autres. T’es très beau Elliot, t’es très pris aussi. Alors je range mes yeux lubriques au placard pour le bien de tout le monde. T’es heureux en couple, je vais pas faire une tentative qui pourrait tout ruiner et mettre en péril ton bonheur. J’suis respectueuse moi, contrairement à d’autres. J’suis aussi hyper bourrée. J’tiens pas debout. On se retrouve sur le trottoir et je titube. Je me raccroche littéralement à toi pour éviter de me viander. Fin de la soirée pour moi. Si je pars en boite, j’risque de mal finir, peut-être au find d’un ravin, mais pas heureuse du tout, plutôt en petits morceaux. Heureusement, je peux compter sur toi pour prendre soin de moi, alors que tu ne connais rien du tout au désastre Chamberlain. Quoique .. Tu en connais plus que je le croyais. Tout le monde me connaît sur le campus. C’est d’la merde. J’suis quoi au juste pour tous ces gens ? La débile qui replonge auprès d’un gars qui se fout de sa gueule. Super. J’ai toujours rêvé d’avoir cette image. Petite, je voulais être la meuf à qui on l’a fout à l’envers. Bullshits. Me laisse pas Elliot le Red King. Pas ce soir. J’veux pas me retrouver en tête-à-tête avec mes démons. Ils sont terrifiants. Ils me font faire des choses pas cool du tout. Ils me font surtout devenir folle. « C’est vrai ? Merci Elli’ » Le Uber ne tarde pas à arriver. Je pose enfin mes fesses, je cale ma tête contre la fenêtre et je ferme les yeux. Ça tourne trop. Un carrousel. J’enfonce mes godasses dans le siège en face de moi, priant pour que le chauffeur capte pas. Et après plusieurs minutes de tournis, on est déposé à la Mather. J’sors de la bagnole toujours aussi déséquilibrée, mais je m’appuie contre toi. Lentement mais sûrement, on rejoint ma baraque. On pénètre à l’intérieur, tout est éclairé. Bravo, j’travaille pas pour EDF moi. « Tout en haut, dernier étage de la tour en forme de teub » Je pouffe de rire et t’entraîne vers l’ascenseur. J’appuie mollement sur les boutons pour sélectionner l'étage désiré et on se propulse dans les airs. Ding dong. On y est. Je déverrouille ma porte et je me tourne vers toi « T’as pas à faire ça .. » Je soupire et entre enfin dans ma chambre de vice-présidente. Je laisse tomber les clés sur un meuble près de l’entrée et je pars directement m’étaler sur mon lit, en étoile de mer. « Mate pas ma culotte, en fait je m’en fous, j’ai plus de dignité, il m’a tout volé » J’rigole sans grande conviction tout en secouant mes jambes pour me débarrasser de mes talons, wow mais ils sont bien accrochés ces connards. Ils ont fusionné avec ma peau ou quoi ? « J’ai qu’un lit par contre.. » Et hors de question que tu dormes à mes pieds.

"T’es bien la première qui trouve qu’il n’y a rien à voir." C’est… bizarre? J’ai pas l’habitude qu’on me dise des trucs comme ça, c’est toujours le contraire normalement. Du coup je retrousse un peu le nez, pensif, alors que je t’emmène dehors et qu’on monte dans un taxi. Tous les deux, puisque tu réclames ma présence. Enfin, j’sais pas si c’était moi que tu voulais, mais tu réclames de ne pas rester toute seule ce soir et y’a que moi de présent en cet instant so… Ouais, je fais la connexion comme ça dans ma tête. Le trajet est plutôt calme, t’as la tête qui repose contre la fenêtre, moi, j’te regarde pour être sûr que ça va, que tu vas pas dégueulasser la voiture du pauvre chauffeur en vomissant partout. On arrive à la Mather, et j’te demande de me guider jusque ta piaule parce que ma connaissance de la Mather s’arrête au hall et à deux-trois chambres que j’ai pu visiter pendant quelques heures sombres dans mon passé. "Tu vois des teubs partout Lou, faut peut-être consulter." Mais en vrai, ça me fait un peu sourire. L’ascenseur nous mène à ton étage et tu déverrouilles ta porte. "Je sais. J’me force pas." J’suis comme ça en fait. À prendre soin des gens dans le besoin, quand j’ai une certaine empathie pour eux. Contrairement à ce que dit ma réputation de gros connard ‘meilleur dragueur 2018’. On entre dans ta chambre et tu vas direct t’affaler dans ton lit. Tes mots me font un peu de peine mais j’crois que c’est pas le bon moment pour un autre discours motivateur. "J’materai pas t’inquiète. Même s’il t’a rien volé. C’est toi qui a le pouvoir, le contrôle. Là, tu lui as laissé. Suffit juste de savoir reprendre les rênes…" Je soupire doucement à mon tour, baille un grand coup. Tu envoies valser tes talons et me dis que t’as qu’un lit. Ouais merci j’suis pas aveugle, j’arrive encore à percevoir mon environnement moi, contrairement à toi. Alors je tire la chaise de ton bureau, cale le dos contre le mur perpendiculaire à ton lit et y pose mes fesses. "J’reste là, t’as pas à t’inquiéter. Tu peux dormir tranquille." Sans tes démons. J’vais pas m’immiscer dans ton espace privé, j’vais pas mater ta culotte, rien de tout ça. J’suis pas ce genre de connard qui cherche à profiter des nanas défoncées. Je me cale à peu près correctement sur la chaise et croise mes bras sur mon torse pour me préparer une position un tant soit peu confortable pour le reste de nuit.

Je suis flattée. Je suis la première dans quelque chose, c’est rare. Youpi. Ça doit te faire du bien je parie nan ? De voir qu’on peut te résister un petit peu et nier la réalité ? Ouais, je nie la réalité là. T'es canon. Mais, je suis embourbée dude. Tu peux pas savoir à quel point. J’arrive pas à me sortir de la gadoue. J’appuie sur l’accélérateur, mais j’suis prise dans ce sol argileux, celui de l’amour pour Pluton. Et regarde le résultat ! J’suis ivre. Il me rend ivre et il me fait boire à m’en bousiller le foie. Cette relation est toxique, mais c'est celle que je retrouve n’importe où. J’aime souffrir, je vois pas d’autre explication. Peu importe, j’suis rentrée à la Mather en un seul morceau et c'est grâce à toi. « J’aime le sexe, un peu trop ouais » Quand j’suis au bord de l’agonie, je copule. Mécanisme de défense tu vois. Bref, on arrive enfin dans ma chambre et je te laisse te démerder. Je m’allonge sur mon lit dans une position peu avantageuse et je baragouine quelques conneries. Trop d’alcool dans le sang. « Il n’y a pas que lui, tous les mecs que je laisse entrer dans ma vie me vole un bout de mon coeur Elliot. J’ai pas de goût, j’cherche les ennuis, je suis attirée par l’échec » Ça me fait rire. C’est pathétique. J’ai de la merde dans les yeux. Je t’entends ensuite tirer ma chaise de bureau et je me redresse sur mes coudes en fronçant mes sourcils. C’est quoi le délire là ? Tu veux un torticolis ou m’abandonner au milieu de la nuit lorsque je dormirais la bouche grande ouverte ? Non non. « Hého, t'es fou toi. Viens avec moi s’il te plaît, que tu ne puisses pas t’échapper.. J’veux pas mourir dans mon vomi. » Par contre je peux t’asperger de ma gerbe, ça s’est pas grave tu vois. Damn, j’suis sacrément nauséeuse, mais je prends le risque de me relever pour t’attraper par la main et te tirer sur le lit. « Toi tu dors à gauche et moi à droite ok ? Enlève tes chaussures et allonges toi, t’es le red king, le red king il dort sur un lit, pas sur une chaise. » Me réfugiant de mon côté, je me fous en position foetus, ajustant l’oreiller sous ma tête pour préparer ma nuit. « Elliot, tu crois qu’un jour je serais heureuse ? Genre, pour toujours ? Je veux juste ma petite famille rien qu’à moi tu sais.. » Ma voix est plus pâteuse, plus faible et le rythme plus lent. Je suis épuisée, je cligne des yeux et je soupire longuement. « Pardon .. Bonne nuit, la Chamberlain se la ferme. »

Tu me sors de but en blanc que t’aimes le sexe et moi, je hausse les épaules sans trop répliquer. Qui n’aime pas? ‘fin, j’sais pas, moi aussi, le sexe fait parti intégrante de ma vie. J’me souviendrai toujours de mon dernier Spring Break où j’arrivais pas à bander. Ça m’a pourri les vacances quoi. On arrive dans ta chambre, tu t’affales sur ton lit et déplores ton goût des mecs. "Moi j’suis attiré par les nanas qui ont un ex un peu trop proche visiblement. Genre, tellement proche qu’on se demande même si c’est vraiment un ‘ex’." Quelle blague. Mais tu vois, chacun ses goûts douteux. Je tire la chaise de ton bureau et me cale dessus pour une longue nuit. Mais tu te redresses sur tes coudes pour protester, me réclamant de venir dans ton lit pour la nuit. Tu te lèves même, en titubant mais bon, et tu viens tirer sur ma main pour m’emmener jusqu’à ton pieu. Et franchement, j’ai pas envie de protester. Pas ce soir. J’crois qu’on a épuisé toutes nos forces, tous les deux. "Ok." Que je dis en souriant légèrement dans l’obscurité. J’enlève mes boots et viens m’allonger dans ton dos. Le silence règne jusqu’à ce que tu le brises d’une voix endormie. "J’en sais rien Louison… J’peux pas prédire l’avenir." Et j’peux pas te promettre gentiment que oui. Parce qu’on m’a déjà fait cette promesse, et qu’elle n’est toujours pas arrivée. Ça fatigue, ça épuise le moral. J’préfère t’épargner ça. "Bonne nuit, Lou." Ma main fait une pression sur ton épaule dans un geste qui se veut réconfortant et je te laisse t’endormir, alors que moi je passe les prochaines heures à fixer le plafond, incapable de trouver le sommeil.