Le doute s'est insinué tel un vent mauvais sous ta lourde carapace Deirdre. Ces billes claires et téméraires, tu les connais par cœur. Un an que tu ne les as pas vu. Ton souffle s'est coupé sur la suprise, les doigts maladroits ont alerté Abelard. Et puis tu as continué ton chemin. Tu te persuades que c'est une erreur, que tu n'as pas pu le voir lui. Ilhan. Ce fardeau que tu traînes, cette peine qui t'écrase et qui t'oppresse souvent. Mule entêtée, tu continues tout de même. Parée dans ton orgueil, tu te hisses à la force de ton ambition aux sommets. Et rien ne t'arrêteras. Du moins, tu t'en persuades. Tu choisis un soir de solitude parce que tu n'as pas envie de bras alliés. Tu es trop chamboulée pauvre enfant. La vodka commandée se fraie bientôt un chemin brûlant dans ta gorge avide. Puis une deuxième. Les prunelles absinthes parcourent l'endroit distraitement. D'un banal comme on en voit tant. C'est assez. Tu arroses d'un billet le serveur puis décide de quitter l'endroit. La porte s'ouvre, tu avances décidée. Et ce visage familier te fait nouveau face. La pâleur s'accentue aux abords de ton visage, si tant est qu'il puisse être plus exsangue encore. Machinalement les lèvres articulent. « Ce ce n'est pas possible... » Visage de surprise que tu contemples. Et tu comprends alors que tu te méprends ou pire qu'il t'ignore. Ce qui est pire encore. Mais te voilà prise au piège Deirdre.

- La fin des cours. la routine s'est de nouveau installée dans ma vie. elle ne me plait pas cette routine là. je fais une overdose de mes proches sans déconner. ils font pratiquement tous la gueule. je suis parti sans prévenir. j'aurais pas dû. ok. c'est bon. on peut passer à autre chose ? ils me font chier. quand certains veulent que je leur prouve mon attachement. d'autres font juste la gueule. je peux pas changer le passé. et même si c'était le cas, je le ferais pas. mon retour ne plait pas à tout le monde. m'en bas les couilles. je suis encore libre de faire ce que je veux. c'est ma vie. pas la leur. sa mère. je traine mon corps jusqu'à l'appartement. j'ai pas envie de rentrer. pour retrouver une nova qui fait la gueule. mon ciel est couvert. je cherche un rayon de lumière. n'importe lequel. ma vie est triste. je suis d'humeur de rien. j'ai déjà hâte d'être à ce week end pour me défouler. on est que mercredi sans déconner. ça passe pas. mes journées sont trop longues. je les subis. mon esprit est ailleurs. je drague sur tinder. même pour ça j'ai plus de motivation. la panne d'inspiration. je relève la tête de mon téléphone. je croise ton regard. t'es bizarre toi. tu me parles ? j'ai rien compris. tu t'arrêtes pas. tu passes à côté de moi. ok. chelou la meuf. je me retourne. je te mate pas. ou presque pas. tu m'as parlé ? je m'arrête moi. t'as pas d'écouteurs dans les oreilles. soit t'es taré. soit tu m'as parlé. ou soit j'entends des voix. c'est à moi que tu parlais ? j'ai pas entendu ce que t'as dit. c'est pas de la mauvaise foi. t'as parlé dans tes dents madame. articule quand tu parles. - (@Deirdre M. Wheelan)

Il ne te calcule pas Malheureuse. Tu sens la tension dans ses veines avant même qu'il te parle. Il est ailleurs préoccupé. Bien loin de toi. Ses traits sont étrangement similaires et pourtant il semble ne pas te reconnaître. Toi habituellement si digne, tu ne sais pas comment réagir. « C'est juste que... » Quoi dire ? Quoi faire. Tu risques de passer pour une folle. L'eau remonte à tes prunelles, tu ne vas tout de même pas de ridiculiser de la sorte ? Un peu de contrôle. Tu déglutis avec peine et pose tes yeux sur son visage interrogatif. « On s'est déjà vu ? » Une question neutre. Voilà qui est encore le mieux. De ce feu que tu représentes, de ses ardeurs passées, je m'approche sans trop vouloir me brûler. Pourtant, il semble bien que ton sang se réchauffe Deirdre, que le rose vient doucement pointer sur le saillant de ta pommette. Que ton étrange vision réveille le toi d'il y a huit ans. Douce enfant.

- T'as vraiment pas l'air d'aller bien madame. t'es blanche. tu parles tout bas. je comprends que dalle. je fais souvent cet effet là. en norvège. où ma gueule est connue de tous les habitants. ici c'est plus rare. je préfère. j'ai l'impression d'avoir un semblant de vie normale. je te souris. panique pas. on va s'en sortir. ça va aller. t'as pas l'allure d'une fille perturbée pourtant. y a un truc pas net dans cette histoire. c'est juste que quoi ? parle. exprime toi. lances toi. j'attends patiemment. t'es plus blanche. t'es passée au rouge. c'est marrant. si on se connaît ? je ne crois pas. je cherche. je ne vois pas. même dans mes anciens plans culs. mes anciennes conquêtes. ta tête ne me dit rien. c'est pas le moment de sortir un plan drague. tu me juge on dirait. à moins qu'on se connaissent déjà mais j'étais trop bourré pour m'en souvenir. c'est une possibilité. tout va bien ? t'as une petite mine. - (@Deirdre M. Wheelan)

Un quelque chose dans la voix diffère. Dans l'attitude aussi. Mais le tout forme un fantôme étrangement similaire. Tu ressembles sans doute à une illuminée Deirdre à le contempler de la sorte. « Vous ressemblez vraiment à quelqu'un que j'ai connu. » tient-elle à expliquer. Histoire qu'il ne la prenne pas complètement pour une folle. Tu n'es pas lui mais tu lui ressembles parfaitement et c'est avec une certaine gêne un peu malsaine que je contemple mon désir intact à l'observation de Ses traits. Ce qui explique le carmin qui vient saupoudrer la porcelaine de mes joues. « Je suis désolée pour la méprise. » Elle sourit timidement. Tentative maladroite de récupérer un brin de contenance face au fantôme qu'il représente. « Et en fait je vous ai croisé quelques heures plus tôt, j'ai cru mal interprété ce que je voyais, d'où ma réaction en vous revoyant. Harvard c'est ça? » Tu replaces le masque Deirdre. Tu rattrapes au vol la classe qui te caractérise. Même si l'Intrus n'est pas dupe. Même si il t'a vu ramasser les miettes de ta carapace quelques instants plus tôt. Tu détestes cela et en même tu ne peux te résoudre à fuir. Tu veux le voir encore, le sentir sous tes mains, le goûter. Même si il n'est qu'illusion, même si cette pulsion est des plus malsaines. Une part de toi souhaite s'y noyer tandis que l'autre tente à tout prix d'y échapper.

- Sans déconner t'as vraiment une petite mine. t'as vu un fantôme ? ou t'as trop fumé. c'est le bad pour toi. t'as l'air d'être dans le mal. tu me regardes. me fixes. c'est chaud. qu'est ce t'as ? je ressemble à quelqu'un que tu as connu. tout s'explique. ok mais moi je ne te connais pas. je dois avoir un jumeau quelque part. je rigole. c'est pas drôle. faut te détendre mademoiselle. tu scrutes mon visage. c'est troublant pour vrai. c'était qui ce gars que t'as connu ? un ex. un frère. pour me mater comme tu le fais je dirais un ex. ou un homme que t'as aimé. tu t'excuses. c'est pas grave. ça arrive à tout le monde. je lui ressemble à ce point là ? je suis curieux de savoir à présent. tu t'es arrêté. tu veux pas partir ? continuer ton chemin ? tu veux me parler ou avoir l'impression de parler à l'autre. celui que t'as connu. sa mère c'est glauque comme situation. inutile de vous confondre en excuses. c'est déjà oublié. harvard c'est bien ça. quatrième année de droit. et vous ? et toi ? je vouvoie assez de monde dans mon entourage pour le faire avec toi. tu peux me dire tu. moi je te dis tu. - (@Deirdre M. Wheelan)

Tu observes la surprise dans ses yeux. La pitié. Tu n'aimes pas inspirer cela. Tu n'aimes pas être faible. Ton menton se relève comme pour redonner de l'aplomb à ta pauvre carcasse de poupée parfaite. « devais. » corrige-tu avec un petit sourire gêné tout en haussant les épaules. Ainsi, il comprendra que ce double qu'il ignore est passé de vie à trépas. Ainsi, comprendra-t-il peut-être ta réaction quelque peu abrupte en contemplant ce visage que tu as autrefois tant admiré. Poser tes yeux sur lui est inévitable, mais ce simple geste brûle ton souffle de façon violente Pauvre Deirdre. Puisque la souffrance est ton triste héritage. Gravé au creux de tes lettres éponymes, le destin s'acharne en mettant sur ta route ce fantôme incarné. Vivant corps d'une âme désormais défunte. « Trait pour trait. C'est très... étrange. » ajoute-tu en affrontant quelques secondes le feu. Il est bon avec toi ce fantôme. Il t'assure oublier cette méprise. Tu en serais presque soulagée si le trouble n'avait pas décidé d'être l'invité de marque de cette soirée. « Je suis en sixième année de botanique et de biochimie. » Et tu pourrais en rester là, prendre tes jambes à ton cou et l'éviter pour l'éternité. Mais c'est si bon. De sentir ses prunelles sur ton visage, d'être si près d'un corps que tu as tant aimé. D'avoir l'opportunité de réconcilier ta culpabilité avec son pardon. Mais il n'est pas lui et tu le sais et pourtant une sourde pulsion te commande d'entretenir l'illusion. « J'allais partir mais j'aimerais t'offrir un verre si tu es disponible ? Peut-être que tu allais retrouver quelqu'un ? » Tu souris pour de bon cette fois pauvre enfant. Tu te noies dans le mensonge et c'est si bon. Jusqu'à la lie j'en boirai l'eau trouble. « Histoire que tu ne restes pas sur cette drôle d'impression. » On m'appelle Deirdre Wheelan. Je suis un nom qu'on ignore pas dans les hautes sphères de ce petit monde. Je ne tiens pas à rester cette inconnue effrayée. Je tiens à te montrer ce que les autres connaissent du personnage. Si tant est que j'en sois capable avec toi. Fantôme de mon innocent passé.