Assis à l'une des tables, je dévore mon burger au bacon et chèvre avec une avidité animale. Je n'ai pas mangé depuis au moins 24 heures et j'en avais clairement besoin ! Je regarde autour de moi les familles, couples, groupes d'étudiants ou travailleurs qui font leur vie, tandis que je suis seul dans mon coin. Le pire ? Je me sens très bien comme ça. Je déteste qu'on me fasse chier quand je mange donc la plupart du temps, j'me fous dans un coin tranquille du resto - là du McDonald's - et je me fais discret.

Je suce mon doigt pour en enlever la sauce et m'essuie rapidement la bouche, avant de boire un peu de ma bière. Je retiens un rot peu délicat et continue mon inspection de ceux qui m'entourent. Aucun ne me porte d'attention, le rêve. Je check mon téléphone mais aucun appel, rien du tout. Je n'ai pas vu Hayden depuis une éternité - en réalité, à peine quelques jours, mais c'est tout comme. Je pensais que mon retour serait signe de joie, de bonheur ou au moins, de réconciliation... mais pas du tout. À la place, je me suis pris un torrent d'insultes, ce qui veut bien dire qu'il n'est plus sous médocs. Et ça, j'y peux rien, mais ça me fout en rogne. Après tout ce que j'ai fait pour le convaincre de les prendre régulièrement, j'ai l'impression d'avoir été floué. Trahi. Est-ce qu'il a vraiment besoin qu'on le chaperonne ? Ne voit-il pas qu'il pourrait s'en sortir seul s'il voulait, avec cette maladie ? Il lui suffirait simplement de croire en le traitement. Mais bon, j'en ai marre de m'acharner avec quelqu'un qui ne veut pas se rendre la vie plus facile. Et c'est moi qui le dit, celui-là même qui se fout H24 dans la panade !

Je vais pour reprendre mon burger quand je vois une silhouette rouquine passer devant la vitre. J'ai rêvé ?

Le temps tourne lentement, au boulot. Tout me semble trop calme et ça commence à sérieusement m'énerver. Normalement, j'aime bien quand c'est relaxe comme ça ici. Ça me permet de prendre mon temps pour bien ranger les produits médicaux dans l'ambulance ...mais aujourd'hui, j'y arrive pas. Mon esprit est ailleurs. Je pense qu'à ce connard de Nikolaï qui a décidé de refaire surface dans ma vie. Ce salaud! Il aurait dû rester au Mexique! J'en serais pas là à à obséder à son sujet si il y était resté!

Ma collègue passe devant moi et mon salut et comme seule réponse, je saute en dehors de l'ambulance et dit «Je reviens. J'ai un truc à faire!» avant de prendre mon porte-feuille et partir. Je l'entends au loin crier «Hayden! T'as pas fini ton travail!» mais c'est trop tard. J'suis déjà trop loin pour revenir sur mes pas et honnêtement, je m'en fou un peu, en ce moment. J'ai juste envie de le retrouver. Retrouver Nikolaï et ...et pour le reste, je n'ai aucune idée. Je ne sais même pas pourquoi j'ai une envie soudaine de le revoir! Il m'énerve! Je le déteste! ...ou pas? Bref, il est l'heure de manger et le connaissant, il doit prendre son diner à l'extérieur. Niko n'est pas du genre à s'installer tranquille chez lui pour se faire un sandwich, nah. Il aime se faire servir, ce con.

Je passe donc de restau en restau avant d'arriver devant le Mcdo. Là, je le vois. Ouais, j'en étais sur! J'aurais du y penser plus tôt! Bouffe rapide, c'est son genre. J'ouvre donc la porte rapidement et marche d'un pas décidé vers lui avant de le lever par le collet et l'embrasser sauvagement sous le regard étonné et choqué des clients. Ils peuvent regarder tant qu'ils voudront ...mais si un gérant décide de nous sortir car nous sommes un couple gay, il va s'en prendre une grosse. C'est ça, dans ma tête. J'agis sur le moment et je pense à toutes éventualités possibles ...Je psychose un peu, quoi. Surtout ces temps-ci.

J'ai l'impression que c'est un mirage au début mais lorsque la porte du McDonald's s'ouvre sur Hayden, je sais que ce n'en est pas un. Et la façon dont il avance vers moi, d'une manière déterminée et limite effrayante, je sens que je vais passer un mauvais quart d'heure. Je suis prêt à ça. Je m'attends à un coup de poing ou une claque... mais à la place, il me prend par le col et m'embrasse - ce, devant tout le monde.

Je le repousse presque aussitôt. Non pas que le baiser ne m'ait pas plu, bien au contraire ! Seulement, je ne suis pas un sextoy. C'est la deuxième fois depuis que je suis revenu qu'il se permet de me forcer à l'embrasser en utilisant la force. Je ne suis pas un pantin, ni son putain de jouet sexuel ! Il ne peut pas se servir quand bon lui semble. La moindre des choses, c'est qu'il attende une invitation pour m'embrasser. Mais Hayden, ce n'est pas le genre à attendre - moi non plus d'ailleurs. Pour ça que je n'arrive pas à savoir si ce geste me plaît ou pas. Je suis partagé.

"T'es pas sensé avoir un boulot toi ? Et y être ?" Je me rassieds comme il faut à ma place et termine mon burger comme si de rien n'était. Je ne veux pas lui donner plus de pouvoirs qu'il n'en a sur moi. Lui montrer que je suis réceptif à son comportement parce qu'il en profiterait ! Je ne sais déjà même pas pourquoi il est là... Parce que vu sa détermination, je me dis qu'il me cherchait non ?

"Qu'est-ce que tu veux, Hayden ?"

Je l'embrasse avec férocité et détermination quand je le sens me repousser. Fronçant des sourcils, je le regarde et pousse un faible rire en essuyant ma bouche du revers de la main. Ah ouais? Il veut jouer à ce jeu? Il verra bien! Nikolaï reprend place sur sa chaise et continu à manger en me posant une question. Je m'assieds donc à mon tour pour ensuite m'emparer de sa bière. J'en bois une ou deux longues gorgées avant de dire «Ouais et? J'ai prit une pause.» puis le regarde longuement à sa question ...avant d'ajouter «Je ne sais pas vraiment ...» tout en haussant une épaule. Le regard toujours fixé sur lui.

Je lui vole une frite et la mange lentement «...et toi? Qu'est-ce que tu veux ...? T'avais bien un but précis en revenant ici, nah? et puis là ...tu me repousses ...Pourquoi tu fais ça?» J'ai vraiment l'air perdu, même si je ne le laisse pas trop paraître. J'ai juste du mal à le suivre. Normalement, il m'aurait embrassé aussi. Je lui aurais prit la main et l'aurait entraîné dans la ruelle pour le baiser entre deux poubelles. C'était ça notre kif, quoi! mais là ...Là maintenant, il se la joue princesse Disney effarouché et je dois dire que je m'y perds un peu! Je ne sais pas comment jouer le prince charmant!  

Ce qu'il n'a toujours pas compris c'est qu'avec moi, rien n'est acquis. C'est pas comme ses petites conquêtes de trottoir ! Il est peut-être le dominant sexuellement mais niveau caractère, j'suis bien plus chiant que lui. Et ça, on dirait qu'il l'a oublié. Je peux avoir envie d'un baiser de lui mais ma volonté est bien plus forte que mon désir. Alors si je veux le repousser, je n'ai aucun souci à le faire. La preuve à l'instant ! Et ça a l'air de le frustrer, ce qui m'arrange bien.

Il se met à me piquer bière et frites mais je ne fais pas de commentaire à ce sujet. Par contre, j'attends ses réponses avec impatience. Quelles excuses va-t-il trouver pour ne pas avoir à me dire la vérité sur ses intentions à mon égard ? J'ai hâte d'entendre ça.

"Je t'ai déjà dit pourquoi je suis revenu Hayden, t'as juste pas envie d'y croire, c'est tout. Comme je l'ai dit, t'es pas capable de prendre une bonne nouvelle comme telle. Faut que tu compliques tout. Pourquoi j'aurais une autre raison, hein ? Les choses sont parfois plus simples que tu le crois." Je réponds simplement en m'essuyant les mains sur une serviette peu propre. Je le passe ensuite sur ma bouche et termine ma bière.

"Et si je te repousse, c'est parce que je ne connais pas tes intentions envers moi. T'es content, pas content... je n'arrive pas à le déterminer et tu ne m'aides pas à savoir ! Je ne sais même pas ce que mon retour t'évoque. Il faut que tu comprennes que tu ne peux pas m'utiliser comme tes autres plans culs. Si je reviens dans ta vie, c'est pas juste pour baiser et après ciao. On sait tous les deux que j'ai signé pour plus que ça... non ?" Je le regarde dans les yeux. Il sait que je ne mens pas, je le fais rarement d'ailleurs. Avec lui, en tout cas, depuis que je suis sorti du placard.

Je mange une frite lentement, en l'écoutant parler. Il a l'air frustré et déçu à la fois, et ça me rend un peu triste. C'est ma faute. Je suis con. Enfin, c'est surtout ma maladie qui dirige mes faits et gestes ...mais n'empêche. Je pourrais me contrôler si je prenais mes médicaments. Je mordille ma lèvre inférieur, le regard baissé sur la table. Ouais bon, ça va. Je me sens coupable, maintenant! et idiot! Frottant ma nuque pour tenter de dissiper le malaise, je dis alors «...T'as raison, Nik...» puis ose le regarder d'un air de chien battu avant d'ajouter «...Je m'excuse ...» sur un ton tout triste.

Pour combler le vide qui s'installe peu à peu dans mon âme et mon coeur, je reprends une frite et la grignote lentement en disant «...Je t'ai repoussé car ...J'ai eu peur que ce soit éphémère. Que tu reviennes pour quelques jours avant de repartir. Je t'ai repoussé car ...J'ai eu peur de devoir te redire au revoir ...et ça ...» puis je hoche non «Je ne pourrais pas passer au travers d'un deuxième au revoir, comme ça...» à cet instant, je lutte grave pour ne pas laisser s'échapper une larme. J'ai eu extrêmement mal, lorsqu'il est parti. J'en ai pleuré des litres avant de ne plu rien ressentir, pendant un certain moment. J'ai commencé à mélanger médicaments et drogues pour ne plu rien ressentir, justement car j'avais trop mal! Alors s'il décide de repartir un jour... J'suis certain que j'en mourrai!

Je ne voulais pas le culpabiliser comme ça. Bien sûr, je ne suis pas du genre doux et rassurant, mais de là à remettre toute la faute sur une seule personne ? ... Ouai, ça me ressemble aussi tiens. Après tout, je ne suis qu'un connard de première ! Je soupire en voyant sa petite tête d'épagneul roux et regarde la table. C'est difficile de lui en vouloir maintenant qu'il est comme ça. J'ai plutôt envie de le serrer contre moi et lui dire que ça ira désormais. Mais puis-je seulement promettre que je ne partirais plus jamais ? Non, parce que je ne sais pas de quoi est fait mon avenir, ni le sien. N'importe quoi peut arriver demain ou même dans une heure ! Pourtant, j'aimerai tellement le lui dire... Qu'il peut me faire confiance, que je serais toujours là désormais. Ce n'est pas mon genre de faire ce genre de promesse mais là, maintenant, j'aimerai être ce type de personne.

En voyant ô combien il a de la peine, je tends mon bras dans sa direction et prends sa main dans la mienne. Je sers un peu, pas trop fort, pour lui signifier ma présence et mon regret. "Je ne peux pas te promettre des choses que je ne sais pas. J'aimerais. Ne crois pas que je ne me sente pas coupable moi aussi et que je ne le regrette pas. Je n'avais pas le choix à ce moment-là mais aujourd'hui, je l'ai. Et je suis revenu. Hayden... je peux juste te promettre de tout faire pour ne plus avoir à partir. Même si ça veut dire aller sur la chaise électrique." Je soupire. Je voudrais ajouter quelque chose mais si je le fais maintenant, il va me détester, c'est certain ! Il reste toujours l'histoire de ses médicaments mais je me dis que ça pourra se résoudre plus tard, quand il aura retrouvé confiance en moi. Pour l'instant, je peux juste faire selon ses humeurs et m'adapter au besoin.

"Tu acceptes de ne plus me repousser dorénavant ?"

Je sens sa main sur la mienne et mon coeur chavire. Ce contact si ...doux. Si tendre m'avais manqué. Je mordille ma lèvre à ses propos et fini par froncer des sourcils en disant «Je ne laisserai jamais personne te mettre sur la chaise électrique, crois moi... Je préférerais donner ma vie plutôt que de voir ça...» puis soupire en frottant ma nuque pour faire semblant d'hésiter. Je dis alors «Je sais pas Niko ...» J'ai juste envie de jouer un peu avec lui. Le faire marcher.«C'est compliqué, tu comprends....? Te voir partir ...J'sais pas ...T'as peut-être baisé pleins de Mexicains ou Mexicaines, là-bas ...mais bon ...» puis laisse quelques secondes passer en regardant la table avant d'ajouter «Si tu me payes un burger et une bière ...On pourra peut-être retenter le coup, toi et moi...» et je fini par lui sourire faiblement, air taquin et mignon. Biensur que j'ai envie de recommencer notre relation. Il m'a tellement manqué, ce putain d'enfoiré! mais de lui dire là, comme ça ...Gratuitement? Nah. C'est pas mon genre. Il le sait, de toute façon. Je n'ai pas vraiment besoin de déballer mon sac ni de dérouler le tapis rouge avec lui. Il me connait. Même que c'est le seul capable de me comprendre autant. Je reste tout de même un mystère pour lui par moment! Certes! ...mais pour une raison que j'ignore, il me comprend mieux que d'autre ...et même parfois mieux que moi-même ...et j'ai vraiment faim, là ...

Ouai, pour ça, on est d'accord l'un et l'autre. On ne laissera pas l'autre aller jusque là ! Mais lorsque je lui demande s'il est ok pour ne plus me repousser, sa tête me surprend. Limite, je me mets en colère intérieurement parce que je ne veux pas de refus à cette question. Je n'en accepterai pas. Il est sérieux ou quoi là ? Il se fout de moi ! Après tout ce que j'ai fait, il hésite ???? Je crois que je vais péter un câble et balancer la table du Mcdo.

"Ouai enfin toi aussi de ton côté t'sé..." Le pire, c'est que je n'ai pas eu tant de relations que ça hein ! Surtout par rapport à lui, je ne me trompe pas en disant cela. Franchement, je suis énervé et j'ai carrément envie de partir. Le laisser en plan pour lui faire comprendre qu'il ne trouvera pas mieux, bordel de merde !

Et puis, il conclut sa phrase. Pardon ? PARDON ? C'était une blague ? Et moi bien sûr, j'ai mis les deux pieds dedans. C'est pas mon genre pourtant de me faire avoir mais là, je ne peux pas nier que j'ai été complètement idiot. Est-ce que j'ai si peu confiance en lui ? J'en sais rien mais d'un coup, la colère disparaît et fait place au soulagement. Mon dieu, hallelluyah ! Je me sens revivre. Il peut avoir tous les burgers qu'il veut !

"Tu sais que tu me le paieras ? Ce petit tour que tu viens de jouer." Mais bon, j'arrête de faire le con pour le moment et je reste calme. À la place, je vais commander un autre burger et deux bières. Je reviens avec les produis et les pose sur la table. "Bon appétit, Mr le farceur. Pfff, tu paies rien pour attendre tu sais ? Je me suis endurci au Mexique !"