Moment de doute, stupide doute injustifié que son 'je sais' avait suffit à faire naître. Comment aurait-elle pu savoir ?  Et l'instant d'après, complètement rassuré par son explication je retrouvais sourire et humour, confiant mon côté artiste et la déception que mon nom ne lui soit pas familier de par mes oeuvres. Oeuvres qu'elle répliqua ne pas avoir eu le plaisir de voir. "Je n'expose pas encore... Et je te signe un autographe quand tu veux." Rigolai-je ensuite. Et pour en revenir à mon travail, je ne pus m'empêcher de lui proposer de le découvrir : "Mais sérieusement je pourrais te montrer ce que je fais si ça t'intéresse." Et puis j'eus une pensée pour mon travail laissé en suspend puisque j'étais sans nouvelle d'Echo et j'ajoutai : "J'avais embauché un modèle mais elle ne donne plus de nouvelles. Tu pourrais la remplacer. J'aimerais beaucoup te peindre..." oh et pas que te peindre d'ailleurs, semblait crier le regard gourmand avec lequel je la scrutais à cet instant. Et puis, stetho autour du cou, je revenais vers elle pour m'amuser à rectifier le qualificatif de prince qu'elle venait de m'attribuer. Je m'auto declarais la bête. Et miss Belle me fit un petit rappel du conte de fée, de l'histoire du prince caché derrière l'apparence bestiale. "Et y a pas une histoire de baiser de la princesse pour le transformer ? " demandai je avec un petit sourire au coin des lèvres. En vrai ça c'était la princesse et le crapaud cette histoire mais qu'importe, au final, l'aveu sous entendu dans ma question c'était que j'avais envie de l'embrasser. Et vu la façon appuyée dont elle regarda mes lèvres, je crus comprendre que la même idée lui avait traversé l'esprit. Ses yeux se détournaient rapidement mais pas assez rapidement néanmoins pour que je ne le remarque pas. Mes doigts venaient doucement crocheter son menton, lui faisant à nouveau tourner le visage vers moi alors que mon autre main repoussait une mèche qui tombait sur son front. Mon regard plongé dans le sien alors que l'espace entre nous se réduisait de plus en plus, ma bouche effleura la sienne, doucement d'abord, puis mes paupières se fermèrent au moment où je l'embrassai. Nos lèvres se joignirent et le temps resta un instant suspendu...

Je plaisantais jouant les grands peintres de renom, proposant un autographe à la demoiselle qui accepta, pensant à la valeur que ça pourrait prendre avec le temps. « Pour l’instant, mon art est un peu incompris… » révélai-je avec une certaine modestie. Un art incompris oui, moi même j’avais du mal à le comprendre c’était pour dire. Mais ça ne m’avait pas empêché de proposer à la jeune femme de venir voir mes tableaux, et c’était même la place de modèle que je voulais lui réserver. Plus de news d’Echo, alors il me fallait une nouvelle muse. Mais là, elle parut hésiter et se mit à rougir. « Je ne te force pas, c’est juste que je suis certain que tu pourrais être très inspirante… Sinon, je recommencerais à peindre des corbeilles de fruits, tant pis. » Petite moue déçue pour tenter de convaincre la brune d’accepter de poser pour moi. Nous repartions ensuite dans l’étalage de notre culture en matière de contes. La Belle et la bête, le côté prince qui sommeillait en lui, réveillé par un baiser de Belle… Entre le récit de cette histoire pour enfant et son regard qui s’attarda quelques secondes sur mes lèvres, il n’en fallait pas beaucoup plus pour que je m’approche d’elle. Emprisonnant doucement son visage pour l’empêcher de détourner les yeux, nos regards se percutèrent un instant avant que nos paupières ne se referment et que l’espace qui existait encore entre nos deux visages ne disparaisse. Mes lèvres se pressèrent contre les siennes avec une douceur infinie, un baiser de conte de fée. Et lorsqu’il prit fin, nos visages restèrent tout proche, ses prunelles cherchèrent les miennes et sa question me fit sourire : « Je crois que c’est ce qu’il vient de se passer… » Mon pouce caressa doucement sa lèvre inférieure avant que je n’ajoute : « J’aurais pas du ? Je suis en train de verdir et de me changer en crapaud ? Ou en orgre c’est ça ? » plaisantai-je avec un petit rire avant de m’écarter un peu pour attraper l’extrémité du stetho en révélant : « Ha non, je me suis juste changé en super doc… » Plus sérieusement, j’allais pas pouvoir faire grand chose avec ça. Alors je repartis à la recherche de trucs utiles dans les placards des lieux, tout en questionnant un peu plus ma princesse : « Tu fais quoi comme études toi Belle ? »

Amadouer la demoiselle : check. Large smile en l’écoutant compatir à mon sort de dessinateur de fruits et légumes, acceptant pour finir mon offre et promettant ainsi de poser pour moi. « Merci… » Et quelques instants plus tard, je prenais d’assaut ses lèvres, sans me douter un instant le sens que pourrait véritablement avoir ce geste pour elle. Elle était là, elle était jolie, étourdie, rougissante, elle avait ce petit truc charmant qui m’avait poussé à venir poser mes lèvres sur les siennes. Le rapprochement l’avait laissée encore plus confuse cela dit, et elle me questionnait sur ce baiser qui venait de se produire. Je plaisantais d’abord amusé, reprenant sur notre délire de conte de fée, sauf qu’elle restait particulièrement déboussolée malgré mes mots. Et elle reprit alors la parole, yeux baissés, air gêné « Premier ? » Première fois qu’on s’embrassait elle et moi ? Pourquoi me le dire, parce que oui je le savais bien que je ne l’avais pas encore embrassée auparavant… Je fronçai les sourcils quelques secondes : « Com… » Et me stoppai soudain en saisissant enfin le sens de « mon premier » prononcé pour la jeune femme. « Oh… » soufflai-je donc en réalisant. Je devrais peut être m’excuser ou un truc du genre ? Les filles voulaient une nuit étoilée, des bougies ou un feu d’artifice pour ce genre de premier moment non ? Au final, le seul truc que je réussis à sortir, complètement surpris par son aveu ce fut : « Comment ça se fait ? » Me dis pas que t’es mineure Belle, please, j’ai déjà assez d’une plainte contre moi, pas besoin d’en rajouter… L’ambiance redevint légère ensuite quand je repris mon rôle de toubib en herbe. Elle plaisantait sur le traitement que je lui réservais et je revins donc à la charge avec mes trouvailles. « Avec une poche de glace pour ton front déjà… » Je la lui tendis et repartis en chasse en écoutant sa réponse quant à ses études. « J’aurais du m’en douter, t’écris des contes de fée ? Tu pourrais en tout cas. Ecrire une version revisitée de la belle au bois dormant, mixée avec la belle et la bête et docteur Jerking et mister Hyde. » suggérai-je avec humour, revenant à nouveau vers elle avec cette fois un verre d’eau et du doliprane : « Ca s’est pour l’éventuel mal de tête qui risque de te terrasser tout à l’heure. »

Je ne m'étais pas attendu à cette révélation, comme quoi j'étais son premier baiser, d'où le temps de détente un peu long pour que je capte. Et maintenant que je savais, c'était maladroit de ma part de peut-être demander ça comme ça de but en blanc, mais je comprenais pas : comment ça se faisait ?  Enlevée par des extraterrestres ces dernières années ou bien élevées par des hamishs vieux jeu ? Aucune de ces deux théories. Elle expliqua alors ne pas avoir eu ce physique, qu'elle n'était pas jolie et différente... Mon regard la détailla alors malgré moi d'une façon un peu plus appuyée, intrigué mais pas mal à l'aise et certainement pas décidé à prendre la fuite. En fait je m'interrogeais sur ce qui l'avait fait changé, et si elle avait réellement eu de gros défauts physiques ou si c'était seulement sa perception à elle. Des questions que je ravalais pour ne pas la gêner davantage. Et puis je saisissais mieux ses hésitations, joues rosies et regards fuyants désormais. "Je vais nul part tant que je t'aurais pas soignée princesse." Répondis je avant de confesser à mon tour : "Tu sais, j'ai j'ai pas toujours été celui que tu as sous les yeux non plus." Littéralement pour le coup. "Ça nous fait un point commun" Lançai-je avec un sourire, espérant dissiper un peu la tension ambiante. Et c'est avec son traitement que je revins près d'elle ensuite : place et doliprane. Apprenant un peu à la découvrir. Étudiante et écrivain. Elle s'inspirait de son expérience d'ado. "Ton secret sera bien garder. C'est moi qui vais te demander un autographe en fin de compte. "

Les révélations de la jeune femme avaient quelque chose d’étonnant et faisaient naitre tout un tas d’autres questions que je gardais pour moi, refusant de la mette davantage mal à l’aise, surtout que cette série d’aveux avait déjà lui coûter beaucoup. Et au final, c’est sur le fait que je ne comptais pas m’enfuir que j’insistais finalement, avouant à mon tour ne pas toujours avoir été celui que j’étais aujourd’hui. Elle s’en amusa, s’auto décrivant avec une auto dérision certaine, comparant ainsi nos deux situations. « Ok, le point commun c’est qu’on est différents de ce qu’on a été par le passé, et je crois que ça s’arrête là. J’ai eu beaucoup de chance étant jeune, j’ai eu une adolescence dorée… ». Et je me stoppai. Ne pas trop en dire. Peut être avais-je déjà laissé échapper trop d’informations, bercée par la confiance qu’elle m’inspirait et ses propres confessions. Il ne fallait pas que j’oublie les enjeux, et puis il fallait que je l’oublie, ce fichu passé. C’était ma vie désormais. Le reste n’existait plus. Je me repris pour me concentrer sur Belle, écrivaine, décidément pleine de surprises, puisqu’elle ajouta qu’elle était plutôt célèbre dans le monde de l’écriture. « Tu crois que je pourrais les lire ? Tes romans ? » demandai-je avec curiosité. Quand à sa phrase suivante, elle fit s’accentuer mon sourire : « Non, ça c’est sûr, t’es inoubliable Belle. » acquiesçai-je avant de reprendre mon sérieux pour m’enquérir de son état : « Tu te sens comment au fait ? »