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{ it's not a dream, it's a nightmare }
crédit/ tumblr ✰ w/@marla witherspoon

La fête battait son plein, sans plus grand étonnement. A peine de retour à Harvard que tous les étudiants se précipitaient déjà dans des fêtes les plus excentriques les unes que les autres. Chaque rentrée était la même, c'était sûrement quelque chose qui ne changerait jamais et auquel je ne participerai plus. Après ce soir. La vie étudiante, Harvard, c'était officiellement fini. Ce qui m'enchantait et me rendait déjà nostalgique et m'effrayait tout autant quand je pensais aux jours qui se profilaient devant moi. Je n'étais pas prêt. Pas totalement du moins, et c'est ce qui explique sans doute ma présence à une de ces soirées étudiantes ce soir suite à l'invitation de Philip. La dernière, comme je ne cessais de me le répéter depuis l'invitation mais au fond, je le savais, c'était loin d'être la dernière. Surtout quand tes meilleurs potes et proches arborent encore, eux, le statut d'étudiant. Ces moments avec eux, j'étais pas prêt à m'en passer, pas maintenant. Surtout quand une petite nouvelle faisait officiellement sa rentrée dans la bande. Marla. La "fréquentation" de Philip. Une petite rousse qu'il défendrait presque autant que sa propre vie ou le visage d'Elias; c'était dire. J'étais content pour lui, clairement, bien qu'un peu inquiet pour Marla dans les débuts, connaissant Philip. Mais il a étonné tout le monde, moi en premier, et Marla était, avec le temps, devenu une addition logique à la troupe - si on pouvait appeler ça comme ça. C'était sans surprise que je l'avais donc retrouvé ce soir à la fête, et croisé plus d'une fois, en compagnie de Philip. Il ne l'avait pas lâché de la soirée. Jusqu'à  cet instant où j'avais décidé de prendre l'air, dans la rue devant la maison en fête et que j'aperçus une petite forme dans l'obscurité, assise sur le trottoir. « Marla ? Qu'est-ce que tu fais ici toute seule à cette heure-ci ? » Je demandais, curieux mais légèrement inquiet en lançant un regard circulaire dans  la rue. Vérifier une quelconque présence; il se faisait tard. « Ça te dérange un peu de compagnie ? »

J'étais sur mon petit nuage. Ma relation avec Philip avait pris un tremplin, nous propulsant bien plus loin que ce que je n'aurais pu imaginer. Bien sûr, il avait fallut que tout ça découle d'un cauchemar. C'était toujours comme ça, il fallait toujours qu'on se déchire avec Philip pour finalement sortir la tête de l'eau. Depuis le début de l'année, le winthrop avait fait des progrès remarquables, prononçant des choses que je ne le croyais pas capable de dire et faisant plus souvent un pas vers moi. Cette fois-ci, malgré qu'aucun mot ne soit là pour définir notre relation, j'avais la sensation d'être avec lui. Il n'était plus seulement question de moi et ça me soulageait. Je faisais des efforts moi aussi, notez bien ma présence à cette soirée étudiante et les quelques verres que j'avais pu boire jusqu'ici. Légèrement pompette, j'attrapais mon gilet pour sortir prendre l'aide. Le monde, la chaleur, la musique trop forte... Je n'arrivais pas à m'y faire. J'allais me poser devant la maison, sur le trottoir et je profitais, les yeux clos, de l'air frais et de la nuit paisible. Puis, les étoiles nous offraient un spectacle majestueux ce soir et il aurait été dommage de ne pas en profiter. Je me tournais finalement quand j'entendais des bruits de pas. Eliot. « Marla ? Qu'est-ce que tu fais ici toute seule à cette heure-ci ? » - « J'ai besoin d'une pause... » que je lui confiais en grimaçant. Il me connaissait un peu, je n'avais pas besoin de lui expliquer pourquoi. « Ça te dérange un peu de compagnie ? » Je venais tapoter le bitume à mes côtés pour lui faire signe de prendre place. « Non, installe-toi... Besoin de prendre l'air ? » que je lui demandais en regardant au delà de son épaule, observant les mouvements rapides d'une personne plus loin dans la rue.

Retrouver Marla ici, loin des festivités était loin d'être une surprise; je le connaissais, du moins, je commençais à la connaître et son caractère était difficilement indéchiffrable. C'était surtout de la retrouver seule qui me surprenait. « Philip sait que t'es là ? Non pas que t'ais besoin de sa permission mais il va sans doute avoir une crise de panique s'il se rend compte que t'es plus avec lui. » Je riais parce que je vous jure, Philip semblait ne pas savoir respirer correctement sans savoir la rousse à côté de lui - il avait beau le nier, je savais lire l'inquiétude quand elle disparaissait de son champ de vision et le soulagement quand elle réapparaissait. J'en riais, pas de moquerie mais d'amusement. C'était un nouveau spectacle qu'il me tardait de voir évoluer, et que je refusais de manquer du coup. Marla était la bonne pour Philip, j'le savais et j'attendrai qu'il s'en rende compte aussi.  Elle était douce, gentille, innocente, tout son inverse, tout ce qu'il lui fallait; sans mentionner que c'était rafraîchissant de pouvoir enfin mener une conversation complète et intelligente avec une de ses conquêtes. Non, elle était définitivement "la bonne".  « Besoin de pause aussi.. j'crois que j'commence à être un peu trop vieux pour ce genre de soirées. » Que je blaguais à moitié en m'installant à côté d'elle. A moitié parce que j''étais un peu près sûr que je faisais parti des plus vieux de la soirée, le vétéran, le mec bientôt à la retraite avec son déambulateur, le mec qui se lève lundi non pas pour aller en cours mais au boulot. Ugh. Je refusais d'y penser, comme un enfant qui appréhende chaque fin de vacances sa rentrée scolaire. Je préférais me concentrer sur le moment, ce soir, le ciel étoilé, l'obscurité de la rue qui me procurait une paix étrangement bénéfique. Même si quelques cris résonnaient au loin trois maisons plus loin, je m'en formalisais pas. Pour le moment. « Hâte d'entamer une nouvelle ann- » Mais les cris s'accentuaient dans cette apparente dispute assez violente que ça m'en avait coupé au milieu de ma question et attiré le regard. Dans la pénombre, je distinguais seulement des silhouettes mais les cris résonnaient si fort qu'ils donnaient l'impression d'être juste à nos côtés. Les sourcils froncés, je lançais un regard interrogateur à Marla. « Qu'est-ce qu'il se passe là-bas ? Ça a l'air de chauffer... c'est des étudiants ? »

Ma solitude disparait au moment où Eliot me retrouve devant la maison, sur le trottoir, l'air inquiet. « Philip sait que t'es là ? Non pas que t'ais besoin de sa permission mais il va sans doute avoir une crise de panique s'il se rend compte que t'es plus avec lui. » Je haussais les épaules en rougissant un peu. « Je lui ai dit que j'allais prendre l'air... » Je n'étais pas partie loin non plus, j'étais juste assise en face de la maison, et puis, Philip semblait heureux, il profitait plutôt bien de sa soirée et je ne pense pas qu'il allait se mettre à paniquer du haut de son petit nuage. Je secouais doucement la tête en souriant. « Sinon, on ouvre les paris pour savoir dans combien de minutes il déboule... » C'était clairement le peu d'alcool que j'avais dans le sang qui parlait pour moi. Difficile de ne pas remarquer à quel point le winthrop était très protecteur avec son entourage, moi y compris. Et Eliot alors ? Qu'est-ce qu'il faisait ici ? Une envie de prendre l'air, de faire une pause ou bien simple coup de blues ? « Besoin de pause aussi.. j'crois que j'commence à être un peu trop vieux pour ce genre de soirées. » Je grimace en le regardant. « Je n'ai pas osé te le dire, mais c'est vrai que je l'ai pensé dès que tu es arrivé... » Je le taquinais, mais en même temps, nous avions quand même six ans d'écart et je me sentais relativement jeune quand je trainais avec eux. « ... tu faisais presque bizarre dans le décor » que je finissais en riant, histoire d'enfoncer le clou. Je ne le pensais pas tellement bien sûr, mais je supposais que ça devait être difficile de voir Harvard comme si c'était du passé. Mon regard déviait peu à peu vers la rue où il semblait y avoir de l'agitation plus loin. Je n'étais jamais à l'aise quand il y avait beaucoup de monde, encore moins quand les gens étaient ivres et quand je sentais la tension monter, vous imaginez bien que c'était encore pire. « Hâte d'entamer une nouvelle ann- » Même Eliot semblait préoccuper et ça me faisait un peu paniquer pour le coup. Des cris se faisaient entendre, nous réduisant au silence alors que nos regards étaient rivés en direction de l'altercation. « Qu'est-ce qu'il se passe là-bas ? Ça a l'air de chauffer... c'est des étudiants ? » - « Je n'en ai pas la moindre idée... » que je chuchotais sans même le regarder. Les cris se rapprochaient où se faisaient plus pressant, je ne sais pas. « Peut-être qu'on devrait rentrer non ? » Je n'étais plus très rassurée à l'idée d'être à l’extérieur, surtout que la dispute semblait s’intensifier d'un coup, devenant même violente, arrachant des cris persans à la victime. Mon cœur se mit à battre plus vite, complètement paniqué par la scène qui était en train de se jouer. Partagée entre l'envie de rentrer me réfugier aux côtés de Philip et d'essayer de calmer la situation pour que personne ne se blesse.

« Ok, vu le taux d'alcool qu'il a actuellement dans le sang, je parie cinq minutes. Parce qu'il lui faudra bien quatre minutes et trente secondes pour que l'information de ton absence lui monte au cerveau. Et trente secondes pour venir à ton secours parce qu'il t'apprécie un peu trop. » Proposai-je en haussant les épaules, après avoir fait mine de réfléchir, m'amusant mentalement de la future gêne de Marla. Et même si la pénombre surplombait tout le décor, je pouvais même deviner qu'elle allait sans doute rougir. C'était une des raisons qui me faisaient apprécier la Dunster, elle était si innocente, c'était adorable à regarder. Tiens, pendant quand on en venait à parler des âges, rien qu'en jugeant à ses réactions, n'importe qui pouvait deviner son jeune âge. Contrairement au mien, faut croire. « Aïe, je sais pas ce qui fait le plus mal, se rendre compte de temps en temps que sa femme est tout juste majeure ou ça ? Je ne te pensais pas si violente Marla. » Déclarai-je, en portant une main à mon cœur, faussement blessé, contaminé par le côté théâtral d'Elias. Jamais je n'avouerai qu'elle avait en partie raison ceci dit, même si c'était dit sur le ton de l'humour, c'était en effet bizarre, pour reprendre ses mots, de me retrouver au milieu des étudiants. Mais est-ce que ça allait m'empêcher de profiter de la vie étudiante au mieux que possible ? Nope. Je restais connecté au quotidien d'Harvard malgré moi et était étrangement plus intrigué par les événements au sein de l'école maintenant qu'auparavant. Comme les présidentielles. Sujet auquel je m'étais apprêté à mentionner à Marla pour la nouvelle année quand on fut interrompu par des cris peu rassurants au loin. Intrigué, mais beaucoup plus sur la défensive, j'interrogeais Marla sur les événements, peut-être qu'elle était plus à jour - mais sa réponse fut négative et les cris s'intensifièrent. Peut-être qu'on devrait rentrer non ? L'inquiétude s'entendait dans la voix de la Dunster, et elle avait sans doute raison, on devrait rentrer. Sauf que s'il y avait bien une chose devant laquelle je ne pouvais pas fuir c'était les agressions, quelles qu'elles soient. « J'vais y jeter un coup d’œil.. rentre toi. » Les sourcils froncés, un regard à peine lancé vers Marla que je pensais en effet rentrée, je m'avançais dans la pénombre, vers deux individus, deux hommes qui étaient bel et bien en plein conflit. Plus je m'approchais, plus je voyais plus nettement leur silhouette, et surtout, surtout, ce flingue qu'un des deux pointait sur l'autre. Les cris provenaient de ce dernier. « Wow wow, les gars.. qu'est-ce qui se passe ici ? » Et c'était sans doute une mauvaise idée d'intervenir dans ça en connaissant l'existence de l'arme dans l'équation sauf que j'étais incapable de fermer les yeux sur ce genre de situation. Je m'arrêtais dans mon avancé, à une distance raisonnable de l'homme armé, les mains levées en l'air quand je sentais une autre petite silhouette me rentrer dedans derrière moi. Marla. Merde, elle était aussi têtue que Margot, ça avait un rapport avec l'âge ?

« Ok, vu le taux d'alcool qu'il a actuellement dans le sang, je parie cinq minutes. Parce qu'il lui faudra bien quatre minutes et trente secondes pour que l'information de ton absence lui monte au cerveau. Et trente secondes pour venir à ton secours parce qu'il t'apprécie un peu trop. » Si je riais au début, là j'étais clairement en train de piquer un fard. Comment lui expliquer que, malgré l'avancée de notre relation à Philip et moi, nous étions encore loin du compte. Nous ne serons jamais Margot et lui, ça ne sera jamais aussi simple. Je préférais clairement zapper cette conversation et le tacler sur son âge. « Aïe, je sais pas ce qui fait le plus mal, se rendre compte de temps en temps que sa femme est tout juste majeure ou ça ? Je ne te pensais pas si violente Marla. » Cette fois, je riais vraiment, de bon cœur. « Je sais me défendre » Il ne fallait pas croire que ma timidité prenait toujours le dessus, j'avais quand même de la ressource et un caractère qui s'affirmait de jour en jour. « La différence d'âge ça ne compte pas, le plus important, c'est que ça se passe bien entre vous et que vous soyez bien ensemble » En tout cas, ils étaient mignons tous les deux et ça coulait de source. Après la dispute qu'on venait de traverser avec Philip, je me disais qu'on avait encore tellement de chemin à faire que le simple fait qu'il puisse accepter d'être en couple avec quelqu'un ne soit pas avant quelques années. Enfin bref. Eliot était parti pour changer de conversation, mais tout s'arrêta quand des cris se firent entendre. C'était tellement violant que je finissais par paniquer à l'idée d'être à l’extérieur. « J'vais y jeter un coup d’œil.. rentre toi. » L'ancien winthrop était déjà en train de s'éloigner vers la dispute et pour ma part, debout, j'hésitais entre demander de l'aide ou le suivre. Ça ne devait pas être si pire non ? Ça devait simplement être deux étudiants trop alcoolisés... Les mains tremblantes, j’avançais doucement derrière le jeune homme, m'arrêtant finalement quand je vois l'arme dans les mains de l'un des deux gars. « Wow wow, les gars.. qu'est-ce qui se passe ici ? » La soirée était clairement en train de tourner au cauchemar. Derrière Eliot, je n'osais plus bouger. Mes yeux se baladaient entre les trois personnes que j'avais sous les yeux, une folle envie de partir en courant. « Je vous conseille de dégager ». C'était la seule réponse à laquelle nous avions le droit et avant même que nous puissions décider ou non de partir, le type était en train de pointer son arme sur la victime. Ma main vient aussitôt se plaquer sur ma bouche pour étouffer un cri de surprise. J'avais terriblement peur de la tournure qu'était en train de prendre les événements. J'avais envie de me ruer sur le personne pour lui enlever son arme, mais j'étais complètement paralysée, impossible de bouger ou de prendre une décision. Et puis, il fût trop tard. Je recule d'un bon et je hurle aussitôt que le coup de feu part. À cet instant, je ne me préoccupe plus de rien et je me rus sur l'inconnu au sol pour espérer pouvoir l'aider, mais une flaque de sang s'écouler tellement vite que je n'avais pas besoin de chercher un pouls pour comprendre qu'il était déjà mort.

J'évinçais vite la remarque de Marla sur ma relation avec Margot avec un simple haussement d'épaules, ne souhaitant pas s'attarder de plus sur ce sujet un tantinet encore sensible. Sur la voie de la guérison mais sensible. Les petites discussions de plaisance se finirent assez vite de toute façon, un vacarme inquiétant nous ayant interrompu. Une dispute. Assez violente, loin d'être anodin qui semblait effrayer Marla au vue de sa réaction mais m'intriguait. Et en moins de temps qu'il ne le faut, je m'étais approché, quelque peu craintif au fond mais surtout avec la volonté de mettre fin à la querelle. Du moins, querelle aurait été le mot adéquate pour une prise de tête sans conséquence entre deux amis au lycée, mais là, plus je m'approchais, plus je constatais que qualifier ça de querelle était bien bien bien loin de la réalité. Le mec avait une arme, pointée vers l'autre, et j'étais à cinq mètres d'eux, tentant de garder une posture confiante mais tremblant à l'intérieur. Ce n'était pas anodin de voir une arme, tristement parce qu'on était aux Etats-Unis mais voir un flingue tenu à bout portant par un homme en colère et sans aucun doute alcoolisé, un flingue en action, c'était un délire autre total. J'ignore quelle mouche m'avait piqué pour avoir le cran de m'incruster dans leur règlement de compte mais je l'avais fait et le tireur ne m'accorda aucun signe si ce n'était une mise en garde glaçante. Et j'étais bien loin d'être confiant. Et rien ne s'arrangeait lorsque je me suis rendue compte de la présence de Marla, cachée derrière moi. Je sentais d'ici sa frayeur, entendait son cri de surprise étouffé, je devinais sa tétanisation. Parce que moi aussi, je l'étais, les bras en l'air, totalement abasourdi, la gorge nouée. Y'avait aucun guide sur ce genre de truc aussi, ils devraient en faire. Qu'est-ce qu'on était censé faire ? J'tentais un pas, une main tendue mais tout s'était déroulé très vite. Avant que j'ai pu entreprendre un semblant discours pour les apaiser, le coup de feu partit, résonna dans l'air, m'assourdissant au passage, me glaçant le sang. Le cri de Marla n'atteignit même pas mes oreilles tellement le bruit du coup tiré résonnait deux ou trois fois de trop dans mes tympans. J'étais figé, toutes les parties de mon corps étaient figés, refusaient de répondre; mon regard, paralysé, fixait le même point en face de moi, là où se trouvait l'homme qui venait de tirer dix secondes plus tôt avant de prendre fuite. Je captais à peine Marla qui accourait vers la victime, coincé dans un état de transe qui me semblait perdurer une éternité. C'est une odeur qui réveilla enfin mes sens, cette odeur. Familière mais en même non. Pas aussi poignant en tout cas. Le sang. Beaucoup de sang. Un électrochoc qui me parvenait aux narines. Je bougeais. Un pied, puis deux et sans m'en rendre vraiment compte, j'étais aux côtés de Marla à tenter de réanimer la victime qu'on savait tous les deux morte. Y'avait aucun doute. Mais pourtant : « Appelle l'ambulance Marla ! Vite ! » Vu la plaie au niveau du cœur, il n'y avait aucune chance, mais je tentais et m'acharnais sur le corps avec un message cardiaque, les mains ensanglantées.

Le coup de feu était parti si vite. Je passais de la fille paralysée par la peur à une personne réagissant au quart de tour. Je ne me préoccupais du meurtrier, ni même de son arme. Bien qu'un inquiétude était présente envers mon ami, c'est sur la victime que je me ruais. Tué sur le coup, se vidant de son sang, je savais qu'il était mort et pourtant, je tentais par tous les moyens de me rappeler de mes exercices de secourismes. Donner les premiers soins, les mains tremblantes et déjà recouvertes de sang. Une vision d'horreur digne des pires scénarios, un cauchemar auquel jamais je ne me serais attendue. J'avais la sensation que venait de donner un coup de pied dans mon innocence. Tout mon monde venait de s'écrouler et même les bras chauds et réconfortants de Philip ne pourront rien pour moi. J'étais souillée par cette vision d'horreur. J'avais la sensation qu'un liquide me recouvrait peu à peu. Agenouillée aux côtés de la victime, son sang tiède était en train de glisser le long de mes jambes, me faisant me relever en ne sachant plus quoi faire. Il était mort, il se vidait de son sang et pourtant, Eliot persistait à vouloir le réanimer. Je ne pouvais pas lui en vouloir pour ça. « Appelle l'ambulance Marla ! Vite ! » Je m’exécutais tant bien que mal. Mon téléphone tactile réagissant assez mal au sang sur mes doigts. Je parvenais tout de même à faire le numéro d'urgence, les laissant prendre le relais avec la police. Mon cœur battait horriblement vite j'avais l'impression que mon corps allait lui aussi me lâcher. M'approchant à nouveau de la victime, les larmes commençaient à couler d'elles-même. « Eliot, arrête s'il te plait... » que je l'implorais d'une voix douce mais ferme. « Il est mort, tu ne peux rien faire... Ne t'acharne pas sur le corps, ça ne sert plus à rien... » Mes deux mains sur ses épaules, je le poussais en arrière pour qu'il recule avant de finalement glisser mes doigts sur les paupières de la victime pour lui fermer les yeux. On ne pouvait rien faire. On aurait rien pu faire.

Je savais pas ce que je faisais, ce que j'étais censé faire, ce que je ressentais, ce que j'étais censé ressentir. Le choc était trop intense pour que je puisse avoir une réaction dans la norme - mais après, on peut se demander, quelle réaction était dans la norme face à ça ? Aucun individu n'était paré à réagir de façon sensé dans cette situation. Le sang. C'était ce qui marquait le plus. Ce liquide rougeâtre, épais, visqueux, l'odeur vous fouettant à plein nez. Et chaud. Ou peut-être que mes mains étaient trop brûlantes; mes mains recouvertes de ce sang. Fraîchement sorti de ce corps. J'avais menti quand je disais n'avoir jamais vu du sang en grande quantité parce que si, ça m'était déjà arrivé. Toute cette vue me projetait brutalement dix mois à l'arrière à la fausse couche de Margot, seulement il y a cette barrière psychologique de temps à autre qui vous bloquait des mémoires trop bouleversantes pour votre petit cerveau de pauvre humain - et ma barrière à moi avait fait en sorte de bloquer ces images de Margot ensanglantée. Jusqu'à maintenant. Des images d'avant et de ce soir s'entrechoquaient dans mon esprit, entre Margot qui tombait dans mes bras, le coup de feu, le corps inerte de Margot, le corps transpercé de cet individu, ce liquide rouge glissant sur les cuisses de Margot, ce même liquide rouge englobant la victime de ce soir... toutes ces images me menant à une : mes mains en sang. Je tentais de reboucher le trou à la poitrine du jeune homme, tout en lui faisant un massage cardiaque, s'acharnant sans retenue dans la manœuvre et ordonnant à Marla d'appeler les secours. Mais même sans un avis médical, je savais que c'était foutu. Ses yeux étaient clos, ses dernières larmes coulant encore sur ses joues; ses poumons ne s'élevaient plus; son nez ne produisait plus aucun souffle. Pas besoin d'un expert pour comprendre, j'avais saisi, Marla avait saisi et les nouveaux arrivants, intrigués par le bruit, sûrement aussi. La petite rousse me tirait d'ailleurs soudainement par les épaules, m'éloignant de la victime. Eliot, arrête s'il te plait... Sauf que je refusais. Je refusais de baisser les bras.  Si ce n'était pas pour ce con qui avait tiré sur ce pauvre gamin, il en serait pas là. « Il est parti où ? » Forcé d'être assis au sol, plongé dans ce sang, encore ce sang, j'aboyais ma question à Marla, à propos du tireur. J'voulais espérer deux secondes qu'elle savait plus sur la situation que moi, et savait où il s'était caché. Illusoire, je sais. « IL EST PARTI OU MARLA, PUTAIN ? » La colère, la rage me gagnait si soudainement que je me levais tout aussi brutalement que mes cris et j'attrapai de mes mains ensanglantées Marla par les épaules pour la secouer. « On peut pas le laisser s'en sortir comme ça Marla... DIS-MOI OU IL EST ! » J'étais prêt à le chasser, peu importe la direction, la distance, peu importe les bruits de sirènes qui s'approchaient du lieu et allaient s'en doute m'en empêcher. Je refusais d'abandonner ce pauvre gamin.

C'était officiellement le pire jour de ma vie. Je n'arrivais pas à assimiler ce qui était en train de nous arriver. Je sentais que mon cerveau était en train de partir en vrille et c'était comme si je me trouvais dans une pente glissante avec rien autour de moi pour me retenir ou m'aider. Même Eliot, il semblait déjà loin. Il était comme perdu, comme si tout comme moi, nos âmes avaient été définitivement souillées à la vue de tout ce sang. Il y en avait partout. Agenouillée à côté de l'inconnu sans vie, je regardais l'ancien étudiant en train de s'acharner sur le corps à faire un message cardiaque qui ne pourra rien changer. Nous étions posés dans cette marre rouge et visqueuse, l'odeur de fer nous remontant à plein nez. Si c'était le pire jour de ma vie, sachez que le pire n'était peut-être pas encore terminé. Alors que je tentais de repousser Eliot pour qu'il arrête de se tuer à la tâche, je sentais son regard noir et meurtrie se poser sur moi comme si d'un coup, il me portait responsable de tout ce qui était en train de nous arriver. « Il est parti où ? » qu'il aboyait avec force en me regardant. Il avait la rage et rien ne pouvait l'arrêter dans sa détermination. Où était-il ? Où était parti l’assassin ? Je ne pouvais pas répondre à la question, j'en étais incapable. Choquée et perdue dans mes pensées, je ne voyais même plus le jeune homme jusqu'à ce qu'il m'attrape par les épaules et me secoue avec force en hurlant et déversant sa rage sur moi. « IL EST PARTI OU MARLA, PUTAIN ? » Mes larmes coulaient d'elles-même sans que je ne commande quoi que ce soit. Je pleurais et je pleurais sans rien contrôler. Cette nuit si paisible était un véritable cauchemar et on ne pouvait rien faire pour rattraper la situation. Au loin, on entendait déjà des sirènes retentir, mais j'essaie de trouver par tous les moyens une réponse à sa question. En vain. « On peut pas le laisser s'en sortir comme ça Marla... DIS-MOI OU IL EST ! » - « Je... Je ne sais pas » que je disais faiblement, n'arrivant pas à retrouver un quelconque souvenir pour lui venir en aide. « Je n'en ai aucune idée » Pour la simple raison que je n'avais pas regardé. Je m'éloignais finalement de quelques mètres, tournant le dos à la scène macabre, ne pouvant plus faire face à un tel spectacle. Et enfin, la police arrivait en même temps que l’ambulance, gyrophares et sirènes allumés. Je levais aussitôt mes mains en l'air, de part et d'autre de mon visage le temps qu'ils sortent armés. Je ne savais quoi faire et en entendant le son de la fête où nous nous trouvions s'arrêter, j'imaginais qu'un grand nombre de personnes allaient sortir d'une minutes à l'autre pour comprendre. Je détestais tout ça au plus au point. Vivre un tel moment et finalement, avoir tous les regards sur moi comme si j'étais une bête de foire. « Nous étions en train de prendre l'air calmement quand une dispute a éclaté plus loin. Un homme a tiré et s'est enfui. On ne sait pas dans quelle direction. » ma voix tremblante et mon état psychologique me mettait vraisemblablement hors de cause, tout comme Eliot.