Inselspital, Hôpital universitaire Bern, 4ème année.
Elrad, mon fils. à ces mots je ressens ta douleur, ta souffrance est mienne.
Les lumières défilent au dessus moi. aveuglantes, je ne peux pas détacher mon regard. elles m'imprègnent et me détournent de mon principal objectif : rester en vie. quelqu'un vite, n'importe qui. tu alertes le personnel médical, tu hurles dans mes oreilles. je ne vais pas mourir tout de suite papa, j'ai encore quelques minutes de répit. t'es aussi pessimiste que moi putin, tu vois déjà la grande faucheuse me condamner. tu me refourges ta peur, moi aussi j'ai peur maintenant. une infirmière se précipite vers toi et tu essaies de lui expliquer le problème. tes mots sont aspirés par les sanglots. t'as toujours fait dans le drama papa, une crise d'asthme ce n'est pas la fin du monde. c'est sur, sauf que celle là c'est ma cinquième en un mois et demi. je ne respire presque plus, je suffoque et toi, tu continues de hurler sur cette pauvre infirmière démunie. je change de bras, je quitte les tiens chauds et rassurants pour ceux de l'infirmière. elle est belle l'infirmière, je ne la vois presque pas. elle me parle, je ne l'entends pas non plus. tous mes signaux sont brouillés, je ne capte bientôt plus la vie. j'ai peur papa, ne me laisse pas je t'en supplie. tu suis l'infirmière, tu ne lâches pas ma main. je sens ton rythme cardiaque qui puise dans tes veines. c'est pas rassurant. elle m'allonge. je vois de nouveau les lumières défiler devant mes yeux. où suis-je papa ? je cherche ta main, je ne la sens plus. ha si. c'est ta main sur mon bras ? c'est bizarre, ça pique. j'ai mal là aussi. qu'est ce qui se passe ? je lève les yeux pour te voir mais ils roulent dans leurs orbites. il fait tout noir. ta main dans mes cheveux m'appaise on dirait. mes poumons me font de moins en moins souffrir, c'est ça la mort ? je vais avec mamie au ciel ? j'ai pas envie de rejoindre mamie, je veux rester auprès de toi papa. et maman elle est où aujourd'hui, encore barrée avec son nouvel amant ? ça n'a plus d'importance maintenant. tu es là toi. tu me balances des tonnes de promesses mais l'écho de ta voix devient de plus en plus faible. tu es là mais je ne me suis jamais senti aussi seul. seul face à mon asthme avancé au stade le plus critique qu'il soit. les médecins vont me donner un autre remède papa. j'aime pas te savoir dans cet état à cause de moi. tout va bien se passer, je vais me battre pour toi. on est comme ça chez les hennebert, soudés. à deux on l'est, pas avec les autres.

À la maison, noël de ma 11ème année.
La mauvaise tentation au mauvais moment pour une mauvaise personne.
Je vais mieux, merci de demander. les médecins m'ont tirés d'affaire une bonne dizaine de fois avant de trouver the traitement adéquat. maintenant je ne fais plus que de petites crises espacées de quelques mois chacune. j'ai bien grandis en six ans de temps. mon  asthme s'est amélioré grace aux medocs. papa et maman sont toujours en froid mais continuent à cohabiter ensemble, pour moi j'imagine. les voir s'engueuler tous les jours c'est pas facile mais j'ai pris l'habitude. pas de panique. ils se disputent mon amour, surtout mon père parce que ma mère s'en fou un peu. ça fait approximativement 3 mois qu'il m'excite avec son cadeau de noël. je t'ai trouvé le cadeau parfait, qu'il me disait dans cesse. j'ai hâte de le découvrir, je m'attends à un truc grandiose. il connaît mes goûts, il sait ce que j'aime. je ne peux plus attendre. noël a sonné il y a deux heures à peine, il fait nuit, je ne tiens plus en place dans mon lit. le vieux a mis les cadeaux devant le sapin la veille, j'ai vu le mien. je l'ai vu mais je ne sais toujours pas ce qu'il y a dans la boite. c'est de la torture. je me pose trop de questions, je dois absolument savoir ce qu'il y a dedans. c'est devenu une question de vie ou de mort. je me lève de mon lit et parcours  silencieusement la chambre. je passe devant celle de mes parents, il n'y a que mon père d'allongé. j'ignore où est ma mère, elle me dégoute. j'ai mieux à faire tfaçon. sans grande discrétion je me rends au salon. je contemple le sapin, ça dure quinze secondes. le cadeau m'appel. je le déballe dans une délicatesse dissimulée. mes yeux deviennent ronds et humides. ma parole, je suis heureux ? peut-etre bien ouai. c'est une console ! une putin de console badass de la mort qui tue. j'en deviens vulgaire sa mère la pute ! j'ai envie de chanter, de danser et d'hurler ma joie. elle est belle. elle est neuve. elle brille. jte jure qu'elle brille dans le noir. j'aurais pas pu espérer mieux. j'ai un pote qui en a une, on se fait souvent des parties de play quand je vais chez lui. c'est bagdad dans ma tête, je suis pris d'une euphorie solitaire. j'ai envie de l'essayer tout de suite mais ce n'est pas raisonnable. je l'ouvre quand même, tant pis. je lis la notice pour me faire passer le temps, je m'endors à côté d'elle. même si j'ai ouvert mon cadeau avant les autres, mon père ne dira rien. il m'aime trop pour me disputer. il n'a qu'un seul enfant, ça serait dommage de me perdre pour une banale histoire de console, n'est ce pas.

Bahnhof Bern, 19ème année.
J'ai aimé une fois, c'était puissant et destructeur.
La vie ne m'a rien appris. je ne suis qu'un moins que rien qui espère encore qu'elle me suive dans ma folie. qui suis-je pour prétendre l'intéresser ? elle est intelligente, ambitieuse et audacieuse. elle la belle. moi le clochard. mon pied tremble d'impatience. midi. je suis en avance d'un quart d'heure. le stress fait maintenant parti intégrante de mon être. je vois ce couple au loin, j'ai envie de vomir. l'amour c'est pour les autres, moi je ne mérite pas l'attention d'une fille. surtout pas son attention à elle. je les envie ces gars en couple, ces frimeurs populaires qui pètent plus haut que leur cul. imbécile. j'ai passé trop temps devant la console, je m'en rends compte maintenant mais c'est trop tard. j'aime ça putain. ma main parcours nerveusement ma chevelure. un agent ferroviaire m'accoste. dégage connard. oui j'ai mon billet pour paris et oui on est en train de me poser un lapin. un lamentable râteau. minable spécimen. comme d'hab je me pose trop de question. je suis trop amoureux pour être lucide, c'est de la merde les sentiments. de la grosse daube. je m'impatiente. je m'énerve. mes yeux alternent l'horloge au dessus de la voie et l'entrée de la gare. son absence va me dévaster, je le sais. mes relations avec les gens ne sont pas bonnes, je n'aime pas les autres, je n'aime que moi. c'est le quart d'heure le plus long de toute ma vie. j'angoisse, je respire de plus en plus fort. elle ne sait pas ce qu'elle provoque en moi. elle est loin de connaître la vérité à mon sujet. c'est mieux. l'aiguille des secondes fonctionne au ralenti. le temps est contre moi, quelques regards inquiets s'arrêtent curieusement sur mon cas. il va faire un malaise ? il est tout blanc. je vais bien enfin je crois. je serre fortement la anse de ma valise, j'ai surtout envie de la balancer contre le mur. la violence veut s'inviter en moi mais n'y a pas sa place. faiblesse. je perds espoir, j'ai voulu être optimiste mais elle ne viendra pas. sofia a choisi une autre destinée que celle que j'ai pu lui proposer. à raison. je ne suis personne pour la contredire, j'aurais surement fait le même choix qu'elle. j'ai perdu la foi, c'est fini. amour d'adolescent. à ce jour, elle reste l'unique fille à avoir détruit mon coeur. il ne bat plus. jamais.

Boston logan international, 23ème année.
Triste refuge que le cercle vicieux de l'imaginaire.
Pire que livide, je suis cadavérique. on est en plein mois de juillet mais je suis blanc comme un cul. l'avion vient d'atterrir, grâce à dieu je suis encore vivant. je déteste l'avion, j'ai une peur bleue de ces engins de malheur. sans déconner c'est le truc le plus absurde que j'ai jamais vu. l'inventeur de l'avion, un génie ? mes couilles ouai. la gonze à côté s'est moqué de moi tout à l'heure mais qu'elle aille brûler en enfer ! quand j'ai peur je deviens agressif, c'est un phénomène normal il paraît. j'ai pas touché à la bouffe, ni au champagne proposé durant le vol. j'étais trop mal pour ça. mon mal de l'air est encore critique. je titube à la recherche d'un peu de fraîcheur. j'ai une mine de déterré. une sale gueule. je n'ai qu'une petite valise que je récupère rapidement. il y a dedans que mes indispensables : ma console avec mes manettes. des capotes au cas où les amerlocs n'en aient pas. et quelques fringues. le reste j'achèterai plus tard. je prends ma valise et me barre de l'aéroport, je me faufile dans un taxi qui prends la route vers mon futur appartement. une fille m'y attend là-bas. ma future coloc. pourvu qu'elle soit belle. merde elle est moche. j'ai vraiment pas de chance. elle a l'air de parler beaucoup. ouai machine tu parles trop. fermes-là 5 minutes. elle va me saouler je le sens. elle est moche mais a un bon fond. elle me fait visiter harvard et me traîne manger dans un endroit qu'elle semble connaître. je fais un effort pour essayer de m'intégrer mais ça ne va pas durer longtemps. première semaine, ça passe. les suivantes aussi. j'arrive à tenir un an, je peux supporter une 2ème année. heureusement que j'ai ma console avec moi, sans elle je me serais déjà suicidé. pour sur.