Je lui jette un regard insatisfait de sa réponse. Non mais il était sérieux ? C’était quoi cette envie débile. Il avait juste peur des regards des autres et c’était la seule raison qui le pousserait à partir ? Je laisse échapper un souffle ; il m’exaspérait. – Si c’est juste pour éviter ce genre de situation… ça sert effectivement à rien de déménager. Je lui réponds en levant les yeux au ciel. Il se creusait vraiment trop la tête et je pouvais le comprendre qu’à moitié. Je suis l’incarnation de la spontanéité et j’étais irréfléchie. Je me retrouvais donc dans ses paroles. C’était tout à fait moi. M’installer avec quelqu’un et partir du jour au lendemain car ça ne me plait plus. Je ne pouvais pas lui demander de suivre mon exemple, j’étais trop extrême mais je voulais qu’il arrête de trop réfléchir. Je voyais très bien, ça le rongeait, le tuait presque. Et plus il réfléchissait, plus ça deviendrait toxique pour Vega et lui. – J’avoue ce n’est pas top mais au moins tu auras donné une chance. Tu auras essayé. Et tu as eu envie d’une vie avec elle même si c’est un court instant… Il a peur. Il angoisse. Je le vois très bien et ça me fait encore plus mal. Il n’a pas envie de devenir un type ennuyant. Je lui souris, je ris doucement. Nous étions vraiment pareil. Nous étions incapables de nous projeter dans l’avenir. – Tu sais et tu me connais, je ne te demande pas de te projeter dans l’avenir et imaginer ta vie d’adulte. Déménager ne rime pas avec mariage, enfant, chien… Je te dis juste de vivre le moment présent. Et puis... Baby steps tu connais ? C’est trop tôt de parler de l’avenir ! Tout ça viendra en temps voulu ! La question du moment est le déménagement rien d’autre. En tout cas, si Elliot pensait à tout ça, c’était que leur relation était vraiment sérieuse et qu’il l’aimait profondément. Je suis vraiment contente pour lui. – Tu l'aimes énormément pour réfléchir comme ça. J'imagine qu'au fond de toi, tu connais la réponse à ta question.

Je roule des yeux. Evidemment que c’est pas simplement pour ça, mais tu me connais, je vois les trucs évidents d’abord. Puis le vrai problème, c’est la peur qui me bouffe, le fait d’imaginer que peut-être ça ne fonctionnera pas et que je serais dans la merde à ce moment là, car je n’aurai pas les couilles de lui avouer ce que je ressens, tout comme je n’avais pas eu les couilles pour parler à Cléo et lui dire que ça n’allait plus entre nous. Ouais, c’est sûr qu’on ne peut pas savoir si ça va marcher ou pas avant d’avoir essayé… Mais ça me stresse de me lancer dans l’inconnu, alors qu’avant, j’aurais sauté à pieds joints dedans. « Tout ce que j’entends dans ‘baby steps’, c’est ‘baby’. » Ca me rassure pas, du coup. Mais bon. Je soupire doucement, longuement. « Oui, je l’aime. C’est con, c’est rapide, ça m’est tombé dessus, mais je l’aime. Mais je me dis que c’est rapide entre nous. C’est tôt. Alors pourquoi j’ai envie de lui dire oui quand même ? Est-ce que je devrais tout quitter pour l’envie d’être avec elle 24/7 ? » Ne me dis pas de suivre mon instinct parce que si j’fais ça, mes cartons seraient déjà faits. C’est quand même un truc important, je ne peux pas me permettre de décider ça à la légère.

Sur le coup, j’avais bien envie de frapper Elliot après sa remarque. Mais je me contente de le fusiller du regard. Il me fatiguait au plus haut point. – Est-ce que je t’ai dit d’avoir un gosse ou d’y songer ? Non ! Je comprends qu’il angoissait, le déménagement était une grande décision et j’admets que ça peut être difficile. Mais là, il allait vraiment trop loin. Il cherchait vraiment la petite bête pour ne pas déménager. Du coup, c’était peut-être ça sa réponse ? S’il cherchait des excuses, c’était probablement qu’il ne voulait pas maintenant mais peut-être plus tard. Sauf que voilà, il me dit qu’il a envie d’être 24/7 avec elle. Niveau, indécis, il était terrible. Je ne pourrai jamais sortir avec un type pareil. Je commence à comprendre le désarroi de Vega. – Bon… sincèrement… Vu comment tu te tortures en ce moment et que la spontanéité n’est vraiment pas ton truc… Ne déménage pas. Je conclus. Il était visiblement pas prêt et je ne pouvais pas le pousser à sauter le pas. – Pas maintenant en tout cas. Tu as envie de la rejoindre mais ta raison t'empêche... donc quand ton envie sera assez fort tu le sauras... Quand, je sais pas. Je ne sais pas si je l'aidais réellement mais je ne pouvais pas faire mieux. Je n'avais pas la réponse à toutes les questions, loin de là. Je n'étais pas psychologue, wikipedia ou encore google. – Enfin voilà c'est mon avis mais pas ma décision. Je lui rappelle encore que lui seul pouvait décider, qu'il avait le dernier mot.

"Encore heureux! Je t'aurais frappée si t'avais évoqué l'idée." Moi, papa? Jamais de la vie. J'acceptais d'être parrain - hell, j'étais même complètement gaga des gosses de Meghan, mais au moins c'était pas les miens. J'avais pas à m'en occuper h24, 7j/7. J'allais les voir quelques heures, je repartais. J'avais que les bons moments, les côtés positifs. Puis, j'suis pas un gars assez responsable pour m'occuper d'un gosse, il mourrait probablement parce que j'aurais oublié de m'en occuper, comme les Tamagotchis. Et là, tu me balances que je ne devrais pas emménager avec Vega. Ah? Pourquoi je suis comme... déçu, de la réponse? Chelou. Je sais vraiment pas ce que je veux, j'attends que tu me dises un truc et quand tu me le dis enfin, j'suis toujours pas satisfait. Une plaie. "T'es en train de me dire de vivre au jour le jour en gros? Et que, si j'en ai envie, ça sortira tout seul, ça se fera tout seul?" Mais le truc c'est que... "J'en ai envie. Vraiment. Je veux être avec elle. C'est juste que... j'pense trop. J'imagine trop le pire et du coup, ça me fait douter." Pourquoi j'peux pas être le Elliot d'avant? Le gars qui sautait dans le tas sans même y penser? Je grogne d'agacement - envers moi-même, pas envers toi - et je me laisse tomber sur le dos, sur mon lit, fermant les yeux et me passant les mains sur le visage. "Pourquoi j'suis aussi con? J'devrais juste dire oui. Je l'aime non? C'est simple. Je vais dire oui."

Une main sur le cœur, je le regarde avec un air grave, faisant mine d’être totalement outrée par ce qu’il venait de dire. – Me frapper ? Carrément. Eh ben, je veux bien que notre amitié peut survivre à toute épreuve. Mais ne poussons pas le bouchon trop loin non plus. Je plaisante à moitié. De toute manière, je sais très bien qu’il serait incapable de me frapper… Ou bien peut-être que si… par mégarde éventuellement ? Oais, totalement, je le vois bien me cogner par mégarde. Après tout, avec mon karma et le sien combiné… c’était possible. Et avec son karma, je le voyais être père par accident. Ça serait le comble et bien évidemment je garde cette pensée pour moi. Il allait réellement me frapper s’il pouvait lire dans ma petite tête. Terrible ce garçon quand même. Il me tuait. A force de douter, je lui propose de refuser et j’ai drôlement l’impression qu’il est déçu. Vraiment indécis ce mec. Je l’écoute parler et j’ai vraiment envie de le tuer tellement qu’il est compliqué. L’étrangler mais je me retiens car un c’est Elliot, deux c’est mon meilleur ami, trois Vega me tuerait. – Oh Elliot Maxwell, tu me rends dingue, tu le sais ? Je me lève de son lit comme si j’avais besoin de prendre de l’air. En réalité, je ne bouge que de quelques mètres pour me poser sur la chaise de son bureau. J’attrape la bouteille d’alcool que j’avais apporté pour lui en souvenir d’Islande, et je commence à me servir un verre. Je ne sais pas depuis combien de temps ce verre trainait sur son bureau et s’il était à lui mais tant pis. Santé, il était à peine 10h du matin. Tout va bien. Je le regarde tomber sur son lit, totalement désespéré. Tiens tiens, nous étions deux. Finalement, il craque et me confie qu’il va déménager. Je manque de m’étouffer. – Mon dieu, ça y est ? Tu t’es décidé ? Tu déménages ? ! J’ai envie de fêter et de pleurer.

Je lâche un petit rire à ta remarque sur notre amitié. Bien sûr que non je n’oserai pas te frapper. Déjà, je suis pas un gars violent de base — quoique, dernièrement ça laisse un peu à désirer — et puis je lèverai jamais la main sur une femme, aussi chiante puisse-t-elle être. "C’est ce qu’elles disent toutes." que je lâche dans un petit sourire amusé quand tu lâches ton commentaire exaspéré. Je sais que je dois te rendre dingue, je change d’avis comme de chemise, un coup c’est oui, l’autre c’est non, j’attends que tu me dises un truc et quand tu me le dis enfin j’en suis pas satisfait. Un gars relou quoi. Mais finalement, le gars relou finit par prendre une décision. Décision qui ne manque pas de te surprendre. Alors je me relève du lit, me plante face à toi qui t’enfile un verre d’alcool à 10h du matin. "Oui, je vais déménager. Je l’aime et j’veux faire ça avec elle, j’veux construire quelque chose. Va bien falloir que je grandisse un jour. Mes potes finiront par partir aussi faire leur vie, j’peux pas rester en coloc jusqu’à mes 30 ans." Je te pique le verre des mains pour en boire une gorgée, comme pour fêter ma prise de décision qui avait été longue et fastidieuse. "Pas mal cet alcool d’ailleurs, merci pour le cadeau." D’ailleurs, je prends un verre pour m’en servir un et trinquer avec toi. "A ma nouvelle vie d’adulte je suppose." Et hop. De toute façon, y’a pas d’heure pour boire.