J'ai passé ma journée à penser encore et encore à hier. À ces sentiments contradictoires qui m'habitent, à ce bonheur de la retrouver face au mal qu'elle m'a fait en m'abandonnant il y a trois ans. J'avais besoin de me confier à quelqu'un, de conseils. Et je savais que dans ce genre de situation, il n'y a que Bambi qui soit apte à me donner les bons conseils. Je peux tout lui dire sans peur d'être jugée ou de passer pour une pauvre fille aveuglée par ses sentiments, parce qu'une fille pseudo normale aurait jeté l'éponge de cette histoire il y a déjà 36 mois. Mais ce n'était pas mon cas. Peut-être que j'suis pas normale, ou bien folle. En début d'après midi, je lui avais envoyé un message, pour savoir si je pouvais la voir. J'étais paumée comme jamais. J'avais séché ma deuxième journée de cours consécutive. Je fournirais un justificatif à l'administration, tant pis. Mais je ne me sentais pas de me confronter aux autres avec cette gueule de déterrée. Je sortais de mon lit au dernier moment, afin de me préparer pour me rendre chez l'italienne. Comme je sais qu'elle a ses partiels bientôt, c'est sans alcool que je me pointais au centre de Boston, à sa porte. Je tapais contre cette dernière, évitant la sonnette que j'utilise seulement en cas d'urgence.

Le message de Cloé avait profondément inquiété Bambi, en pleines révisions de ses partiels prochains, veillant sur son timing afin d'être fin prête le jour J, comme à son habitude. L'italienne avait une tête fatiguée, certes, mais cela ne l'empêchait pas de bosser telle l'acharnée qu'elle savait si bien être. Sauf aujourd'hui... aujourd'hui ferait exception, puisqu'une amie proche semblait avoir besoin de ses conseils. Une fois qu'elle eut entendu sonner, la brunette se rua vers la porte, sans attendre même une seconde, lâchant son bouquin de neuro et ses fiches de révision pour aller ouvrir, serrant aussitôt sa Mather préférée dans ses bras pour la saluer dignement. Ma beauté ! Entre, je t'en prie fit-elle avec un sourire, s'écartant pour la laisser entrer, refermant la porte derrière elles. Tu m'as inquiétée avec ton message... ce n'est pas trop grave ? Je peux te servir quelque chose à boire et à manger pendant que tu me racontes si tu veux !

Honnêtement, je n'étais pas prête pour tout ça. Je ne pensais pas la revoir, que tout ça allait être aussi fort, aussi intense, aussi déstabilisant. Je n'avais jamais imaginé tout ça, malgré les nombreuses histoires que je m'étais montées dans la tête ces trois dernières années. J'avais toujours pensé que j'allais être super heureuse, que tout allait redevenir comme avant, et j'ai l'impression que dans ma tête, c'est encore pire qu'avant. Au volant de ma caisse, arpentant la route entre la Mather House et chez Bambi, ma tête était remplie d'idées sur tout ça. Finalement sur place, la brune m'accueille chaleureusement, et me dit qu'elle s'est inquiétée suite à mon message. Un léger sourire se dessinait sur mes lèvres quand je la serrais dans mes bras. « Désolée de t'avoir inquiétée, c'est pas si grave que ça en a l'air en tout cas. » dis-je avant d'avancer dans son salon. Elle me demandait si je voulais un truc à boire ou à manger. « J'veux bien un truc à boire, ouais. Et tu devrais boire un truc aussi, parce que j'vais te raconter un truc dingue, et j'sais pas ce que j'dois faire depuis. » dis-je en riant légèrement, même si ça annonçait clairement la couleur du sujet.

Cloé eut beau lui soutenir mordicus que tout ceci n'était pas aussi grave que ça en avait l'air, Bambi n'en fut pas pour autant rassurée. Bien au contraire. La suivant jusqu'à son propre salon, guettant le moindre signe, le moindre geste pouvant lui indiquer quelque chose sur la situation, l'italienne se mit à grimacer doucement. Mais ça ne veut pas dire que ce n'est rien... nota-t-elle, toujours aussi observatrice dans son genre. On ne pouvait rien lui cacher bien longtemps, surtout lorsqu'elle connaissait les gens aussi bien, comme c'était le cas pour Cloé. Ceci étant, la jolie Mather avait de la chance : ce soir, la brunette révisait, et n'était pas en train de s'alcooliser joyeusement pour anesthésier son cœur et son corps... Je nous prends un truc fort attends ! s'exclama-t-elle en sortant la bouteille de vodka du freezer, partant du principe que cela valait au moins ça. D'ailleurs, si l'italienne en servit rapidement deux shooters et n'oublia pas de trinquer, elle fut la première à se rincer le gosier. Vas-y, je suis assise et prête !

J'étais simplement perdue. Pourquoi j'avais si facilement cédé à cette tentation qui me bouffait les tripes depuis que je la connais ? Pourquoi je m'embarque toujours dans des situations complexes que je ne parviens finalement pas à gérer ni assumer ? C'était ce genre de questions qui me taraudaient depuis la veille, une fois que j'étais rentrée à la Mather House. Je sentais le regard de mon amie sur moi, qui essayait d'observer un signe qui pouvait trahir je ne sais quoi. Elle disait également que ce n'était peut-être pas grave mais que ça ne voulait pas dire que c'était rien. Je ne pouvais pas dire le contraire, en effet. C'était comme une bombe à retardement. « Non, c'est pas rien. Disons que ça...remet un tas de choses en question dans ma tête. » répondis-je avec un léger sourire qui se montrait rassurant, mais c'était surtout pour me rassurer moi-même. Quand elle me proposait de boire un truc fort, je ne pouvais pas refuser. Ca me détendrait certainement. « Vas-y fais péter, tu verras le côté drôle de ce que j'ai à te dire, peut-être. » dis-je en attendant qu'elle revienne de sa cuisine. Quand elle me tendait le shooter de vodka, je fis la même chose qu'elle, à quelques secondes près. Elle me disait qu'elle était prête à entendre la bombe que j'allais lancer. J'crois qu'elle est pas prête la petite, mais c'est pas grave. « Je t'ai déjà parlé de Kim, mon ex. Bah elle est revenue il y a quelques jours. Et on a couché ensemble. Et j'lui ai pas vraiment posé de questions. Parce qu'elle est trop belle et que je l'aime, bah j'ai été super faible. Et maintenant, j'suis super paumée dans ma vie. » dis-je alors, en me cachant légèrement derrière mes mains, avant de rire nerveusement. Je sentais qu'elle allait me passer un léger savon, l'italienne.