C'était soudain, irréfléchi, mais ça faisait beaucoup de bien. Tu te laissais aller et tu resserrais ton étreinte autour de sa taille. Elle te demandait de parler, te donnait le feu vert pour ouvrir ton cœur et tu sembles enfin lui faire confiance puisque tu te confies à elle. Tu sors tous ce qui te chagrine. Tu le craches comme si tu n'en pouvais plus de les garder. Puis, tu la pousses légèrement, l'obligeant à faire un petit pas en arrière. Elle sort THE regard. Le regard qui tue, qui fait fondre l'antarctique en deux secondes. Le regard que personne ne connaît à part son miroir ou quand elle est trop bourrée. Le regard de "Bonjour je m'appelle Bae-Kim et j'ai un sourire sur le visage aussi large que le système solaire. J'ai 22 ans et j'en fais 19 physiquement". Ce regard, cette expression, c'est rare qu'elle les sorte. Tu croises t'es bras sur ton torse comme si tu te recroquevillais sur toi-même. Elle se rapproche de toi tandis que ses doigts glissent, fragiles, dans les tiennes. Son regard capture le tien, elle y plonge ses prunelles, s'y perd. « Alors partage ce fardeau Elliot. Tu ne vis pas pour les autres. Tu vis pour toi, pour devenir ce que toi t'as envie de devenir. Tu ne peux pas plaire à tout le monde. Tu ne peux être celui que tu es vraiment si t'as peur du regard des autres. Qu'ils disent ce qu'ils veulent, qu'ils pensent ce qu'ils veulent. Tu t'en balec. Tu ne vis pas pour satisfaire les autres. C'est pour toi que tu vis. Laisse-les parler et de toute façon, qu'importe ce que tu feras il y aura toujours des personnes qui parleront. Ils ne sont jamais satisfaits. Fais ton bout de chemin comme tu le souhaites et c'est tout... » Et même si tu ne peux pas plaire à tout le monde, tu plairas quand même à certaines personnes, c'est ce qui compte. « Je t'assure qu'il n'y a vraiment rien qui ne mérite que tu te mettes dans cet état. La vie est beaucoup trop courte pour que tu te morfondes dans un coin. » Et surtout à pleurer. Elle ne mérite pas tes larmes. Elle ne mérite aucune larme. Bae relâche tes doigts et recule avec une idée bien précise en tête et un sourire espiègle. La jeune asiatique profite pour t'éclabousser le visage à l'aide de sa jambe. Elle croise les bras derrière son dos et fait semblant de regarder ailleurs, arborant un air totalement innocent.

Je me replis sur moi-même après ces aveux douloureux, bras croisés sur mon torse, mais tes fins doigts glissent dans ma paume posée sur mon bras. Tes yeux me forcent à nouveau à te regarder même si là, j’ai plutôt envie de m’enfuir six pieds sous terre. Et je ris légèrement. C’est facile à dire pour toi, de vivre sans que le regard des autres t’importe. C’est pas négatif ce que je vais dire mais j’pense pas que beaucoup de personnes te connaissent à Harvard, j’pense pas que t’aies une grosse réputation à faire parler les étudiants, à faire parler CS. Alors ouais, toi, les gens n’ont pas le regard braqué sur toi, ils vont pas hurler sur les toits à la moindre erreur, au moindre faux pas que tu feras. Moi, si. Et je pâtis même des erreurs des autres. Remember, le numéro de février de CS qui m’élit ‘le plus cocu’ ? Ah ouais, ça, c’était l’erreur de Cléolya, pas la mienne. Et pourtant, c’est de moi qu’on a parlé sur le campus. « Plus facile à dire qu’à faire, quand t’es le sujet préféré de gossip des étudiants. » Je fais claquer ma langue contre mon palais. J’ai rien d’autre à dire. J’en ai déjà trop dit en fait, et j’espère que tout ça, ce que t’as vu, ce que t’as entendu, ça restera entre nous et uniquement entre nous. Et tu m’éclabousses le visage d’eau salée, je passe mes mains dessus pour l’essuyer en reculant d’un pas. « J’ai pas trop envie de rire ce soir… » J’suis honnête, j’m’en fiche de casser l’ambiance mais clairement, j’ai pas envie de m’amuser, j’suis déjà trop en train de me noyer à l’intérieur pour qu’on m’envoie de l’eau. Je recule à nouveau d’un pas. « J’vais rentrer j’crois, il se fait tard. » Je sais pas en fait, j'ai pas ma montre sur moi. Je sais juste que j’ai plus envie de parler, de ça ou d’autre chose, j’veux juste me taire, être en silence, parce que dans ma tête, c’est le brouhaha constant et c’est réellement épuisant.

« À un moment ou un autre, on deviendra tous le sujet préféré des gossip. C'est un cercle vicieux, même les plus calmes et réservés, ils trouveront toujours le moyen de parler. » Ce qu'elle voulait dire c'est qu'aujourd'hui c'est toi, demain ce sera quelqu'un d'autre. Bae essaie vraiment de tout son cœur, elle pourrait se rendre ridicule rien que pour te faire sourire à nouveau, mais tu sembles fermé à tel point que tu ne vois même pas ces efforts. T'es peut-être pas dans ton état normal, elle n'a peut-être pas de vie aussi dramatique que la tienne, mais elle est là ce soir et elle fait tout son possible pour t'apaiser. Alors quand elle essaie de te provoquer, elle se prend un vent monumental et avec un ton sec en prime. La petite asiatique laisse tomber pour ce soir. Elle soupire à tes mots et hausse les épaules quand tu demandes la route pour rentrer chez toi. Elle est un peu déçue, pour la première fois qu'elle avait enfin le courage de venir te parler, c'était au moment où tu n'étais pas dans ton assiette. Alors elle regarde le ciel d'un air blasé. Le bonhomme caché derrière les nuages ne devait pas tant que ça l'aimer. « Mh... Ok. Je vais rentrer aussi j'pense. » Elle baisse la tête et glisse quelques mèches rebelles derrière son oreille. Ça aurait été court finalement. Elle se baisse pour ramasser ses tongues. « Fais attention à toi Elliot... Je te laisse un petit peu seul avant que tu ne partes. » Rajouta la Dunster en lui offrant un petit sourire pour finalement prendre la route.

Toujours est-il qu’il y avait des personnes plus sujettes que d’autres à être au coeur des gossips. Et je maintenais mon point de vue, peu importe ce que tu pouvais en penser. Mais malgré tes efforts — que je ne voyais pas encore pour l’instant mais dont je me rendrai surement compte plus tard — je n’avais pas envie de rire, de m’amuser. J’étais figé dans mon mal-être, dans ma soirée « broyage de noir ». Alors je décidais qu’il valait mieux que je rentre. J’étais désolé pour toi, parce que t’avais essayé, t’avais été gentille avec moi, mais j’étais juste pas le type de gars qui savait faire semblant. J’hoche doucement la tête à tes mots. « Merci… » Merci de respecter mon envie de solitude, merci d’avoir essayé de m’aider, merci d’avoir vu que je n’allais pas bien. Mais c’était un simple ‘merci’ qui voulait tout et rien dire à la fois qui sortait de ma bouche. Et quand tu t’éloignais, je me tournais à nouveau vers l’océan pour l’admirer encore quelques instants, humant l’air salé et me concentrant sur le son des vagues pour me calmer l’esprit, avant de retourner chez moi pour me réchauffer.