Violet avait promis. Promis de s’éloigner des soirées, promis de s’éloigner de ses démons. Mais rien n’y faisait, c’était plus fort qu’elle : dès que cela impliquait de l’alcool, de la musique et des amis, elle pouvait que rappliquer. Et cette soirée, elle battait son plein ; aucune raison particulière à ce déchaînement d’énergie, juste l’envie de décharger la pression et de s’amuser. Vee n’était pas seule ; il y avait Ryder avec elle. Ryder son ami, Ryder son compagnon de route. Alors ouais, on s’enfile des verres, on raconte n’importe quoi. Des secrets se révèlent, des gens vont se peloter dans une autre pièce. Des phéromones dans tous les sens ; et pas mal d’envies de foutre la merde autour de tous. Finalement, à un moment donné, la folie retombe, et ça devient propice à lancer un jeu, autour d’un verre. Rassemblés en cercle au milieu de la salle principale, Violet s’installe en face de Ryder et lui fait un clin d’œil. L’ambiance est électrice et puis, c’est la première fois qu’elle le lâche de la soirée. On se fait une action ou vérité ? lâche quelqu’un dans la foule. C’était simple mais efficace en général. Les tours se succèdent, et la plupart répondent à des questions débiles. Vient le tour du voisin de Violet. Un regard malicieux : elle sait déjà à qui il allait faire s’abattre son sadisme. Ryder ! Action ou vérité ? Quelle que soit sa réponse, il avait sans doute une idée très précise des malheurs qu’il allait devoir endurer. Ne soit pas trop dur avec lui, sinon c’est moi que t’auras sur le dos ! Sifflement général. Ouais, c’est pas malin, Vee. Ça va te retomber dessus, ça.

Violet et moi, on traînait avec les mêmes personnes, les mêmes têtes. Alors c'était évident qu'un jour ou l'autre on allait se parler, apprendre à se connaître. Le truc c'est qu'on avait même pas eu besoin de parler pendant des heures avant que le feeling passe. On s'était compris, tout de suite. Et je m'étais vite attaché à elle, la laissant prendre de plus en plus de place dans ma vie. Mais, à cette soirée, j'avais décidé de la laisser tranquille, de la laisser profiter des autres. Il fallait bien qu'elle fasse sa vie d'étudiante. De toute manière, on serait séparés après la fac. Pense pas à ça que je me disais. Ouais, fallait que je profite de cette soirée, que je me laisse draguer par la femme en face de moi. Femme dont je n'avais même pas retenu le prénom. Elle me posait des questions, me disait que je lui plaisais et je lui souriais. Pas besoin de répondre, elle faisait la conversation toute seule. Puis, comme pour me sauver de cette tentative de séduction, quelqu'un proposait un jeu, nous obligeant à nous mettre tous en cercle. La femme se mettait à mes côtés tandis qu'en face de moi était assise Violet. Un clin d'oeil auquel je réponds par un sourire en coin, ne la quittant pas des yeux. Elle était belle, fallait l'avouer. J'écoutais même pas ce que les autres répondaient à action et vérité, je regardais qu'elle. Jusqu'à entendre mon prénom. Pas le temps de réfléchir que Violet intervenait. Putain je passais pour quoi moi maintenant ? Son petit frère ? Elle abusait là. « T'inquiètes pas je peux me défendre tout seul Vee » que je répondais en la fusillant du regard. Fallait pas qu'elle me prenne pour un gamin, on était potes mais il y avait des limites. « Action mec et t'as pas intérêt à me donner un truc pourri ». Il rigolait et son regard passait de Violet à moi. Putain, ça sentait pas bon ça.

C'est pas la seule qui aime jouer avec le feu, apparemment. Ryder lui aussi aime tenter le diable et il le fait savoir. Vio se ratatine sur sa place, reprenant une gorgée de ce qui se trouve dans son verre ; ça brûle tellement qu'elle a du mal à déterminer ce qu'elle boit, s'il s'agit d'alcool ou de détergeant. Mais c'est assez fort pour anesthésier sa honte, et elle sent une bouffée de chaleur lui embrumer l'esprit. Le groupe semble se tourner vers elle comme un seul homme quand Ryder annonce son choix. Merde. Il a dit action ? Quoi ? Elle essaye de déchiffrer l'expression de la foule, mais clairement, elle a pas assez les pieds sur Terre pour capter ce qu'il se passe. Okay, va pour action. Tu vois le placard, là bas ? Oh putain, les histoires de placard, c'est jamais bon signe. Des fois, ça t'envoies dans un monde parallèle avec des satyres qui jouent de la flûte pour t'endormir et des sorcières maléfiques. Ok, elle a trop bu. Stop it, Vee. Les références à Narnia, c'est la goutte de trop. Va dans le placard avec Violet, six minutes au paradis. Quoi. Pardon. C'est quoi ce truc encore ? Les gens lui jettent un regard amusé, ça a l'air d'être le défi parfait. Comme s'ils avaient senti la complicité rapide qui s'était installée entre elle et le jeune homme. Ah ouais, ils voulaient la jouer comme ça ? Pas de problème. La provoc', ça la connaît. Aller viens, Cortes ! Je t'emmènes au paradis ! Elle se lève d'un coup, et c'est comme si ses jambes la portait par miracle. Elle le tire par le bras pour le relever et l'entraîne vers le placard avant de fermer la porte derrière eux après un A DANS SIX MINUTES BANDE DE ***** gueulé avec  tendresse et douceur en direction du groupe qui les siffle. Après tout, il peut se passer quoi en six minutes ?

Il la regarde avant de se tourner vers moi et, clairement, ça sent pas bon. Vee semblait le comprendre aussi, il n'y avait qu'à voir son regard. Aucun de nous deux n'était rassuré, surtout pas quand notre pote se mettait à indiquer le placard. Il y avait pas beaucoup de défis avec ça en fait. Le seul que je connaissais était... mieux valait pas y penser. Pourtant, lui, il y avait pensé. Alors il me demandait de m'enfermer dedans avec elle. Six minutes au paradis avait-il précisé, sauf que ça ressemblerait plutôt à l'enfer pour moi. Comment j'étais supposé rester si proche d'elle et ne rien tenter ? Il allait me le payer cet enfoiré. Je me le promettais. « Fais gaffe, ton tour vient après » que je rétorquais tandis que Violet me tirait par le bras pour m'emmener avec elle dans le placard. Et ce n'était qu'à ce moment là que je me remarquais à quel point c'était petit. Minuscule même. Je voyais chaque détail de son visage tandis qu'elle leur criait des paroles pleines d'amour. « Putain il abuse » que je murmurais en détournant le regard, ne pouvant soutenir le sien. A la place, je détaillais les vêtements qui se trouvaient derrière elle, comme si c'était plus intéressant. Malheureusement, avec le noir, il était difficile de distinguer plus loin que juste devant soi. Du coup je replongeais mon regard dans le sien et... ouais elle était belle. Séduisante. Même sous l'effet de l'alcool. « Il reste combien de temps ? » Parce que j'étais pas sûr de pouvoir me contenir six minutes en fait. Pas avec ses lèvres aussi proches des miennes, pas alors que je pouvais sentir son souffle sur mon visage. Non, fallait pas que je pense à ça, fallait plutôt que je trouve un truc à dire, un sujet intéressant à aborder mais, bordel ses lèvres m'appelaient. Plus que quelques minutes. Tiens bon Cortes.