Clarisse arrivait et mon cœur s'emballait. Quand elle n'était pas là c'était une part de moi même qui manquait, comme si mon cœur lui avait donné une part sans mon consentement. Parce que, ouais, normalement je m'attachais pas. Je faisais ma vie tout seul, sans personne pour marcher à mes côtés. Mais elle c'était différent. Dès que j'entendais son rire fuser dans la pièce, le mien l'accompagnait, dès qu'elle pleurait un silence s'installait, exprimant ce qui n'avait pas de mots. Une âme dans deux corps différents, voilà ce qu'on était. Et je l'attendais, installé devant la télé dans le salon, regardant une émission qui n'avait pas de sens, pensant à totalement autre chose. Ce voyage à Paris avec Louve avait été génial mais, quelque part au fond de moi, se tapissait toujours Charlie. Son sourire me hantait à chaque pas que je faisais, il s'imposait dans chaque activité que je réalisais. Ce sourire que je n'avais plus vu depuis un certains temps maintenant me manquait terriblement. Alors, le cœur lourd, j'éteignais la télé avec l'intime conviction que je reconquérirai mon ex. On retombera amoureux comme au premier jour. Je savais que ça devrait me réjouir, me redonner de l'espoir mais mon cœur s'alourdissait encore plus, comme s'il était attaché à une ancre qui le tirait vers le bas, vers les Enfers. Et toi t'arrivais au moment où je sombrais dans l'abysse, tu frappais à la porte, ne te doutant sûrement pas de la bataille qui faisait rage dans mon cœur et dans ma tête. Puis je t'ouvrais, je te voyais et un sourire s'étalait sur mon visage. « Je savais que tu te ferais belle pour moi mais là je suis flatté ! » Certains voyaient ça comme de la séduction mais je savais qu'elle le prendrait comme une blague. Parce qu'il n'y avait rien d'ambiguë entre nous. Et, à cet instant là, j'étais loin de me douter de toutes ses espérances.

Il était enfin revenu. Eliam était de retour sur Boston, à Harvard, elle pouvait enfin le revoir, lui reparler... Clarisse se sentait animée d'une profonde énergie après avoir reçu son message. Elle quitta sa chambre de la Cabot en vitesse, non pas avant s'être refait une beauté et se fit conduire par son chauffeur jusqu'à l'immeuble de son meilleur ami. La distance, Clarisse, elle l'avait ressentit comme quelque chose de physique, douloureux presque. Il était parti à Paris avec sa copine, loin d'elle et de leurs rires, leurs conneries, leurs secrets. Elle avait pas de mots à mettre sur leur relation, en réalité. C'était trop. Trop parfait, trop important, trop dangereux. Elle le voulait pour elle seule, Clarisse. L'allemande ferma les yeux, muselant ce sentiment interdit et surtout impossible qui la submergeait d'un coup, et cogna contre le battant de la porte de l'appartement de Eliam. Merde Clarisse, arrête. La porte s'ouvrit et l'instant d'après, elle oublie tout. Il était là, son sourire claqué collé au visage. « Je savais que tu te ferais belle pour moi mais là je suis flatté ! » Elle se savait belle Clarisse, elle en jouait, en abusait et dans ses yeux, quelque part au fond de ses prunelles, ça se lisait comme dans un livre ouvert. Tout ces efforts c'est pour toi Eliam, pour que tu me remarque. Elle lui sauta au coup, et le serra fort dans ses bras, cachant des yeux traitres dans le creux de son épaule, respirant son odeur. « Tu m'a manqué p'tit con ! » Ouais, entre eux c'était comme ça, on savait jamais sur quel pied danser, on hésitait. Ce qui était sur, c'est que c'était un mot de passe, un code pour traduire mon essentiel. « C'était bien Paris ? T'as fait quoi ? » s'exclama Clarisse en allant s'échouer nonchalamment sur le canapé, gommant tout accent de jalousie dans sa voix. Allez, raconte.  

« Calme toi je ne suis parti que quatre jours ! » que je disais tandis qu'elle me sautait dans les bras, enfouissant son visage dans le creux de mon épaule. Je faisais le mec indépendant, limite distant, les câlins c'étaient pas mon truc. Mais j'entourais quand même ta taille d'un de mes bras tandis que l'autre refermait la porte. Après tout t'étais mon double, je pouvais faire une petite exception pour toi. Pour nous. Parce que, ouais, on était un nous et on le resterait jusqu'à la fin des temps. Même quand on ne serait plus que des corps, dans les souvenirs de nos proches on sera toujours ensemble. C'était comme ça et j'acceptais pas une autre alternative. « Tu veux vraiment savoir tout ce qu'on a fait ? Non parce que je peux te le dire mais ça prendrait des heures, entre le temps passé à visiter et le temps passé au lit à faire l'amour comme des bêtes... » Est-ce que je disais ça pour l'emmerder ? Carrément. Car elle était restée à Boston, sûrement à s'emmerder tous les soirs, à faire la fête, des conneries ou j'savais pas quoi. Peut-être même à voir d'autres mecs, à s'éclater avec eux de la même manière que Louve et moi. « Toi t'as fait quoi en mon absence ? Me dis pas que tu t'es couchée tous les soirs en pensant à moi qui m'éclatais à Paris ? Faut pas que tu sois jalouse tu sais ». Je continuais à me moquer, à la provoquer, un sourire en coin dessiné sur le visage et le regard joueur, tandis que je m'installais à ses côtés. Automatiquement, je passais une main dans ses cheveux, contemplant ses yeux remplis d'innocence. Elle était belle Clarisse, fallait l'avouer. Peut-être même que j'aurais jeté mon dévolu sur elle s'il n'y avait pas eu Charlie, si mon coeur me l'avait permis.