« T’es nul mec, faut te rattraper maintenant ! Si elle veut toujours de toi d'ailleurs pffff» Salinger bougonnait derrière son volant, prêt à reconquérir sa petite-amie, Zelda Clover. Cette fille l’avait fait paniquer comme jamais pour la toute première fois de sa vie. Elle avait disparu comme ça, du jour au lendemain, en ne donnant plus de nouvelles. Ce silence avait alors fait paniquer l’idiot de Walsh. Ainsi, pour ne pas penser au pire, l’américain avait décidé de retrouver une amie de sa copine en Australie. Puis, en rentrant aux États-Unis, Zelda était réapparue. Elle avait tout appris sur son séjour et évidemment, certaines zones d’ombre sur ce qui avait pu se produire là-bas interrogeait la jeune femme. Salinger désirait tout aplanir ce soir. En plus de cela, c’était son anniversaire et la St Valentin, il ne pouvait pas l’abandonner là, la laisser seule comme elle prétendait le vouloir. Impossible. Salinger avait alors enfilé son plus beau costume, il était ensuite passé à la bijouterie, au fleuriste, à l’épicerie. Il s’était arraché dans la ville pour elle, et il trouvait que ce n’était pas encore suffisant pour une femme qui lui disait encore qu’elle l’aimait après sa réaction impulsive. Aux alentours de dix neuf heures, Salinger avait garé son auto au bas de l’immeuble de Zelda, regardant par le pare-brise sa fenêtre avec angoisse. Putain, cela faisait quasiment dix jours qu’ils ne s’étaient pas revus, il ne savait plus comment agir. Il espérait juste que la chaleur de Zelda allait être de la partie pour le contaminer. Descendant de son bolide, il chargea ses bras de ses emplettes et grimpa jusqu’à son étage en grosse galère. Le bouquet de fleurs lui masquait la vue et il n’avait aucune main de disponible pour se rattraper si ses pieds disjonctaient. Fort heureusement, il débarqua au bon pallier sans se vautrer et tapa son front contre la porte plusieurs fois « Zelda, j’suis là, aide moi vite ! J’fais pitié là » hurla-t-il en se reculant légèrement. « Et tes fraises vont se ramollir dépêche ! » Salinger paraissait détendu à première vue, or, à l’intérieur, c’était l’apocalypse. Son coeur se ratatinait et sa gorge se nouait à chaque pas qu’il entendait derrière la cloison.

14 Février. Le jour où t’as poussé tes premiers cris dans un hôpital miteux, pour les camées et les prostituées qui veulent se débarrasser de leurs gosses. T’en fais partie. Des enfants dont on ne veut pas, fille de camée prostituée, les deux à la fois, super le tableau hein, et en prime elle a cané pendant qu’elle accouchait, t’as eu d’la chance. De ne pas avoir une mère comme elle. Pas de nom, pas de prénoms, née sous X jusqu’à ce que ta grand-mère rentre dans le tableau et te prenne sous son aile, t’adopte et fasse de toi enfin quelqu’un. Une dure à cuire, qui ne s’laisse jamais abattre, qui se relève toujours malgré les coups qu’elle a pris, une vraie petite teigne qui a appris le métier de sa grand-mère le plus tôt possible. Petite fille de mafieuse, d’une reine du trafic de drogues, d’une femme qui elle non plus ne s’est jamais laissée marcher sur les pieds. Ta grand-mère était une vraie emmerdeuse et t’as hérité d’ça.

14 Février. Le jour de la Saint Valentin. Ton anniversaire et la Saint Valentin le même jour, avant, ça n’avait aucune importance, le côté Saint Valentin, parce que tu fêtais tous tes anniversaires avec ta grand-mère, et ce soir, ce sera le tout premier que tu ne pourras pas fêter avec elle. Et en plus découvrir que l’homme pour lequel tu serais prête à crever a préféré aller voir l’une de tes meilleures amies plutôt que de tenter de te retrouver, tu l’as de travers. Alors ouais, au début t’avais aucune envie d’le voir ce soir, sauf que c’était beaucoup trop douloureux pour toi de ne pas passer la soirée avec lui, d’où le fait que tu as passé tout l’après-midi à cuisiner pour lui, à choisir ta plus belle robe de soirée. La surprise ? Avoir refait ton blond d’avant, comme quand il t’as connu avec ta véritable couleur de cheveux, tout ça parce que tu sais qu’il aimait tes cheveux lorsqu’ils étaient blonds. T’es nerveuse. Parce que ça sera votre première Saint Valentin ensemble et tu n’as aucunement envie que cette soirée soit gâchée.

Le champagne au frigo, tes cheveux détachés et lissés, une robe cocktail couleur rouge contrastant avec la pâleur de ta peau, voilà que ça tape à la porte de ton appart. C’est lui. Sa voix te noue la gorge, ton cœur se serre, faudrait pas que tu pleures quand il arrive, ce serait vraiment pitoyable. « J’arrive ! » et quelques secondes après, la porte s’ouvre. Il est là, en face de toi, beau et séduisant, charmant comme tout, c’est ton homme malgré tout et tu ne veux le laisser à aucune autre grognasse. Tu devrais lui en vouloir, le cogner, lui mettre une claque, mais t’en es incapable. Parce que tu l’aimes beaucoup trop. « T’es… magnifique. » Tu t’en fous du reste, de c’qui a pu se passer, des malentendus, des fraises qui ramollissent, tu t’en fous de tout parce que tout ce qui compte là c’est lui. Alors au diable tout ça, tu te jettes à son cou pour l’embrasser parce que ça te manquait beaucoup trop. « Je t’aime idiot. » tu lui murmures entre deux baisers.

À l’ouverture de cette fichue porte, Salinger avait manqué de tout laisser tomber entre ses bras. Sa Zelda était apparue plus belle que jamais. Ses longs cheveux blonds encadraient son visage de petite poupée et sa robe rouge écarlate moulait à la perfection ses courbes parfaites. « C’est toi qui es magnifique putain… » La vulgarité, il ne pouvait pas s’en séparer. De toute façon, il n’y avait aucun mot pour combler sa surprise, ne serait que ce « putain ». Encore hypnotisé par cette silhouette de rêve, Salinger fut brusquement sorti de ses songes quand l’américaine lui sauta au cou et déroba ses lèvres sans le prévenir. Le blondinet  déposa alors ses emplettes à l’entrée et empoigna ses hanches pour la faire reculer et refermer derrière eux « Je t’aime Zelda, je t’aime aussi… » avoua-t-il en se sentant le plus con du monde. Salinger abandonna alors la taille de guêpe de sa petite-amie et massa sa nuque en fronçant ses sourcils. « J’préfère qu’on joue cartes sur table d’entrée pour être débarrassé de tout ce qui pourrait nous empêcher de profiter de l’un et de l’autre… T’es ok ? Je commence, honneur aux hommes » confia-t-il en avançant à l’intérieur pour se planter dans le salon tout en ayant toujours Zelda dans sa ligne de mire « Quand tu as disparu du jour au lendemain, je me suis vraiment demandé si je t’avais blessé involontairement ou si finalement tu avais décidé que nous deux, ce n’était pas possible. Bon, j’ai aussi pensé que tu avais peut être retrouvé un de tes ex. Ou que tu t’étais peut être moqué de moi pour m’atteindre et atteindre par conséquent le business de ma famille. » Salinger se rapprocha finalement de la jeune femme, assez fébrile et moins sûr de lui, ce qui était très rare « Alors j’suis parti voir Carter. Quasiment dix jours, cela commençait à faire long. Je n’ai rien fait avec elle, sache-le. J’espère juste que vous ne vous êtes pas trop embrouillées à cause de moi… Y a pas de raison en tout cas, j’espère que vous resterez proches… Elle est sympa cette fille » dit-t-il en apportant le dos de sa main à sa bouche pour l’embrasser délicatement. Ses yeux lagons fixaient toujours ceux de la jeune femme avec tristesse « J’suis désolé, mais je me suis rendu compte que j’ai perdu beaucoup de temps ici. Il faut voir du pays, il faut partir plus à l’aventure et peut être devenir enfin réglo… J’sais pas. » Salinger haussa ses épaules et contourna la demoiselle pour se rapprocher de la cuisine. Ça sentait drôlement bon là-dedans, Zelda avait cuisiné pour lui, il se rendait compte de la chance qu’il avait au moins ce trou d’cul ? Ne pouvant pas contrôler sa gourmandise, Salinger attrapa la cuillère en bois qui se noyait dans une casserole et l’apporta à sa bouche pour goûter la sauce « Hmm… Voilà ce que je veux en fait, ma petite femme qui me fait de bons petit plats pendant que j’regarde mon match de foot » lâcha-t-il avant d’éclater de rire. « J’adore jouer le macho excuse… Raconte moi ce qui t'est arrivé chérie... » murmura-t-il en reprenant son air dépité.  

T’aurais dû le cogner. Ne pas lui ouvrir la porte, le laisser planté là comme un con dehors avec son bouquet de fleurs et les fraises. Mais non, au lieu d’ça, t’as potentiellement ouvert la porte à une soirée complètement ratée et que si jamais les mauvais mots sortent ça plombera l’ambiance. En bonus, votre histoire sera tuée dans l’œuf. Alors ça, t’en as clairement pas envie, parce que ça faisait des années que tu refoulais tes sentiments pour lui et pas question d’le laisser à une autre, pas question d’laisser une amie foutre le doute dans votre couple. Tu ne veux pas qu’il parle, tu ne veux pas, t’en as pas envie parce que tu sais que tout c’qu’il te dire ça te fera forcément du mal, et tu ne veux pas pleurer devant lui. T’es pas l’genre de nana qui chiale à cause d’un mec, mais avec Salinger c’est différent. Il est le seul devant tu arriverais à pleurer, il est seul qui pourrait t’faire pleurer en fait et ça t’fout la trouille. C’est pour ça que tu l’as embrassé, comme pour le faire taire, pour mettre à plus tard la discussion qui pointe le bout d’son nez depuis que tu lui as ouvert la porte.

Alors quand les mots déferlent, t’encaisse. Silencieuse. Ça bourdonne dans ta tête, t’as les entrailles qui se tordent, les larmes qui t’montent aux yeux. Comment ? Comment il peut penser que pendant ces jours t’as été voir un autre homme ou qu’tu sois allée retrouver un ex ? T’as aucun ex dans ta vie, t’as jamais eu d’histoire réellement sérieuse ou bien ça datait quand t’étais ado. Rien d’autre. Le seul dont t’es réellement tombée amoureuse, c’est lui, c’est cet idiot de Salinger qui t’fait du mal là, en t’parlant de son voyage en Australie. Qu’il soit allé retrouver ta meilleure amie. « Comment ? » ta gorge se serre, tes lèvres tremblent, tes yeux sont finalement rattrapés par les larmes que tu retenais depuis vos textos échangés depuis que t’as refait surface.

« Comment t’as pu croire une seule seconde que j’étais retournée voir un ex ? J’n’ai jamais eu d’autres histoires sérieuses avec qui que ce soit, t’es le seul qui compte dans ma vie… comment tu peux croire que j’ai pu faire ça rien que pour te faire du mal et t’atteindre professionnellement ?! » Qu’il puisse penser ça, ça t’blesse, plus que tout, jamais tu ne lui ferais du mal, pas même après c’qu’il a fait, après qu’il ait préféré aller retrouver Carter que toi. C’est ça que tu n’comprends pas ou que tu n’veux pas chercher à comprendre, parce que si jamais tu creuses, même s’il a beau te dire qu’il ne s’est rien passé, tu n’arriveras pas à t’en relever. « Alors ouais je l’ai de travers que tu sois allé voir Carter, j’suis même profondément blessée, parce que ça m’fait douter de tes sentiments pour moi maintenant ! Et je n’ai pas envie d’passer une soirée de Saint Valentin avec toi avec tous ces doutes… » Ton cœur se serre, parce que malgré tout, tu n’arrives pas à lui en vouloir, tu l’veux rien que pour toi. Tu n’veux le partager avec personne. T’as peur qu’on te le vole définitivement.

« J’avais le FBI sur le dos. J’vais mettre fin à mon business, j’ai pris trop de risques, je prends toujours trop de risques, chaque jour la mort se rapproche de moi et j’veux plus de ça. J’veux avoir la conscience tranquille et avoir une vie plus ou moins normale. Et crois-moi si tu veux ou non, mais tu fais partie d’ma vie. Tu fais partie d’mes projets Salinger. »