Mercredi 17 janvier - Après quelques jours passés chez Basile, à squatter son lit et à le forcer à dormir sur le canapé, t’as décidé de toi-même de partir. Parce qu’au fond, tu savais que tu gênais, qu’il avait mieux à faire que de se trimbaler le boulet que t’étais depuis plus d’un mois. Boulet qui était devenu plus conséquent après ces quelques jours d’isolement. Alors, sur un coup de tête, t’as préparé tes affaires après une discussion avec Willow pour filer chez elle. Aucune envie de retourner chez Marin, aucune envie qu’il apprenne cette énième histoire, aucune envie qu’il s’inquiète. Il s’était pas inquiété de ton absence durant ces quelques jours, de ton silence. Rien ne semblait le choquer et c’était tant mieux pour lui, tant pis pour toi. Sur le chemin pour rejoindre ta meilleure amie, t’as envoyé quelques sms à Basile dans l’espoir que peut-être il te retiendrait. Que peut-être il voudrait que tu restes chez lui, qu’il voudrait garder un œil sur toi et qu’il te dirait que tu dérangeais pas. Mais à la place de tout ça, il t’a juste balancé que c’était ton choix. Ok. Ca avait eu le don de te mettre à mal, mais tu le cacherais sans doute une énième fois à Willow. Parce qu’elle allait finir par être gonflée de vos histoires et qu’elle allait sans doute finir par déglinguer les freins de sa bécane pour qu’il se plante contre une voiture au détour d’un carrefour. Enfin ça, c’était encore une toute autre histoire… T’es finalement arrivée chez elle et t’as faiblement toqué en attendant que Dame Prada ne vienne t’ouvrir. Toi, ton sac à peine rempli, et ton corps amoché. Des bleus, des plaies, des traces qui peu à peu venaient à s’atténuer et qui ne tarderaient sans doute pas à disparaître définitivement. Du moins, à l’extérieur.

Et quand Willow vient te prendre dans ses bras en te disant qu’elle est là, quelque part, ça te soulage. Parce qu’au fond, tu te sens terriblement seule et que t’as bien besoin d’un peu de soutien. T’as essayé durant ces quelques jours passés chez le Mulliez de penser à autre chose ; et c’est pas faute d’efforts de sa part. Pour autant, c’était trop lourd. T’as eu la sensation d’avoir trop subi en trop peu de temps pour tirer un trait rapidement dessus. T’avais tout juste pris des nouvelles de Mila qui était avec toi quand tout s’est passé ; et elle, de son côté, elle avait pas l’air si mal en point que ça. Enfin t’en sais trop rien en réalité. Depuis, t’as pas eu signe de vie et toi non plus t’en as pas donné. A croire que c’est comme ça que ça devait se terminer. « Merci de me laisser squatter ici… » que tu lances en entrant dans la villa, pour finalement déposer ton manteau à l’endroit prévu à cet effet. T’as le regard vide, et des pensées bien trop pleines pourtant. Et tu sais pertinemment qu’elle doit le ressentir, parce qu’elle te connaît depuis trop longtemps pour pas réussir à comprendre la moindre de tes expressions. T’attrapes la coupe de champagne qu’elle te tend tout en déposant ton pauvre sac au sol pour finalement la suivre jusqu’au canapé, où tu finis par te poser rapidement. « T’avais rien de prévu ce soir j’espère ? Je viens un peu à l’improviste mais je t’avoue que j’avais besoin de te voir… tu m’as manqué. » Un léger sourire vient s’afficher sur ton visage pour accompagner tes quelques mots. Tes doigts abîmés restent quant à eux fermement enroulés autour de la coupe de champagne que tu tends délicatement vers Willow pour trinquer. Si déjà, autant faire les choses bien.

T’as connu meilleure situation pour aller voir ta meilleure amie et tu comptes bien sur elle pour te faire penser à autre chose, à tout sauf à ça. Bien sûr, t’as besoin de vider ton sac, parce qu’au final, t’en as parlé à personne, du moins pas en détail. Et peut-être que ça te ferait du bien pour essayer de passer à autre chose petit à petit. Alors quand Willow se tient là en face de toi, qu’elle t’accueille chez elle, t’es soulagée d’un poids. Un poids que tu transportes depuis de trop longs jours et dont Basile n’a pas réussi à te débarrasser, sans doute parce qu’il n’est pas bien placé pour le faire. Quand elle te dit qu’elle serait une mauvaise meilleure amie de pas t’accueillir chez elle, tu te contentes de hausser les épaules ; peut-être qu’elle serait juste trop occupée pour se trimbaler le boulet que t’es à l’heure actuelle, tout simplement. Tu finis par la suivre jusqu’au canapé où tu t’installes en attrapant le verre de champagne qu’elle te tend ; et tu te prépares déjà mentalement à vider ton sac alors qu’elle t’affirme qu’elle avait rien de prévu. « Comme esclave ? Je suppose que c’est toi qui t’occupes des coups de fouet… » que tu lances avec un sourire timide. Basile et ses vannes de merde qui déteignent sur toi probablement, mais tant mieux, si ça peut te permettre de penser à autre chose ou au moins de faire mine que c’est le cas. Puis quand la Mather vient glisser sa main sur la sienne, tu soupires subitement sans vraiment savoir pourquoi. C’est plus fort que toi. Peut-être par soulagement ou parce que ton cœur est lourd de tout. « Je sais, et t’es bien la seule chez qui j’ai eu envie de venir là… » Parce que t’as pas envie que qui que ce soit d’autre te voie en piteux état comme tu l’es, parce qu’ils risqueraient d’en jouer. Basile, à ta grande surprise, a été étrangement compréhensif. Il t’a légué son lit et a tout fait, peut-être un peu malgré lui, pour que tu te sentes à l’aise chez lui. Ni oppressée, ni en danger. Mais t’as fini par te dire qu’il devait avoir besoin d’air, d’arrêter de se trimbaler un boulet au pied. Paumée dans tes pensées, toutes visiblement orientées vers Basile et son comportement qui t’a intriguée ces derniers jours, tu te retrouves secouée quand elle te dit de t’en méfier. « Basile ? Qu’est-ce qu’il y a Wi’ ? C’est à cause de la soirée de son anniversaire ? » qui s’est particulièrement mal terminée puisque ses harpies de plans cul ont décidé de s’en prendre à toi, à croire que t’étais le nombril de leur monde. Enfin, t’en es partie tête haute, comme toujours, sans leur offrir le plaisir de leur accorder de l’attention.

« Je te connais un minimum je suppose, t’as la tête pour. » que tu rétorques avant de te mettre à rire timidement concernant la question du fouet. Tu la voyais plutôt bien, vêtue d’une combi intégrale en cuir, un fouet à la main, le cul nu de son mec tout juste posé devant elle. Mais la conversation change bien vite pour en arriver au fait que t’avais envie de la voir, elle et seulement elle, personne d’autre. T’étais bien chez Basile, mais t’avais la sensation de gêner, d’être en trop dans sa vie, dans son appartement, sans doute qu’il avait mieux à faire que de se traîner le boulet que t’étais devenue ces derniers jours. Dans les bras d’une autre, probablement. Mais ça aussi, tu préférais pas y penser ; parce que t’avais eu ta dose de malheur en quelques jours à peine et que tu préférais pas t’en rajouter une couche en pensant à toutes les nanas sur lesquelles il devait probablement se jeter en ton absence. Mais après tout, qu’est-ce qui l’en empêchait ? « J’avoue que je connais quelques cas, mais pas tous quand même… mais t’as un truc en plus, t’es Wiwi quoi. » Tu hausses les épaules comme si c’était totalement normal, parce que pour toi y avait pas photo. Willow valait personne d’autre dans ta vie, ou pratiquement en tout cas. Depuis le départ de Lancelot, t’avais pas eu grand monde d’autre qu’elle sur qui tu pouvais te reposer. Ton frère a tellement changé que t’as même souvent du mal à le reconnaître, et encore plus après votre enlèvement. Mais ça encore, ça va de soi et tu peux pas lui en tenir rigueur. Entre ça et le décès de votre oncle cet été, il avait pas été épargné. « Pourquoi tu le sens pas ? Je sais pour les autres… je sais... » Ta voix est soudainement devenue moins joviale, plus sombre. On y sent toute la déception que t’as à son égard et pourtant, t’arrives pas à tourner la page. C’est pas faute d’avoir essayé. Mais qui sait, peut-être qu’en te retrouvant épaulée par tes potes, ça te passera. Au final, quand t’y penses, de tes amis les plus proches, que ce soit Willow, Salinger ou Lancelot, personne ne l’apprécie. C’est qu’il doit y avoir une raison et sans doute qu’eux au moins ont compris que t’avais rien à foutre avec ce type. « Pas des masses mais suffisamment pour avaler n’importe quoi. » que tu réponds à sa question. T’es Louve, t’as toujours faim. T’es un estomac sur pattes, bien qu’un peu moins après quelques jours d’enfermement.

« Bien sûr. » que tu rétorques quand elle te dit que ça reste entre vous, cette petite histoire de fouet. Et la conversation bifurque bien vite sur le fait que Willow est particulièrement importante pour toi ; bien sûr que c’est le cas, c’est même indéniable en fait. C’est l’une des personnes les plus importantes pour toi, la première sans doute même, ou ex aequo avec Lancelot en tout cas. « Oui bon, j’avoue, personne t’arrive à la cheville et personne t’y arrivera jamais ! » Tu réponds dans un sourire, un vrai, comme il t’en a manqué ces derniers jours, pourtant toujours timide, mais moins que le précédent. Une bonne voie pour ta guérison ? Le signe que venir chez Willow était la meilleure chose à faire et que peut-être Basile avait eu raison de ne pas te retenir ? C’est ce que tu risques bien de commencer à penser, à voir comment vont se dérouler les jours à venir. La conversation vient une nouvelle fois à changer de thématique pour en arriver à Basile. Le fameux Basile. Celui qui hante visiblement l’esprit de Willow dès lors qu’elle te sait avec lui. Mais quelque part, t’as pas envie de te dire que non, il est pas fait pour toi, qu’il t’apporte pas forcément quelque chose de bon et qu’il te fait souffrir à répétition. Et que peut-être jamais tu seras bien à ses côtés, heureuse comme le devrait être toute personne en ce monde. Peut-être que t’en crèveras de l’aimer malgré toi. Mais c’est bien là tout le problème : c’est malgré toi. Ta voix devient bien plus faible, plus fragile dès lors que tu cales quelques mots le concernant. « J’ai pas envie, non. Mais je sais pas Wi’, c’est plus fort que moi… » Plus fort que toi de l’aimer aveuglément et de tenter de te persuader qu’il changera peut-être grâce à toi. Mais après toutes ces années, rien n’y fait et il serait peut-être temps que tu cesses de t’obstiner en ce sens. T’inspires finalement un grand coup avant d’expirer lassivement. T’es paumée, complètement paumée. Votre engueulade il y a quelques semaines t’avait pourtant emportée dans l’envie de le laisser filer, de le laisser sortir de ta vie ; mais ces derniers jours passés chez lui, à prendre soin de toi, certes à sa manière, t’a ramenée à tes démons. A ton démon. Mais tu préfères éviter d’en parler, là tout de suite. Tu préfères passer à quelque chose de plus joyeux alors forcément, quand elle te parle de bouffe, tu saisis l’occasion pour passer à autre chose. « J’en bave déjà ! Je te laisse passer commande, choisis ce que tu veux je suis pas bien difficile tu le sais. » Quand il est question de bouffe, t’es loin de l’être et on pourrait même parfois te comparer à une poubelle humaine. Presque.