Hecate Malcolm

Tu souris simplement quand Hécate te souhaite bonne chance pour lui apprendre le gaélique. Ça te rappelle ta jeunesse dans les rues de L.A. C’est ce que t’avais dit ta bande de copains à l’époque, mais très vite ils s’y étaient tous mis, c’était pratique pour parler ensemble sans que personne ne comprenne. D’autant que vous mélangiez un peu avec toutes les langues que vous parliez dans le groupe, il y avait Tony et son italien, Sonya et son espagnol des favelas argentines, toi et ton irlandais des rues sans oublier l’arabe que vous enseignait Abe. Vous aviez fait de vos différences une force qui vous liait envers et contre tous. Même si ça n’a pas empêché les démons de rattraper ton meilleur ami et de le faire faillir à la tâche que tu lui avais confié, veiller sur l’ange qui se tient à tes côtés et pour qui tu as sacrifié ta liberté pour lui donner une chance, un choix que tu n’avais jamais eu a regretté auparavant.

Tu hausses les épaules quand elle souligne que la société ne tourne pas vraiment rond à déprécier l’expérience des aînés pour la force des plus jeunes. « C’est la vie. » commentes-tu simplement. Evidemment le fait que tu sortes de vingt ans d’emprisonnement pour un homicide volontaire n’aide pas non plus, mais tu ne te vois pas vraiment lui avouer ça. Cela amènerait beaucoup trop de questions auxquelles tu n’es pas encore prêt à répondre, et tu n’es pas certain qu’elle soit dans l’état d’esprit adéquat pour en accepter les réponses. Plus tard. Toujours plus tard.

Tu l’écoutes parler d’Harvard, des gens friqués dont elle aurait pu faire partie dans un sens, comme tu l’as été. Mais toi non plus tu n’aimais pas traîner avec les gosses de riches, ces jeunes qui ne comprennent pas la valeur du travail et de l’argent. Toi tu savais, tes parents avaient veiller à ce que tu ne prennes jamais l’argent pour acquis. Hécate le sait, parce qu’elle n’a jamais vécu dans l’opulence. Ça te donne un goût amer dans la bouche, c’est de ta faute si elle n’a pas pu avoir une vie aisée, si tu avais avoué les choses à ta famille au moins. Avec le recul tu te demandes si ça n’aurait pas été mieux qu’elle grandisse élevée par tes parents, même avec toi en taule pour le meurtre de sa mère. Tu secoues la tête pour essayer de te retirer cette pensée de l’esprit, tu ne peux pas changer son passé, simplement essayer de faire en sorte d’améliorer son futur.

En parlant de ce que tu ne peux changer… Vous vous éloignez rapidement de la ruelle où elle a été agressée, faisant un détour qui ne te dérange pas le moins du monde, tant qu’elle va bien. Tu la fais sourire quand tu esquives sa question et ça te suffit pour l’heure, tu sais qu’elle mettra du temps à s’en remettre, à se reconstruire, mais si elle recommence déjà à sourire simplement après cette crise d’angoisse, tu sais que c’est bon signe. « Le gaélique n’est pas si compliqué que cela, tu pourrais être surprise. » souffles-tu avec un regard bienveillant envers elle. Tu sais qu’elle a dû en entendre dans son enfance, même si c’était des mots lancés à tort et à travers. Son cerveau les a enregistré alors qu’il était en construction, tu sais qu’elle sera plus perceptive qu’elle ne le pense à cette langue qui, malgré tout, fait partie de ce qu’elle est, puisqu’elle fait partie de toi.

Quand vous arrivez devant l’arrêt de bus tu t’inquiètes, encore, de la savoir seule pour le reste du trajet. Tu habites plus près du club que du campus, mais ça ne te dérange pas de l’accompagner si elle en a besoin. Tu l’écoutes te détailler le trajet qu’il lui reste à faire. Tu te dis que dans le bus, elle ne devrait rien risquer, après tout il y a le chauffeur, les autres passagers où tous ne peuvent quand même pas être des délinquants et puis elle t’assure qu’elle habite tout près de l’arrête de bus. Mais malgré tout tu t’inquiètes, tu découvres ce que c’est de s’inquiéter pour son enfant. Même si elle est pour ainsi dire adulte comme elle te le fait remarquer. Tu es soulagé quand elle te dit que ta présence à ses côtés ne la dérange pas du tout, tu sais que ça parle dans le club. Toi tu t’en fiches pas mal, tu sais la vérité, pourquoi tu veilles autant sur elle, mais elle, elle l’ignore. Pour l’instant.

Puis elle te donne l’argument, sans doute le seul qui puisse te faire changer d’avis sur le fait de l’accompagner quoi qu’il arrive, le fait qu’elle pourrait ne jamais s’en remettre si elle s’habitue à être cocoonée. « Je t’ai déjà dit que ça ne me gêne pas, je n’ai rien à faire si ce n’est rentré dormir. » plaisantes-tu pour répondre au fait que tu ne le dois rien, même si c’est tout le contraire, tu lui dois tant, tant d’épreuves lui sont arrivée et dont tu te sens responsable. « Mais tu as raison. Ta maturité m’impressionne, je dois bien l’avouer. » souris-tu, de plus en plus fier de la jeune femme qu’elle est devenue. « Rentres bien. Si ça ne t’embête pas, j’aimerais que tu m’envoies un message pour me dire quand tu seras arrivée chez toi. » lui demandes-tu avec une petite moue, tu restes gêné de devoir lui demander ce genre de chose qui devraient pourtant être naturelles entre un père et sa fille, mais pour ça il faudrait qu’elle le sache…
Le bus arrive rapidement après que vous soyez arrivés à l’arrêt. Tu lui fais la bise avec un dernier « Rentre bien. » avant de la regarder monter dans le bus et attendre de voir ce dernier passer le coin de la rue, à ce moment seulement tu te mets en chemin pour rentrer chez toi. Tu tombes de sommeil après cette nuit de service, pourtant tu ne réussis à t’endormir qu’une fois que tu reçois le message d’Hécate.

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Hecate Malcolm

T'essaies de penser de façon rationnelle, de façon adulte. Tu sais déjà que si Shane t'accompagne jusque chez toi, c'est un risque à ce que tu ne sois plus capable de rentrer seule. C'était le premier soir depuis ton retour, le soir fatidique, celui où tu dois prendre ton courage à deux mains. C'est comme après une chute à vélo, faut vite se remettre en selle. Pourtant, Shane continue d'arguer que ça ne le gêne pas, qu'il n'a rien d'autre à faire, ce qui t'arrache un sourire. « Je sais que ça ne te gêne pas. Mais là il s'agit d'un choix par rapport à moi, pas à toi. » Parce que si tu le laisse, si tu cèdes, c'est toi que tu prends au piège. Tu t'enchaîneras à ce besoin d'une présence à tes côtés, et à la peur de la solitude par la même occasion. Une peur que tu n'as jamais eue jusque maintenant. Et tu ris lorsqu'il s'avoue étonné de ta maturité, impressionné même. Si seulement il savait qu'au fond, t'es terrifiée, plus encore qu'une enfant. « Je te remercie du compliment. » Tu t'es jamais laissé piétiner par les obstacles et par le danger jusque maintenant. Fallait pas que ça commence aujourd'hui. Au loin, tu vois le bus approcher, et tu te tourne vers Shane avant de lui rendre son sourire. « Promis, je t'envoie un message dès que je suis enfermée à double tour dans ma chambre. » Les filles parlent sur votre dos, pour ce genre de comportement. Toi, curieusement, tu vois Shane comme le père que t'as jamais pu avoir. Un élément que tu te gardes de dire.  Tu t'approches, te hisse jusque sa joue que tu embrasses, alors que le bus s'arrête devant toi. « Merci Shane. Pour tout. Rentres bien aussi. » Et sur ces mots, tu grimpes dans le bus, prenant soin de t'installer à la place la plus proche du conducteur tandis que les portes se referment. Et t'es pas confiante, pendant le trajet, mais tu t'efforces de relativiser. De penser que ce sera plus facile au fil des jours. Que bientôt, tu habiteras en ville, et non plus sur le campus, ça te fera moins de route. Malgré toutes ces pensées, c'est en toute hâte que tu rentres dans le bâtiment de la Mather House, grimpant les marches deux à deux jusque ta chambre où tu t'enfermes. Et c'est seulement là que tu sors ton portable, pour envoyer un message à Shane, à cet ange gardien que t'as pas demandé mais que tu es heureuse d'avoir, pour le rassurer. Tu allais bien, et c'était en grande partie grâce à lui ce soir.

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