Chaque année c’était la même chose, sous prétexte qu’on venait de tourner une page sur le grand calendrier de la vie, chacun faisait comme si cette nouvelle année sonnait le glas d’une aire nouvelle, d’une aire meilleure et propice au changement. Pourtant je ne me sentais pas différente d’il y a encore une semaine, j’étais toujours là, et certains autres que j’aurais préféré voir disparaitre cette année aussi.

Dans les couloirs on pouvait voir les étudiants se sourire, s’embrasser, alors que j’aurais pu jurer que ces deux-là se battaient il n’y a encore pas si longtemps, je les observais se faire la bise comme si de rien était. Autant je n’ai pas d’aversion pour le contact physique, autant je n’aime pas la gentillesse gratuite, ça n’a vraiment aucun sens.

J’avais pu esquiver quelques embrassades en faisant bien attention de ne pas regarder les autres dans les yeux comme pour leur donner l’idée d’approcher, mais je ne parvenais pas à éviter cette furie qui empestait l’alcool. Il était pourtant encore tôt, les cours reprenaient aujourd’hui et tout le monde avait pris de bonnes résolutions, mais cette fille totalement ivre ne semblait pas au courant.

Je ne la connaissais ni d’Eve ni d’Adam, alors quand elle s’approchait de moi en titubant, grommelant quelque chose d’indescriptible je m’écartais autant que possible. Comment c’était possible pour une femme de se mettre dans un état aussi lamentable ? Je la regardais avec un certain mépris mais malgré que j’essaie de m’écartant l’étudiante aussi mal habillée que mal réveillée me percutait en s’appuyant sur mon épaule.

- Hé ! s’il te plait, vas embêter quelqu’un d’autre.

D’une main je repoussais l’assaut de celle-ci quand elle tombait à genou pour régurgiter son diner de la veille en même temps que ce qui lui restait de fierté. Je n’avais qu’une envie c’était de lui donner un bon coup de pied de la pointe de mon escarpin qu’elle venait de ruiner, mais je me contentais de soupirer en reculant d’un air répugné.

- Oh mon dieu !

Dans mon mouvement de recul hâtif je n’avais pas remarqué cette autre fille derrière moi que je percutais peut être un peu violement. Je voulais juste m’éloigner au plus vite de cette épave en train de se noyer dans son propre vomi quand je me retrouvais les fesses au sol contre les genoux d’une étudiante d’un tout autre standing.

happy new year
— with minna

C'est la rentrée, beaucoup trop tôt à mon goût. J'ai passé Noël dans ma famille en Californie et je peux vous dire que le temps n'est pas du tout le même qu'ici. Je suis habituée au climat de la Californie, un climat beaucoup plus sec, plus doux aussi puisque notre trottoir ne se recouvre pas de neige tout l'hiver. On ne manque pas de glisser quand on met le pied dehors et on ne doit pas se couvrir comme une folle pour ne pas attraper un bon gros rhume. Je déteste le froid, je déteste la neige et on est servie cet hiver. Quand je suis rentrée à Boston, j'ai été étonnée de voir ce manteau blanc recouvrir les rues. Il faisait plus de dix degrés à San Francisco, un beau soleil, certaines personnes se baignaient même ! Ici, c'est même pas la peine d'y penser vu le temps... Me dirigeant vers un cours de communication international quand tout à coup, une demoiselle manque de tomber sur moi, me bousculant en me faisant glisser en arrière. J'ai bien vu qu'elle a essayé d'éviter la fille complètement bourrée qui titubait dans le couloir vers nous, mais elle aurait pu faire attention. Elle m'a marché sur le pied, sur mes chaussures qui valent certainement plus cher que toute sa tenue réunie et je me retrouve écrasée contre le mur. Je marmonne alors, « Hey ! » Je me tourne vers la fille bourrée un peu plus loin. « Tu commences bien l'année, pauvre fille ! » Je soupire et je regarde mes chaussures en secouant la tête avant de relever le regard vers la petite blonde qui m'a bousculée. « Ca va ? » C'est incroyable de se mettre dans un état pareil juste pour la nouvelle année. Ca fait un peu pitié, en fait.

Décontenancée, je n’avais même pas fait attention à la fille qui était derrière moi. C’est seulement quand je me retournais que je me rendais compte de l’élégance de celle que je venais de bousculer. Il y avait les deux parfait opposé, la fille totalement ivre, pathétique et totalement dénue d’intérêt, face à une jolie brune au raffinement qui ne faisait aucun doute.

J’avais un moment d’hésitation, un mouvement de recul, prise entre les deux filles sans plus vraiment savoir où donné de la tête. Celle que j’avais bousculée semblait nerveuse et pas spécialement ravie de la situation.

- Je suis désolée, j’ai failli y laissé mes chaussures.

C’était en regardant mes pieds que j’apercevais ceux de ma voisine avec une paire qui valait bien deux fois la mienne. Elle les secouait et c’est à ce moment-là que je me rendais compte que j’avais marché dessus. Je tournais le visage pour pester sur la fille pathétique qui se faisait déjà insulter par la belle aux chaussures de créateurs.

- Mais du coup c’est les tiennes qui ont prises … Elles sont carrément top, une édition tellement limitée que même moi je n’ai pas pu m’en procurer.

Je serais bien allez donner un coup de grâce à celle qui se noyait déjà dans son propre vomi, et puis je me rendais compte qu’elle ne méritait même pas autant d’intérêt. Je me relevais pour être au niveau de la brune que j’avais du mal à ne pas observer avec beaucoup d’estime. Je ne sais pas qui est cette fille, mais il me faut le même habilleur.

- Ça va allez, mais ça ira mieux si on va ailleurs, j’ai l’odorat sensible.

D’une certaine façon je proposais à la jeune femme que je venais de percuter de m’accompagner plus loin. Aussi loin qu’il faudrait qu’on aille pour ne plus avoir cette odeur infecte. Je crois que j’aurai l’odeur en mémoire la journée entière, ça sera dur de ne pas y penser, mais je me console en pensant que j’aurais plus tomber sur une autre fille moins classe.

Si je ne me retenais pas je la déshabillerais de la tête au pied pour lui piquer ses fringues, mais je me contentais de lui sourire une fois qu’on était assez loin pour que je m’appuie sur un petit muret. J’affichais un sourire sans plus penser à l’autre dépravée qu’on venait de laisser sur place.

- Je crois jamais avoir rencontré de fille avec un minimum de style à Harvard. Toi t’es pas du coin ? Les filles d’ici ne connaissent pas la couture européenne.

happy new year
— with minna

La jolie blonde qui a été bousculée par cette.. ivrogne semble un peu désorientée mais elle finit par me regarder alors que je lui demande si tout va bien ? Bon, je lui en veux de m'avoir marché dessus comme ça, mais j'imagine que si j'avais été à sa place, je n'aurais pas mieux faire. Cette fille qui sentait encore l'alcool n'y a pas été de main morte et elle a bousculé violemment toutes les personnes qu'elle trouvait sur son passage dans le couloir.- Je suis désolée, j’ai failli y laissé mes chaussures. Je ris légèrement alors que je gesticule mon pied, parce que même si ça n'est pas de sa faute, ça a quand même fait mal. - Mais du coup c’est les tiennes qui ont prises … Elles sont carrément top, une édition tellement limitée que même moi je n’ai pas pu m’en procurer. Je souris en coin alors que je remonte la tête vers la jeune femme. Elle a l'air de s'y connaître, c'est un bon point pour elle. « Mon père connait le créateur, il m'a offert cette paire pour Noël. » Je sais, ça sonne tellement Eliot comment j'ai dit mais je n'y peu rien si mes parents ont des contact un peu partout. La blondinette finit par se redresser en me regardant et j'haussais les épaules, « A la prochaine collection je peux essayer de t'en mettre une de côté, si ça t'intéresse. » Bien sûr, il faut avoir les moyens de se les payer mais je présume que si elle a essayé de se procurer déjà celles-là, c'est qu'elle peut se le permettre. Mes yeux sont attirés vers la fille qui a fini par vomir dans un coin et je cache ma bouche et mon nez avec ma main en fronçant les sourcils. Je suis la demoiselle un peu plus loin, parce que l'odeur n'est vraiment pas top. - Je crois jamais avoir rencontré de fille avec un minimum de style à Harvard. Toi t’es pas du coin ? Les filles d’ici ne connaissent pas la couture européenne. Un sourire se dessine sur mon visage et je secoue la tête. « Non, je viens de San Francisco mais je suis à Harvard depuis quelques années déjà. Je ne me souviens pas t'avoir déjà croisée non plus.  » Je tends la main vers la jeune femme : elle a reconnu le créateur de mes chaussures alors elle vaut mieux que je me présente et qu'on fasse connaissance. C'est tellement rare, les vrais amateurs de mode dans le coin. « Je m'appelle Amalthia, mais on m'appelle Ama.  » Je lui offre un nouveau sourire, « C'est rare les gens qui reconnaissent les créateurs Européens dans le coin. » Et c'est une qualité dont elle peut se vanter. A mes yeux, bien sûr.

Pendant cette brève altercation avant la brune, j’en avait oublié cette folle qui m’avais fait bousculer quelqu’un d’autre, pour me concentrer sur les chaussures sur lesquels je pourrais fantasmer pendant des jours. C’était pile celle que j’avais cherchée, et j’étais à la fois admirative et jalouse de les voir sur quelqu’un d’autre.

- Mon père à moi sait que je suis trop capricieuse pour qu’il arrive à combler mes attentes, alors il a arrêté d’essayer.

S’il avait de l’argent, il n’avait certainement pas les relations nécessaires pour m’obtenir la même chose. Je me satisfaisais de ce que l’argent pouvait obtenir, et puis je n’avais pas de copine aux relations mieux placée, du moins avant de connaitre cette fille, une parfaite inconnue qui me proposait de me procurer la même paire qu’elle.

- Pourquoi tu ferais ça ? Je veux dire, ce qui fait tout le charme d’une édition limitée c’est qu’on soit la seule à la porter.

J’étais peut-être égoïste, mais de mon côté je ne pense pas que j’aurai proposé la même chose à la brune. Si j’avais des plans créateurs, je les gardais pour moi d’habitude, mais j’aimais bien la façon rafraichissante que cette fille avait de voir les choses.

En oubliant totalement celle qui devait tituber dans un couloir, je dévouais totalement mon attention sur la jeune femme qui se présentait à moi avec un prénom pas très commun. J’en apprenais plus sur ses origines et j’avais même le droit de Raccourcir le prénom compliqué de celle qui serait surement bientôt ma nouvelle amie.

- J’aime bien Amalthia, par contre Ama je trouve que ça en perd son charme. Amy ça t’irait bien, ou juste A. pas besoin de plus, ton charisme et ta beauté naturelle font tout le reste.

C’était le genre de fille à en imposer par sa simple présence. Elle dégageait une aura qui à lui seule laissait tous les autres sur le carreau. Elle avait certainement du sang noble, ou l’avait été dans une autre vie. Je saisissais alors sa main tendue pour me présenter à mon tour avec un petit sourire en coin.

- Moi c’est Minna, mais si tu veux m’appeler autrement c’est pas la peine d’essayer, j’adore mon prénom.

Je n’étais vraiment pas du genre à utiliser des diminutifs, je trouvais que chacun devait rester fière de ses origines, et le prénom c’était la première chose qui nous rattachait à ce qu’on était. Le pays étant la deuxième, je souriais aussi fièrement quand elle me parlait de couture européenne qui était toute ma vie.

- Tu rigoles ? J’ai toujours vécu en Allemagne, c’est le pays de Karl Lagarfeld, et si mon père ne connaît pas de créateur, moi je connais les plus grands centres commerciaux d’Europe.

happy new year
— with minna

Mon père connait mes goûts en mode et ça arrive assez souvent qu'il m'offre un week-end à Paris pour assister à des défilés de la Fashion Week ou une paire de chaussures d'un grand créateur. J'aime les créateurs reconnus, mais je suis aussi fan des petits créateurs, ceux qui n'ont pas encore percés. Beaucoup de gens sont doués : pas besoin d'être connu pour l'être. - Mon père à moi sait que je suis trop capricieuse pour qu’il arrive à combler mes attentes, alors il a arrêté d’essayer. Je ris doucement ne la regardant : je pense que cette fille et moi allons nous apprécier. Je lui propose alors de lui faire mettre une paire de chaussures de côté, la prochaine fois que ce créateur en fera des nouvelles. Les éditions sont toujours ultra limitées et en général, ils n'y a pas plus de dix paires de chaussures pareilles. - Pourquoi tu ferais ça ? Je veux dire, ce qui fait tout le charme d’une édition limitée c’est qu’on soit la seule à la porter. Je souris en coin et j'hausse les épaules. « Ca ne me dérange pas, personne ne porte une paire de chaussure de la même manière et elles peuvent paraitre différentes selon les tenues. » Je la regarde de haut en bas et j'ajoute, « T'es une fille qui a du style, ça se voit alors ça ne me pose pas de problème. » Mais je peux comprendre qu'elle soit étonnée. En général, les filles n'aiment pas qu'on soit habillées de la même manière. Mais j'ai été habituée de ne croiser jamais personne habillée comme moi donc ça n'est pas quelque chose de récurant. Je finis donc par me présenter, c'est la moindre des choses quand on rencontre quelqu'un et j'aime bien cette fille. - J’aime bien Amalthia, par contre Ama je trouve que ça en perd son charme. Amy ça t’irait bien, ou juste A. pas besoin de plus, ton charisme et ta beauté naturelle font tout le reste. Je lui souris et je sens presque mes joues rougir alors que la demoiselle me serre la main que je viens de lui tendre. Mon prénom fait souvent sensation quand je le donne, il est tellement peu commun aux Etats-Unis. Normal, puisqu'il s'agit d'un prénom Grec. - Moi c’est Minna, mais si tu veux m’appeler autrement c’est pas la peine d’essayer, j’adore mon prénom. Je lui offre un sourire et je lance alors,«  Enchantée Minna ! Ce prénom n'est pas Américain non plus, n'est-ce pas ? » C'est tellement rare de trouver sur ce continent quelqu'un qui connaisse la haute couture Européenne. - Tu rigoles ? J’ai toujours vécu en Allemagne, c’est le pays de Karl Lagarfeld, et si mon père ne connaît pas de créateur, moi je connais les plus grands centres commerciaux d’Europe. Un nouveau sourire nait sur mon visage alors que j'hoche la tête, « Oh mon Dieu, la nouvelle collection de Karl Lagarfield est géniale, je l'ai vu à la Fashion Week de Paris ! » Je ne peux pas louper un défilé de ce créateur que j'aime beaucoup. « J'adore Berlin, je n'ai pas assez souvent eu l'occasion d'aller en Allemagne  » Je m'arrête de marcher et je me tourne vers Minna, « Tu étudies quoi à Harvard ? » Peut-être étudie t-elle la mode, elle aussi ? Vu comme elle a l'air d'aimer ça, ça ne m'étonnerait pas.

Cette fille croisée totalement par hasard semblait me correspondre, comme quoi le hasard faisait bien les choses. Je l’écoutais parler de ses chaussures, je crois que c’est une conversation que j’aurais pu avoir avec elle pendant des heures.

Sa proposition de m’en procurer une paire ne gâchait rien, c’était à la fois irréel et excitant. Cette Amalthia transpirait la mode de la tête au pied, c’était comme un mannequin de boutique de centre commercial, en beaucoup plus glamour.

- Je te passerai mon numéro alors, et dès que t’as un plan chaussure tu m’appelles. Moi je ferai pareil dès que j’aurai des enfiles en Allemagne.

Il y avait certaine création qui n’arrivaient jamais jusqu’en Amérique, des créateurs qui desservent toujours l’Europe avant le reste du monde, j’ai toujours adoré porter certaines robes avant les autres.

- C’est Allemand, toute ma vie est là-bas, je veux dire, en Allemagne.

Je souriais à celle qui pourrait devenir ma nouvelle amie en l’observant souligner ce prénom qui était le mien. Je restais fière de mes origines et le fait qu’elle dénote que je ne venais pas d’ici n’était pas pour me déplaire.

- Amalthia ça ne sonne pas non plus très locale ? Je crois que je suis déjà allez dans un hôtel de luxe qui portait ton prénom en crête. De très jolies vacances !

Il m’était arrivée d’accompagner mon père dans ses voyages à l’étranger, et depuis que j’avais commencé mes études il me laissait venir régulièrement avec lui, c’était vraiment intéressant. Je suivais celle qui continuait son chemin avant qu’on ne s’arrête toutes les deux pour que je réponde à sa nouvelle question. Elle s’intéressait à moi et j’aimais vraiment ça.

- Je suis en Relation internationale. Ça me permet de voyager pas mal, et j’ai pris étude de la femme en option mineure. J’adore m’intéresser aux différentes cultures, enfin tant que ça reste des pays développés.

Je ne me voyais pas partir dans une yourte pour aider les orphelins affamés au soudan. Heureusement qu’avec de l’argent on pouvait payer ceux qui en avaient moins pour faire le boulot. J’étais certainement égoïste dans un sens, ou égocentrique ? Mais j’aidais quand même mon prochain, même si ce prochain devait garder un certain standing.

- Tu vas me trouver horrible, mais je suis bien dans mes jolies robes dans un pays où on ne manque de rien. Je pourrais donner une pièce à un sans-abris, mais pas lui tendre la main.

Je repensais à cette fille totalement barge de tout à l’heure qui avait vomis ses trippes sur mes chaussures, ou du moins juste à côté. Même ici on avait des cas désespérés. Mais on avait aussi nos élites, la tête inclinée sur le côté je dévisageais Amalthia comme pour la couver d’yeux admiratifs.

- Mais toi t’es plutôt le genre de femme qu’on étudie en cours avec toutes ces grandes visionnaires qui ont changés le monde. Qu’est ce que tu fais toi à Harvard dis-moi ?