C’est vrai, c’était important pour Jennalyn d’en savoir un peu plus sur sa mère. Après tout, elle avait toujours vécu sans, et si étant plus petite son père lui avait expliqué qu’elle avait simplement préféré être absente de leurs vies, la petite fille qu’elle avait été avait souvent espéré avoir un petit mot de sa part pour son anniversaire par exemple, ou bien juste un appel téléphonique, même ça, ça lui aurait fait plaisir. Mais rien, elle n’avait jamais eu le moindre contact avec elle. Elle n’avait rien, pas même une photo. Enfant, elle avait souvent souffert du manque de sa mère, mais plus elle avait grandi, et plus elle avait commencé à éprouver une certaine rancune envers elle. Elle lui en voulait, et encore plus depuis qu’elle avait découvert sa lettre. Ce n’est après tout pas évident pour une enfant de douze ans d’apprendre que si elle était de ce monde, c’était uniquement parce que son père avait fait un deal avec sa mère. Elle se sentait quelque peu trahie par son père qui lui avait caché cette vérité et tout ce qu’elle voulait, c’était des réponses à ses questions. Elle aurait pu tout aussi bien interroger son père, mais elle craignait que ce dernier lui mente à nouveau ou qu’il se mette en colère contre elle d’avoir fouillé dans ses affaires et d’avoir trouvé cette fichue lettre. C’est vrai que depuis un petit temps, Jennalyne se montrait plus souvent sur la défensive avec son père. Elle grandissait, et puis, après avoir trouvé cette lettre, elle avait beaucoup de colère entre elle. Et cette colère, elle l’évacuait sur son père, sans pour autant lui confier le mal être qui la rongeait. Le seul qu’elle pouvait interroger pour avoir des réponses, c’était ce jeune homme qu’elle venait tout juste de rencontrer. Ce qu’elle n’avait pas manqué de faire, après s’être avoué vaincue. Du hautde ses douze ans, elle l’avait d’abord regardé intriguée lorsqu’il avait repris la parole. « amants ? » Répéta-t-elle pour s’assurer qu’elle avait bien compris. Elle n’avait jamais entendu ce mot, et se promettait d’en regarder la définition au dictionnaire dès qu’elle en aurait l’occasion. Il y avait plus urgent à élucider que ce détail pour elle. Ainsi donc, ce jeune homme était également le fils d’Olivia… Et par conséquent son frère. Du moins son demi-frère… Et ça, ça avait eu don de la surprendre, et pas de façon positive. Dès lors, elle s’était rapidement remise sur la défensive en s’adressant à lui à nouveau. « Elle a dit à mon père qu’elle ne voulait pas d’enfant. C’est une menteuse ou c’est toi qui me raconte des histoires ? » Parce que si elle avait voulu en apprendre plus sur sa mère, elle s’était attendue à tout sauf à ça.

Jennalyn n’avait toujours connu que son père pour veiller sur elle. Jamais il n’avait souhaité se remettre en couple. S’il l’avait fait, peut-être que Jenna aurait eu moins à cœur de retrouver sa mère biologique : il aurait pu lui mentir et faire de sa nouvelle compagne la mère de substitution de Jenna et la jeune fille aurait eu nettement moins de tourment. Mais il avait préféré jouer la carte de l’honnêteté avec sa fille en lui donnant une part de la vérité. Une vérité pas facile à entendre et que Jenna était en train d’apprendre. Alors, si le jeune homme disait vrai, son père avait-il été l’un des amants de sa mère pendant un temps ? C’est ce qu’elle croyait comprendre en tout cas. Et cela était quelque peu déstabilisant. Elle qui pensait que ses parents s’étaient aimés un minimum, elle était suffisamment intelligente pour comprendre que cela n’avait pas vraiment été le cas, du moins du coté de sa mère. « Alors maman est une pute… » N’avait-elle pu s’empêcher de constater. Certes, elle utilisait des mots crus pour la décrire, mais elle ne voyait pas comment la qualifier autrement.  « Et t’as grandi avec elle et tout les hommes qu’elle ramenait à la maison ? Et ton père, il est où ?  » L’interrogea-t-elle soucieuse. Pourquoi comme elle, sa mère ne l’avait-elle pas confié à son père ? En tout cas, lui connaissait son histoire mieux qu’elle, de toute évidence. Elle avait été surprise d’apprendre qu’il était au courant du pacte que sa mère avait fait avec son père et cette réalité était également difficile à entendre pour elle. Elle accusait cependant le coup du mieux qu’elle pouvait et resta silencieuse un moment. A choisir, elle aurait préféré apprendre la vérité de la part de son père plutôt que d’un étranger. C’était dur pour elle de se faire à l’idée que son père n’ai même pas cherché à lui donner une mère normale. A ses yeux, Olivia aurait mieux fait d’avorter. Ca aurait sans doute été plus facile et elle n’aurait pas à accepter tout ça. Elle ne pensait pas arriver un jour, d’ailleurs, à accepter cette part de son histoire. « Mon père… Je sais que j’ai de la chance de l’avoir parce qu’il a toujours été là pour moi, mais parfois c’est pas facile avec lui. On est pas toujours d’accord sur tout, on s’engueule par moment, mais je sais que je peux compter sur lui. Je pensais juste pas qu’il me cachait tant de choses sur maman. Et je lui en veux pour ça. Sinon, quand j’étais plus petite, c’était un papa cool. C’était plus facile avec lui quand j’étais petite. Maintenant, c’est trop compliqué nous deux. Et avec maman, c'est comment? Ca doit pas être facile tous les jours non plus, j'imagine... »

De toute évidence, sa mère se plaisait à vivre dans un joyeux bordel. Et dire que Jennalyn était restée là à observer, parfois pendant plus d’une heure, les allées et venues de quelques hommes qui passaient par là. La seule chose qu’elle avait apprise, c’était que sa mère ne restait jamais très longtemps seule, mais la naïveté de la jeune fille lui avait laissée penser qu’ils n’étaient que des amis. A présent, elle se sentait complètement confuse par tout ça. C’est vrai que la vérité qu’elle avait apprise était difficile à encaisser, mais elle était reconnaissante à l’égard du jeune homme d’avoir été honnête avec elle. « Je vois... D’accord, c’est pas une pute, c’est pire que ça. Au moins, je sais ce qu’elle est maintenant. Merci de m’avoir dit la vérité. » Finalement, ce n’était peut-être pas plus mal que cette dernière aie toujours été absente de sa vie. Le père de Jennlyn avait toujours pris soin de lui inculquer des valeurs, mais de toute évidence, les valeurs, ce n’était pas la priorité de sa mère. Comment pouvait-elle se laisser aller à se dégrader à ce point ? Sa mère devait avoir une sacrée réputation en ville, et pas forcément la meilleure. A présent, c’était clair et net dans l’esprit de la petite fille : elle ne voulait même plus la rencontrer. Avant, elle avait une part d’hésitation, mais à présent, c’était terminé. Elle se sentait vraiment désolée pour son grand frère qui avait eu moins de chance qu’elle. Au moins elle avait son père. Lui par contre, avait l’air bien seul. « Je suis désolée. Ca devait pas être facile tous les jours… » A choisir, elle préférait avoir une mère absente de sa vie qu’une mère présente mais qui négligeait complètement son enfant pour coucher avec ses amants. « Au fait, je t’ai pas demandé, tu t’appelles comment ? » Après tout, c’était son demi-frère, elle s’estimait donc en droit d’en apprendre au moins un peu plus sur lui aussi, du moins, juste son prénom, ce serait déjà bien. Alors qu’il lui parlait de son père, Jennalyn haussa doucement les épaules, quelque peu hésitante. « Oui, tu as sans doute raison... »  Elle essayait de relativiser en se disant que si elle était de ce monde, c’était uniquement grâce à lui et parce qu’il avait supplié sa mère de la garder. Mais à choisir, elle accepterait volontier de retourner en arrière, lorsqu’elle était petite, en tout cas, plus petite que maintenant et où tout était tellement plus facile entre eux. Plus elle grandissait, et plus son père semblait vouloir la protéger de tout et Jennalyn se sentait parfois étouffée. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’elle ne lui avait jamais confié s’être rendu plus d’une fois chez sa mère. Mais à présent, ce secret ne serait plus un problème car elle ne désirait plus retenter l’expérience. Elle en savait assez, bien assez. D’ailleurs, elle n’avait pas manqué d’approuver d’un  signe positif de tête les paroles de son grand frère. « Je viendrais plus,  c’est promis. Mais toi, s’il te plaît, tu veux bien ne jamais dire à maman que je suis venue et qu’on s’est parlé tout les deux ? » Elle se permettait d’insister car c’était vraiment important pour elle. Sa mère n’avait pas cherché à la connaître et elle ne voulait pas que cette dernière apprenne que sa fille avait risqué tenter de reprendre contact avec elle. « En tout cas, je suis en partie contente de savoir que même si j’ai pas vraiment de mère, j’ai au moins un grand frère. C’est déjà ça. » Lui dit-elle en lui adressant un petit sourire. De son coté, elle ne savait pas s’il était ravi d’avoir une petite sœur. Peut-être qu’il lui faudrait du temps à lui aussi pour digérer la nouvelle.  Et ce serait après tout normal. « Et aussi, je voulais te dire, je suis désolée d'avoir manqué de te rentrer dedans tout à l’heure. »